b) Explications, ajouts :

  1. « ...livrée à nous par la pudeur (ou la stupéfaction) » p. 24. [précision]

  2. « J’ajoutais alors (ou j’écrivais, pour lire à ceux qui pour l’instant dormaient) » p. 25. [précision]

  3. « ...l’un des gamins ne cessait pas tout en chantant des miséricordes de lui faire des gestes désobligeants, sans même le regarder. ... Il était lugubre (le gosse continuait son manège, sans regarder personne, surtout pas l’homme à la grosse caisse) » p. 35. [description]

  4. « De son temps, disait le maniaque (il regardait avec une régularité de métronome une fois son épaule gauche, une fois son épaule droite, et humait fortement l’air à chaque coup) les gamins étaient plus costauds... » p. 41. [description]

  5. « On disait qu’il se teignait les cheveux (ou bien portait perruque, ce qui était plus plausible) » p. 48. [ajout avec appréciation subjective]

  6. « Riait-il lui-même de la torpeur du croque-mort (il suffisait de lever la tête pour l’apercevoir entre le dernier musicien et le premier récitant, les mains derrière le dos, l’air tranquille et ressemblant si peu à ses cadavres dont il parlait avec mélancolie, se grattant l’omoplate gauche qu’il avait osseuse et plus volumineuse que l’omoplate droite, son malheur, disait-il...) » p. 50. [explication]

  7. « Les bruits ... étaient toujours les mêmes (douche-lavabo-ménage-arrosage-cuisine-pluie à l’extérieur et sur les frondaisons ténues des arbres, les jours où il pleuvait en été, malgré l’intensité des orages seuls capables d’atténuer la chaleur étouffante de la journée, etc.) » pp. 53-54. [explication]

  8. « Comment alors les expulser vers cette hantise où le cerveau se violace de quelques millions d’abeilles (surtout des abeilles effervescentes et agressives) » p. 57. [précision]

  9. « Nadia boudait. Parce que, la veille, j’avais à nouveau évoqué cette histoire de jeune fille (noyée sans que je pus lui porter quelque secours parce que le soleil me martelait les tempes et que l’insolation m’avait emporté dans un labyrinthe sordide où tout geste m’avait paru excessif et saugrenu, d’autant plus que le gardien du mausolée semblait s’intéresser à mes faits et gestes et qu’il restait là [mais où était passée la chèvre noire ?] dans une attente douloureuse, les lèvres épaissies par la sécheresse, alors que mon amante, ravie à la hargne de la tribu, s’en allait dans l’eau verte, laver son visage ruisselant de ce sang qui commençait déjà à coaguler à la commissure des lèvres et à l’intersection des paupières) qui la mettait hors d’elle... » pp. 58-59.[rappel de la noyade de Samia : pp. 7-9-13-16-18-24-27. [explication]

  10. « ...de peur qu’ils ne refusent (tous ces jeunes dont elle était amoureuse)... » p. 59. [précision]

  11. « ...Membres Secrets du Clan (M.S.C.)... » p. 60. [précision]

