3.3.1 Question n°16

  • Lors de la trituration du mélange mercure + autres métaux, y a-t-il réaction chimique ? Justifiez.

On suppose que pour répondre à cette question, les élèves vont aller chercher des informations dans les pages du site Mercure. Le problème qui se pose pour eux est de savoir dans quelle partie du site chercher le mot clef “ trituration ”. Il leur faut dans un premier temps définir ce terme avant de le retrouver dans les informations disponibles.

Il n’est pas exclu que les élèves aient déjà rencontré le verbe ou le substantif lors de leur navigation. Il leur est alors assez aisé de retrouver la “ bonne ” partie du site correspondante.

Dans le cas où ils n’ont pas vu le terme dans le site, nous supposons qu’il a pour eux une signification dans la vie quotidienne. Ainsi, nous supposons que triturer peut signifier pour eux : mélanger, malaxer, pétrir. Dans un premier temps, ils peuvent faire appel à leurs connaissances de la vie de tous les jours afin de trouver des verbes équivalents qui puissent les aider à trouver la partie du site correspondante. A partir du synonyme trouvé et de leurs connaissances à propos des informations du site (quels sont les thèmes abordés), il est leur plus facile de trouver les “ bonnes ” pages dans lesquelles se situent les données pertinentes. Ayant redéfini “ trituration ” en “ mélange ”, il leur faut donc savoir dans quelle “ industrie ” (transformation ou extraction du cinabre, fabrication de piles, d’amalgames dentaires, de thermomètres), le mélange du mercure avec d’autres métaux est obligatoire. Un seul cas de figure semble correspondre : les amalgames dentaires qui sont des alliages de mercure et d’un mélange d’autres métaux (étain, cuivre, argent, zinc...). Une fois que la bonne partie du site est repérée, il leur suffit d’aller y consulter les informations dont ils ont besoin pour répondre à la question.

Parmi ces informations, ils trouvent la définition de l’amalgame :

  • Les amalgames sont des alliages composés de mercure métallique (50 %) et d'un, ou de plusieurs autres métaux comme l'étain, l'argent, le zinc, le cuivre.

Le terme “ alliage ” est défini dans le glossaire :

  • Un alliage est un produit métallique que l'on obtient par incorporation d'un ou plusieurs éléments à un métal. Un alliage est obtenu en ajoutant à un métal pur (à l'état liquide) de faibles quantités d'un ou plusieurs autres métaux ou des corps purs non métalliques. ex : l'amalgame est un alliage de mercure et d'un mélange de cuivre, étain et argent.

Ils peuvent également trouver d’autres informations pouvant les aider à répondre à la question :

  • (A) A température ambiante, le mercure est liquide mais les autres métaux présents dans l'amalgame sont solides.

  • (B) Lors de la trituration, une pâte se forme puis l'amalgame se solidifie.

  • (C) Au dessus d'une certaine température (127°C pour les amalgames mercure-étain) les amalgames deviennent liquides, les différents constituants se séparent.

Les phrases (A), (B) et (C), peuvent à la fois aider et poser des problèmes aux élèves. En effet, on leur demande de classer le produit de la trituration dans la case “ réaction chimique ” ou “ transformation physique ”, même si cette alternative n’est pas mentionnée dans la question, elle est présente dans l’esprit des élèves.

Ainsi, l’association des phrases (A) et (B) peut être interprétée comme décrivant les réactifs et le produit d’une réaction chimique. En effet, les réactifs seraient : le mercure liquide et les autres métaux solides. Quant au produit de la réaction, il s’agirait de l’amalgame solidifié. Cette interprétation est en accord avec les étapes de construction du concept de réaction chimique définies Solomonidou et Stavridou (1989,1994). Les élèves appartenant au second stade (c’est le cas de ceux participant à notre expérimentation) “ ont développé un schème conceptuel pour le concept de réaction chimique [...] : deux corps/produits sont mélangés ou mis en contact et donnent autre chose ou un produit nouveau. ” (1994, p.81). La question posée (mélange mercure + autres métaux) entre parfaitement dans ce cas de figure, il est donc fort probable que les élèves, à ce stade, pensent que la trituration engendre une réaction chimique.

Cependant, la seconde phrase (B) associée à la troisième (C) peut entraîner les élèves dans un raisonnement différent. Ainsi, la phrase (B) peut signifier qu’il y a un changement d’état entre la formation de la pâte et sa solidification. La matière change d’aspect : d’un état “ pâteux ” elle passe à un état solide. De plus, la phrase (C) laisse entendre que le mélange peut se dissocier, les changements semblent donc réversibles. Or, selon Stavridou et Solomindou (1989), les élèves pensent qu’une réaction chimique est irréversible alors qu’un changement d’état ne l’est pas.

  • “ Some pupils consider a change as radical, therefore chemical, if it is not reversible ; a reversible change of matter is regarded as a non-radical and, hence, physical one. ” (1989, p. 91)

Nous sommes donc en présence de deux réponses opposées qui peuvent toutes deux trouver des arguments dans le site. Cependant, les élèves peuvent tout à fait proposer une solution alliant les deux théories : il y aurait une réaction chimique entre les différents métaux pour produire l’amalgame (nouvelle espèce chimique), qui subirait ensuite un changement d’état (passage de pâteux à solide).

Pour parvenir à la bonne réponse : il n’y a pas réaction chimique car il n’y a pas réorganisation profonde de la structure de la matière (pas de nouvelle espèce chimique créée), les élèves devront faire appel à leurs connaissances scolaires. Ceci, à condition qu’elles puissent être utiles pour faire un choix entre les deux alternatives proposées.

Les élèves peuvent également faire appel à leurs connaissances de la vie de tous les jours. En effet, les amalgames font partie de leur vie quotidienne des élèves (on peut supposer qu’ils sont déjà allés chez le dentiste) et il est fort probable qu’ils aient déjà été confrontés à des mélanges du même type. On peut ainsi supposer qu’ils ont déjà mélangé de la farine avec de l’eau ce qui peut être un exemple analogue au problème posé. La question est de savoir s’ils vont utiliser une telle analogie et, sachant qu’elle ne fait pas partie du domaine de la chimie, mais de celui la vie quotidienne, pourront-ils considérer qu’elle peut éventuellement faire appel à des concepts enseignés en classe. En effet, nous savons que les élèves éprouvent des difficultés à reconnaître des événements de leur vie de tous les jours comme pouvant être régis par des concepts physiques ou chimique (Le Diouris, 1997). L’utilisation d’une analogie “ quotidienne ” ne va-t-elle pas forcément engendrer un rejet des concepts scientifiques ?

Notons de plus qu’elle appartient du niveau des substances et non de celui des molécules ce qui, Solomidou et Stavridou (1994) relève du second stade. Celui-ci ne permet pas aux élèves de différencier assurément entre réaction chimique et transformation physique.