2.7 L’utilisation des informations et la mise en lien avec les connaissances

Il ressort des résultats des différents travaux que nous avons évoqués dans la partie précédente (cf. partie 2.6), que les recherches documentaires sont peu tournées vers l’acquisition de nouvelles connaissances ou l’utilisation des connaissances de la discipline. Les activités de documentation sont conçues comme des “ sorties ” hors de la classe pour mettre les élèves en situation de recherche d’informations. Ils sont acteurs et non plus simples “ auditeurs ” de leur professeur dans la classe. Or, nous supposons qu’il faut aller plus loin, et ne pas considérer les recherches documentaires comme simples “ intermèdes ” entre deux séances d’enseignement. Pour intégrer les activités de documentation à la discipline, il faut que les élèves utilisent les connaissances de cette discipline pendant la recherche et ensuite, pour comprendre les informations recueillies.

Lefort (1990) évoque la recherche documentaire en traitant des niveaux de traitement de l’information. Elle cite les travaux de Mayer, qui donne trois conditions nécessaires pour que l’information lue devienne connaissance.

L’apprenant doit recevoir l’information.

Il doit disposer des connaissances nécessaires à l’accueil de cette information.

Il doit faire appel à ces connaissances pour y intégrer la nouvelle information.

Selon cette thèse, l’élève ne peut utiliser une nouvelle information qu’en la mettant en lien avec les connaissances qu’il possède déjà. Il utilise ses anciennes connaissances pour comprendre la nouvelle et celle-ci peut également servir à éclairer les anciennes. Si on sait ces traitements nécessaires lors de l’apprentissage dans une situation de classe, comment faire pour que l’élève adopte le même type de comportement lors d’une activité de recherche documentaire ?

Il est plus facile de chercher une information au CDI que l’utiliser et la relier avec des connaissances antérieures. Cette seconde façon de pratiquer la recherche documentaire n’est pas triviale pour les élèves mais c’est la seule porteuse de sens. Par là nous rejoignons le point de vue d’Alava :

‘ ‘“ Pour apprendre avec des documents numériques, il faut savoir jeter l’ancre, ce qui signifie savoir s’arrêter et lire les documents mais aussi savoir ancrer les éléments lus dans des savoirs disciplinaires antérieurs. Cette opération est de loin la plus difficile. ” (1996, p.141).’ ’

De même, pour que les élèves arrivent à construire du sens à partir des documents qu’ils trouvent, il est judicieux de leur demander de concevoir une production finale dont la forme soit différente de celle des documents récoltés (Charbonnier, 1997). Il faut que les élèves fassent subir aux données un changement de registre sémiotique : par exemple, en exigeant l’obtention d’une carte, un dessin, un tableau à partir des données textuelles recueillies. Ce changement de registre oblige les élèves à construire du sens (Duval, 1995).

Ainsi, les pratiques actuelles de recherches documentaires ne semblent pas favoriser l’articulation entre l’apprentissage dans la discipline enseignée et la construction du sens des informations en jeu dans les activités documentaires grâce aux connaissances enseignées. Il nous apparaît cependant qu’il s’agit d’un enjeu majeur des activités de documentation. Le cadre théorique que nous présentons ci-dessous a pris cette orientation.

Comme les travaux exposés ci-dessus le soulignent, la recherche documentaire peut être menée de bout en bout en faisant uniquement appel à des actions (lire, écrire, sélectionner des informations). Rappelons que nous visons à ce que la recherche documentaire soit une occasion d’apprentissage. Or, nous partageons l’hypothèse largement admise à l’heure actuelle que les connaissances déjà acquises jouent un rôle primordial dans l’apprentissage. De ce fait, les situations que nous étudions, doivent favoriser la mise en lien entre les anciennes connaissances et les informations consultées, ceci afin de permettre une construction du sens.

Dans la suite de notre travail, nous regardons l’articulation qui peut exister entre actions et compréhension. Puis, nous faisons un point sur les différentes approches du transfert des connaissances. En effet, selon notre approche, la compréhension est liée à la mise en lien de connaissances provenant de diverses situations. Un autre point est dédié à l’étude succincte des interactions entre les élèves. Nous nous penchons finalement sur la théorie des situations qui permet de décrire les situations propices à la construction de nouvelles conaissances.

Ces quatre points nous permettent d’élaborer finalement des facteurs de caractérisation de la situation qui peuvent devenir des variables de la situation (Brousseau, 1986).