III- Ecriture et lecture : des rapports ludiques ?

Ecrire sur l’écrit est sans doute beaucoup plus aisé que d’écrire sur le lu. Le texte, en tant qu’objet unique et réel, est un support à l’étude de la création littéraire. Tandis que la lecture, longtemps perçue comme une attitude passive, a rebuté les critiques à cause de l’inexistence d’un modèle d’étude concret. Pourtant, l’acte de lire est tout aussi créatif que celui d’écrire; pourtant, la lecture et l’écriture sont intimement liés, voir indissociables :

‘« Tous, nous nous lisons nous-mêmes et lisons le monde qui nous entoure afin d’apercevoir ce que nous sommes et où nous nous trouvons. Nous lisons pour comprendre, ou pour commencer à comprendre. Nous ne pouvons que lire. Lire, presque autant que respirer, est notre fonction essentielle »292.’

Ces lignes figurent dans les premières pages du superbe ouvrage d’Alberto Manguel sur la lecture. Longtemps sacrifiée à l’étude de l’écriture, la lecture fascine et tourmente les critiques car elle échappe à toute approche normative. Rares en effet sont les études qui lui sont consacrées. Les théories de la réception font en effet peur aux puristes qui craignent le mélange de l’arbitraire et du subjectif dans un domaine qui veut par tous les moyens acquérir un statut scientifique déjà controversé. Toutefois, que l’on ne se trompe pas sur nos intentions. Nous ne prétendons guère créer une nouvelle théorie de la lecture. Notre objectif est de mettre en mots ce que nous avons ressenti à la lecture des romans de Boudjedra et Kundera. Notre sensibilité aux textes est donc notre principal outil de travail. Cette sensibilité nous amène à voir le ludisme comme le lien principal entre lecture et écriture, et ce à travers les textes eux-mêmes.

Notes
292.

- MANGUEL, Alberto. Une histoire de la lecture, essai traduit de l’anglais par Christine Le Boeuf, Actes Sud, 1998, 428 pages; p. 20.