  12. « ...nous avions menacé de la dépecer (surtout que nous avions parmi nous un Bagnard trimbalé de forteresse en forteresse; géant hirsute évadé du bagne et repris dans une mosquée, déguisé en bedeau myope et fanatique; nécrophile dévoré par l’amour d’une femme morte durant son premier séjour en prison et dont il étreindre le cadavre pas tout à fait tombé en poussière, lors de son évasion. Maintenant qu’il était venu échouer lamentablement dans notre antre infesté de faux aveugles, de faux délirants et de faux amoureux, il avait – pour le sauver – un air d’authenticité qui le rendait magnifique à nos yeux; et ses délires étaient meilleurs, les plus imagés et les plus fantastiques. Engoncé dans un vieux burnous miteux et troué en maint endroit, il croyait qu’il neigeait constamment sur la ville inondée par le soleil et corrodée par la mer, car il confondait tout et remontait dans le temps – subtilement – sans aucun effort. Il était gras, suait à grosses gouttes, mais disait qu’il gelait car tout était blanc et la neige lui donnait des vibrations devant les yeux, à force de blancheur. Ce n’était rien, à côté du sang qui se déversait à torrents sur l’espace immaculé et faisait des ravines profondes dans la neige molle. A mesure qu’il parlait, l’on avait l’impression qu’il ventait sur la ville et que la neige tombait à gros flocons couvrant les passants et les devantures, les autobus et les tramways avec leurs perches dont ils ne savent que faire, à s’agiter là-haut entre le bleu du ciel dur, grenu, et la blancheur cinglante des rues, des maisons et de la terre noyée dans tant et tant d’éclat lumineux, donnant à l’espace alentour une dimension telle que tout mouvement semblait se faire au ralenti comme dans un vieux film ou un beau cauchemar. Il parlait de la neige tombant sur son village, mais il confondait tout dans sa pauvre tête d’ex-tueur et il prenait la ville, dans laquelle était situé l’hôpital, pour son village situé à l’est du pays où il avait perpétré il y a fort longtemps un crime crapuleux, dans une petite épicerie misérable. Il était capable de pleurnicher des soirées entières à l’évocation de ce meurtre, non parce qu’il avait du remords mais parce qu’il n’avait rien trouvé dans l’épicerie, pas même de quoi acheter un paquet de cigarettes, alors qu’il croyait – l’imbécile – faire le coup de sa vie, gagner beaucoup d’argent et aller se marier avec cette femme qui était morte – disait-il – de chagrin, de le savoir enfermé dans ce bagne, alors qu’en vérité elle coulait des jours heureux après un mariage avec le patriarche d’une grande famille fort aisée...)... » pp. 68-69. [description du Bagnard]

  13. « ...mon père (le vrai)... » p. 73. [précision - confidence]

  14. « ...mon père (le faux)... » p. 73.[précision - confidence]

  15. « ...une quelconque vierge (gardée sous clé par un clan jaloux pour son honneur, allant de sa prison du jour à sa prison de nuit et vice versa comme un funambule dégoûté par son corps et par le vide...)... » p. 78. [explication]

  16. « Moi, j’étais parti à la recherche de mon enfance (la maison chaude avec sa chaux, ses carrelages et ses mosaïques de toutes les couleurs. Ma mère et ma tante. Les pieds nus et plus blancs que le marbre qu’elles foulaient. Le tulle blanc qui empêchait le soleil de me brûler les paupières. Les deux femmes qui se parlaient rarement mais hurlaient à longueur de journée contre la ribambelle d’enfants constamment aux aguets, lestes à fuir, inquiets devant la tournure des choses... [Il y avait deux femmes dans l’énorme maison de Siomar et un seul homme.] Dans le foisonnement du soleil sur le carrelage, entre une mouche gobée pour avoir dans la bouche le goût du sang et des amours à la fois innocentes et malsaines; nous avions des démarches étranges. Nous savions pertinemment que quelque chose couvait. L’opulence des formes de la tante ne présageait rien de bon. Femelle alourdie de son désir, elle nous inquiétait avec ses regards fantasques, sa moue éternelle et ses gros seins qu’elle n’enfermait jamais dans un soutien-gorge comme le font généralement les femmes, mais qu’elle laissait brinquebaler dans tous les sens, à l’intérieur de sa robe très ample. Il suffisait qu’elle se baisât quelque peu pour qu’on eût un goût de paradis sur la langue. Ma mère était belle. Contrairement à ma tante, elle ne faisait pas la prière et prisait en cachette. Je l’avais surprise plus d’une fois, en train d’allaiter mon oncle qui se pavanait entre ses deux femmes et nous vouait une haine éternelle) » pp. 82-83. [illustration]

  17. « ...la porte de l’armoire, ... s’était mise à grincer (elle fermait mal et s’ouvrait souvent sans raison précise)... » p. 91. [explication]

  18. « ...il était là, assis en tailleur (il n’avait jamais su s’asseoir autrement)... » p. 94. [explication]

  19. « L’odeur des latrines (aujourd’hui cela sent la betterave dans tous les coins). » p. 98. [explication]

  20. « ...les souvenirs reprenaient possession de ma mémoire (comment faire pour oublier la longue infecte guerre et notre fuite devant les soldats étrangers qui ne comprenaient pas notre attachement à la terre parfois riche, parfois sèche et terreuse ? Que de douars visités, la nuit, à la sauvette, où nous attendaient la galette chaude et le lait caillé et le nom de Dieu clamé très haut comme un cantique exorcisant ? il y avait les rochers et la pierraille à travers lesquels nous haletions à la recherche d’un abri, pour tomber à plat ventre derrière les nopals et les jujubiers; et le tout noyé dans une goutte de soleil piquant l’oeil de celui qui fait le guet, enroulé dans son burnous de grosse laine, la mitraillette bien calée sur le ventre, prête à faire hululer l’écho à travers les montagnes. gare à l’ennemi ! Et surtout, se méfier des cochenilles. Elles piquent aux abords des oueds, quand l’aube laiteuse assaille nos visages burinés pour l’éternité. Nous faisions la guerre et il n’y avait pas de fleurs dans nos songes. Seulement le napalm déversé par les insectes d’acier tourbillonnant dans le ciel, au-dessus de la lagune. Mille et mille villages détruits. Il nous fallait surgir de l’ombre et même du soleil, frapper et nous faire avaler par les forêts et les prairies des matins gris. Puis les siestes moites et le cahotement entre faille et ravin, à flanc de colline, l’un derrière l’autre. Le plus difficile, c’est de savoir faire la différence entre la proie et l’ombre de la proie. Ne pas gaspiller les munitions, vaquer à sa besogne, faire son dur métier. Puis, lorsque nous repassions, il n’y avait plus de douars. Rien que le magma tordu de pierres et de poutres. Quelques hardes de pauvres, éventrés dans leur sommeil par les bombes. Un chien crevé. Un âne coupé en deux, avec ses boyaux arrachés bleuissant au soleil parmi les restes d’un bébé hagard qui n’avait pas su ce qui lui arrivait, le pouce dans la bouche et son oeil lisse dans la main. Mort. Tatoué par l’acier, dans l’âcre odeur des genévriers et des poivriers tachés de rouge. Parfois aussi, dans l’holocauste, quelque vieille faisant ses ablutions dans le sang de sa vache, avec un air si sérieux qu’on n’aurait jamais cru qu’elle était folle...)... » pp. 99-100. [illustration]

  21. « Il avait très peur (comme ce mouton de l’Aïd que l’on avait livré à notre turbulence, lorsque nous avions été nous installer dans la grande ville. On lui avait tellement couru après, qu’effrayé, il avait fini par se jeter de la terrasse pour aller s’écraser quatre étages plus bas, sur le toit d’un tramway électrique qui passait par là. Nous avions suivi la trajectoire fabuleuse, puis l’éclatement de la malheureuse bête en mille parties sanguinolentes et glaireuses. Les passants avaient été aspergés et les pauvres avaient profité de l’aubaine pour ramasser les morceaux et les mettre dans leurs paniers; ils avaient même saisi l’occasion et étaient montés dans le tramway en resquillant, disant au receveur, au bord de l’évanouissement, qu’ils avaient déjà payé, jurant tous leurs dieux et tous leurs saints, se disputant les rares places assises, montrant leur joie de monter dans ce tram dans lequel ils n’auraient jamais osé mettre les pieds, si ce n’était cette manne du ciel, ce mouton volant dans les airs et venant s’écraser à leurs pieds... Et nous, face à l’espace cramoisi, peint de mille couleurs et bariolé de toutes les nuances du rouge, nous étions frappés par les mouvements saccadés de la perche électrique qui brinquebalait dans tous les sens...)... » pp. 101-102. [comparaison]

  22. « ...tous les déchets humains que la ville rejette impitoyablement (poètes sans le sou; vieilles prostituées mises à la porte des maisons closes; jeunes files en ruptures de ban; révolutionnaires embusqués derrière leurs lunettes noires que l’ascète pourchasse sans ménagement; vieux musiciens aveugles, débonnaires et folkloriques; charlatans tombés entre les mains de la police et devenus de pitoyables indicateurs; écrivains publics éliminés du circuit parce qu’ils sont à la traîne du progrès et qu’ils n’ont pas su s’adapter aux temps modernes en refusant d’utiliser des machines à écrire pour rédiger les lettres des analphabètes massés sur les escaliers de la grande poste; écrivains tout court, en mal de fréquentation et traînant leurs démons et leur paresse, juste capables de vomir à la seule vue d’une feuille de papier vierge et désolée; policiers de la brigade des M.S.C. en période de pénitence chez les agriculteurs ou tout simplement en période d’encanaillement auprès de l’ennemi que l’on admire, surtout qu’ils savent, les Membres Secrets du Clan, que pendant le mois de ramadan, la boutique du marchand de poissons est le seul lieu sûr où on peut manger sans être en butte à la vindicte du peuple ni à la démagogie de l’ascète en chef; manchots farfelus adeptes de la république autonomiste de Bakylie qui ont pris le maquis dans l’arrière-boutique de Djoha ou bien dans les salons surchauffés de quelque capitale étrangère; étudiants géniaux incapables de supporter plus longtemps la sénilité des maîtres; voleurs sur le point de faire le coup du siècle ou bien de retourner en prison; maris qui ne peuvent plus supporter la croupe incendiaire de leurs épouses légitimes et qui viennent dans l’antre tirer des plans pour commettre le crime parfait; fumeurs de kif frileux à la tête rasée de près et dont les rêves sont pleins de craquements, de fêlures, de miaulements et d’ectoplasmes; entremetteuses véreuses venues là chercher quelques conseils auprès de Djoha alias Si Slimane, devant le marasme qui frappe durement la profession, avec la remontée chez le peuple de la ferveur religieuse; déserteurs de bonne famille; derviches incestueux; devins fanatiques; bourgeois gagnés à la cause révolutionnaire; pègre sentant des pieds et racaille à la mauvaise haleine; joueurs de cithare; musicologues avertis des noubas andalouses; sorcières interdites de séjour dans les bains maures où elles avaient l’habitude de sévir d’une façon éhontée; littérateurs stériles; bavards éloquents; philosophes moches et sans système rigoureux; traumatisés de la guerre de sept ans; malades échappés de vingt asiles; ivrognes invétérés; coopérants courageux et honnêtes, dégoûtés par la mauvaise foi et la rapacité des leurs; pédagogues hirsutes; démagogues modernes, etc.)... » pp. 106-107-108. [explication - énumération]

  23. « ...ce crottin-plastique ... était capable de faire pousser des fleurs et même des fèves (ce dont ils étaient gourmands) sur l’asphalte de l’autoroute... » p. 108. [précision]

  24. « ...tous mes compagnons se levaient péniblement et venaient cahin-caha (toujours à cause des sortilèges)... » p. 117. [explication]

  25. « Eux, me craignent et n’osent m’apporter leurs photos (prises dans le jardin par un petit bonhomme qui porte son appareil démonté en pièces, dans un couffin, pour tromper le zèle des gardiens, et qu’il remonte à l’intérieur de l’hôpital. Les clichés sont mauvais car l’appareil est en très mauvais état, et le vieux photographe roule ses clients en les faisant payer cher. Pendant les fêtes, il arrive, accompagné d’un enfant chétif qui porte sur sa tête un décor fantastique. Avec des forêts, des lacs, des nymphes très déshabillées, des lapins qui galopent et le nom de Dieu joliment calligraphié, avec des arabesques et un soleil qui a l’air de couler, tellement le décor est usé. Puis, il les sort dans le jardin, met son décor contre un mur blanc et glabre sur lequel il y a deux lézards en train de gober des moustiques et se met à les photographier, un à un. Comme il sait que les malades n’aiment pas se faire photographier en tenue d’hôpital, il apporte avec lui une malle d’habits et les distribue à tous ceux qui veulent se faire prendre en photo. Il y a ceux qui se déguisent en « mamelouk » de la période turque, avec fausse moustache en croc, cimeterre et étendard vert avec le nom d’Allah en blanc. Il y a ceux qui se déguisent en parachutistes avec des tenues léopard et qui ont l’air plus sanguinaires que de coutume. Il y a même ceux qui se déguisent en bagnards avec des balafres faites au rouge à lèvres. Le photographe est très patient. Il leur tape sur les épaules d’un air entendu puis quand ils ne remuent plus : clic ! Il déclenche la mécanique qui fait des drôles de bruits, qui est pourrie et qui a des ratés. Et voilà mes compagnons qui ne jubilent plus, se sachant figés pour l’éternité dans cette posture risible et dans cet accoutrement incroyable. Figés pour toujours, dans ce décor irréel, avec ces nymphes dodues et alanguies, étendues par terre comme si elles étaient à leurs pieds, suppliantes et lascives. En fait, ils sont terriblement angoissés de savoir qu’il y aura dorénavant quelque part un double d’eux que l’on passe de main en main, faisant pleurer leurs parents et leurs amis regrettant de les voir toujours absents, à passer leurs vies dans les hôpitaux et dans les bagnes, et faisant s’esclaffer leurs ennemis se disant : « Ah ! quelle tête il a, avec ces déguisements mauves et écarlates, brodés et frangés, trop grands et trop larges. Décidément, il est vraiment fou... Qu’il reste dans son asile... Grand bien lui fasse ! »; puis de s’esclaffer à nouveau parce qu’ils ont découvert un détail qui leur a échappé, plus saugrenu et plus amusant que tous les autres, et de passer à nouveau la photo qui se remet à circuler de main moite en main sale... En fait, ils sont vraiment anxieux. Moi, je les vois venir : ils me demandent d’écrire au dos du cliché, de mauvaise qualité, une dédicace-souvenir, avec le nom de l’hôpital et le nom de la ville et la date : « Aouah ! ce que je suis moche » qu’ils viennent me dire l’un après l’autre et ils font semblant de rire. Mais je ne suis pas dupe. Monnaie de singe ! Je suis au courant qu’ils en rêvent la nuit et s’excitent comme des gamins, la veille de l’arrivée du photographe, le jeudi, en général. Ils sont au courant, eux aussi, que je n’ai jamais pu supporter de me faire photographier, de fausser le jeu et de passer ainsi à travers le temps alors que mon corps grandit ou maigri, que ma barbe noircit ou blanchit. De quoi a-t-on l’air, face à une photo ancienne, où l’on a un air pimpant et gaillard, intelligent et joyeux, alors que deux ou trois ans plus tard, on se sent faible, amaigri et triste de végéter dans un asile d’aliénés, alors que le pays se fait et travaille? Et nous là, planqués derrière ces hauts murs, avec cette histoire de photographies qui met la pagaille dans la tête des pauvres types partageant ma chambrée, surtout qu’il faut leur écrire des dédicaces qu’ils me dictent, que je suis même obligé de leur faire des compliments: « Mais si ! Mais si ! ce que tu peux être beau ! photogénique ! » Voilà le mot qui leur plaît! et il me faut aller chercher parmi les vedettes du cinéma égyptien le nom d’un acteur qui pourrait leur ressembler de très loin. Rien que des acteurs comiques d’ailleurs. Bigles et affreux. Cramoisis et stupides. Eux, alors très fiers : « Allons donc ! Cesse de nous flatter! » Et moi : « Mais si ! Mais si ! Toi, tu ressemble à Chikoukou, à tel point que la nuit, je pourrais te confondre... »)...pp. 124-125-126-127. [passage descriptif qui est une digression à partir de l’évocation des photos]

  26. « ...elles me rappelle de vieilles photos de famille (mon énorme grand-mère, acariâtre et obèse, assise en tailleur sur son lit, pendant qu’elle agonise; on l’avait habillée en vitesse, avant qu’elle ne rendît l’âme, avec sur la tête cette coiffe extraordinaire en forme de cône, avec ses nattes très noires, comme celles d’une petite fille, malgré son âge, avec ses yeux vitreux d’avant la mort. Mais son visage était demeuré fermé, plein d’autorité et d’une sorte de méchanceté satisfaite d’elle-même. Elle avait d’ailleurs fait tant souffrir ma mère ! Et cette photo de couleur marron avec le visage gris de mon ancêtre ayant encore le courage de se faire photographier dignement avant de mourir, pour laisser à la postérité l’exemple de son courage et de sa dureté...)... » p. 127. [description dont la source est l’évocation des photos]

  27. « ...avec dans ma tête cette phrase qui me collait à la peau du cortex : (introduisez votre garniture hygiénique dans cette pochette et déposez celle-ci dans le récipient installé à cet effet. Très important : ne pas jeter dans les W.-C. qui risquent d’être obstrués. Le papier de cette pochette comporte une composition néfaste à l’introduction des produits d’alimentation. Merci). » p. 136. [explication par l’illustration]

  28. « ...la huitième plaie. (Il y en avait douze dans la nomenclature des calamités recensées rigoureusement; mais la tête lui tintait et il était incapable de faire l’effort – pourtant nécessaire – de les compter toutes.) » p. 139. [explication]

  29. « ...les chats ... qu’on laissait ... dévorer les pauvres moineaux qui ne les entendaient pas venir (lestes et souples qu’ils étaient ces sales félins)... » p. 140. [explication]

  30. « ...une perruche ébouriffée morte de chagrin (ou de faim ou de soif). » p.146. [rectification]

  31. « ...allumer des braseros (harmel, alun, gomme arabique, etc.)... » p. 151. [énumération]

  32. « ...racaille dont on avait voulu se débarrasser à bon compte et qui était arrivée, dans le pays, à organiser le massacre, à enfumer des populations entières (« Cavaignac opérait sur la rive gauche du Chélif, chez les Sbéa qui s’étaient retirés dans leurs grottes. A toutes ses sommations, ils avaient refusé de se rendre... Alors le colonel avait donné... l’ordre d’attaquer une des grottes à la mine; et il avait fait allumer un grand feu devant l’issue d’une autre. Le lendemain, l’incendie avait gagné les bagages des réfugiés. Pendant la nuit, on crut entendre... un bruit confus, des clameurs sourdes, puis rien ne troubla plus le silence. Longtemps avant le jour, quelques hommes suffoquant vinrent tomber devant les sentinelles. Une fumée si épaisse et si âcre emplissait les grottes qu’il fut impossible d’y pénétrer d’abord. Cependant, on en voyait sortir de temps à autre des êtres méconnaissables... Quand on put enfin visiter la fournaise éteinte, on y compta plus de cinq cents victimes. » [Colonel Rousset, la Conquête de l’Algérie, Tome II, pages 22 et 23])... » p. 154. [explication par la référence historique]

  33. « (Général Daumas: les Chevaux du désert, pages 102-103). » p. 155. [référence]

  34. « ...d’autres orifices (d’autres cratères)... » p. 158. [précision]

  35. « ...il laisse à chaque halte un morceau de ses poumons complètement rongés par l’alcool et la faim et le froid (il dormait la plupart du temps sur un banc du square de l’Indépendance, en se couvrant de vieux cartons car il avait honte de rentrer chez sa vieille mère dévote accomplie mais crédule jusqu’à prendre au sérieux toutes les fables qu’il lui raconte)... » p. 163. [explication]

  36. « Algériens sanguinaires ! Mais oui, sept années qu’ils ont fait la guerre, a massacrer de gentils colons et de rustiques gardes-champêtres (Constantine : 20 août 1955. La ratonade gigantesque fit des centaines de morts, tous algériens, abattus au fusil-mitrailleur par les Européens déchaînés et haineux protégés discrètement par les autorités coloniales de la ville...)... » pp. 166- 167. [explication]

  37. « ...les objets (chaises, tables, livres, etc.) » p. 211. [énumération]

  38. « Ma tante ne se révoltait pas mais au fond elle en voulait quelque peu à sa soeur. (Dans la ville les hommes déambulent et se curent les dents après avoir bien mangé et fait la prière du soir. Ils traversent les odeurs de jasmin avec des précautions de quinteux, et des égards de pulmonaires qui craignent la fumée de cigarettes, le vertige et la nausée; mais la buée des verres, dans lesquels on verse le thé brûlant qui écume, leur donne des palpitations au niveau des narines...) » p. 215. [ajout, délire, absence de cohérence avec ce qui précède la parenthèse]

  39. « Selma me disait qu’elle avait mal au bout des seins et que c’était là le signe du malheur qui allait frapper à sa porte (Demain, la rue comme un foisonnement de signes de toutes les couleurs, mais le marron et le bleu feront comme des crevasses dans les yeux des passants retapés à neuf, rhabillés de leurs vêtements lavés la veille; et dans les yeux de ma mère qui les guetterait derrière les persiennes de sa fenêtre, une ombre passera comme si elle enviait le bonheur banal et quotidien de cette masse inconsistante et amorphe.) et ses yeux noirs devenaient plus foncés encore lorsqu’elle ressassait sa peine... » p. 216. [ajout, délire]

  40. « Je n’oubliais pas que je m’étais démené, alors, pour aller dévaster ce trou de l’horreur, oeil-glauque-et-rouge-et-tuméfié-et-rosi-à-travers-ses-sillons-sirupeux-et-acides (à en avoir la gorge irritée : koh ! koh ! koh !)... » p. 222. [explication, justification]

  41. « ...son oeil droit ou gauche qui s’évertuerait à ne pas se fermer malgré les efforts de la vieille laveuse de cadavres ... prête à y voir quelque symbole occulte de damnation et de malédiction (car tout le village savait qu’elle avait été la concubine de son beau-frère)... » p. 224. [explication]

  42. « ...cette affaire de serviettes hygiéniques (Madame, Tripax...). » p.229. [rappel, voir note n° 65]

  43. « ...l’hôpital (un ancien palais arabe, flanqué d’une aile du plus pur style-rococo-flamboyant-néo-colonial-dix-neuvième-siècle-comme-un-décor-de-villa-hispano-cubaine-dans-un-mauvais-film yankee-)... » p. 231. [description sous forme d’énumération]

  44. « ...la boîte, celle qui sert pour le sang des femmes (Madame, Tripax a pensé a vous, etc)... » p. 234. [rappel p. 229]

  45. « ...il n’hésiterait pas à investir dans l’industrie (alimentaire)... » p. 244. [précision]

  46. « Il ne me restait plus qu’à sombrer, qu’à penser au corps de Samia, dévoré par le soleil (comme le corps de Jacqueline, la petite femme du capitaine Le Coq, dévoré par les baisers du cousin dont elle était la maîtresse, dénudant sa chair pour lui, en notre présence, alors que nous avions la frousse que le mari revînt de la guerre qu’il était parti faire là-bas, en Indochine. Il était même revenu, le fameux capitaine, avec une décoration en plus et une jambe en moins remplacée par une autre en plastique, qu’il traînait pour monter les escaliers en s’essoufflant et en exhalant son haleine surie. Nous n’avions plus le courage de le narguer le pauvre capitaine qui ressemblait au manchot du jour de la circoncision, celui qui jouait du tambour dans l’orchestre de la fanfare locale. Au fond, qu’est-ce qu’ils étaient allés faire , ces deux-là, dans les rizières ? Surtout le manchot qui avait quitté son douar et était parti défendre une cause injuste et perdue d’avance. Il me semblait même qu’ils se connaissaient bien, lui et le capitaine Le Coq. Je me souvenait de les avoir vus fraterniser, après la défaite, sur la place du village, à jouer aux boules, à rire aux éclats; l’un à retrousser sa manche pour montrer son moignon horrible et boudiné par la cicatrice d’une couleur plus foncée que celle de la peau, et douce, presque lisse; l’autre à remonter le bas de son pantalon pour montrer la jambe artificielle couleur de cire (rose ? jaune ?) et faire l’éloge de la mère patrie... Se connaissaient-ils vraiment ? Je n’arrivais quand même pas à les dissocier dans ma tête et je les voyais entrer ensemble dans la bar européen du village, caresser le gros chien-loup vautré sur le seuil et tirant une langue rouge et grande, haletant sous l’effet de la chaleur; alors qu’à l’intérieur du bar noyé dans la pénombre, la grosse tenancière française suait par-dessus son maquillage sordide, étalé en couches épaisses et déjà fendillées; et exhibait au-dessous des bras et jusque sur le flanc deux taches blanches de sueur qui rendaient l’étoffe de son chemisier transparente. Une fois arrivés péniblement l’un et l’autre jusqu’au comptoir, les deux hommes se mettaient à faire des plaisanteries idiotes à la grosse barmaid qui les trouvait gentils : Allons, allons, Messieurs ! Des héros, comme vous... » Serrant la main du capitaine, mais pas celle du tambour algérien... (Après tout, on sait jamais, avec toutes les maladies qu’ils trimbalent...) Et nous dans la chaleur, toujours à faire le guet, supputant les chances du cousin (combien de coups à tirer ?) Jacqueline nous promenait dans son auto rouge... Dans son auto rouge, elle traversait la place à une vitesse affolante pour se faire admirer par son amant qui passait son temps à lire les revues politiques chez le coiffeur du coin et à étaler son savon d’élève de première du lycée franco-musulman de Constantine, quelques années avant le déclenchement de l’insurrection à laquelle il se joignit. Même qu’il n’était pas revenu. Mort certainement dès le début de la guerre. Elle nous payait aussi le manège, pourvu qu’on fût vigilants. Quand tout marchait bien, elle était tellement heureuse qu’elle nous donnait, dans son exaltation, des baisers sur la joue. Doux baisers mous sentant la lavande ! Et nous, petits fripons, lui palpant les fesses, mine de rien. Oui, Madame ! Faut-être vigilant... sinon le méchant capitaine...) » pp. 250-251-252. [explication, digression]