Introduction

Suite à une demande du gouvernement, Bernard Decomps rendit en 1989 un rapport sur l'état des besoins en ingénieurs dans l'industrie et sur les types de formations existantes pour cette catégorie professionnelle en France. Ce rapport dresse un double manque :

La majorité de ces formations, les "grandes écoles", ne produisent qu'un certain profil d'ingénieurs, que l'on pourrait qualifier " d'experts des techniques et des sciences appliquées". Selon ce rapport, ce profil est relativement inadapté à la gestion des systèmes de production des entreprises. Le domaine de la production a subi de profondes évolutions, tant d'un point de vue technique, qu'organisationnel ou humain. Les responsables des ateliers de production ont vu leurs domaines d'intervention s'élargir de manière importante. Cela exige de leur part des compétences nouvelles leur permettant de gérer ces systèmes de production et surtout d'en assurer l'évolution. Ces compétences font appel à des connaissances de différentes disciplines, qui ne sont plus uniquement scientifiques et techniques, mais aussi relatives à l'économie, au management, à la gestion, etc. Ces compétences demandent également une expérience du terrain, impossible à acquérir à l'école.

Pour faire face à cette demande des industriels, le rapport Decomps préconisait la création rapide de Nouvelles Formations d'Ingénieurs (NFI), plus proches du secteur de la production, afin de répondre aux besoins des entreprises. Basées sur des enseignements interdisciplinaires, elles devaient privilégier un mode de formation par alternance tant en formation continue qu'en formation initiale. Elles devaient également s'enraciner au sein des tissus économiques et sociaux locaux, en associant des partenaires variés : entreprises, universités et grandes écoles, organismes de formation continue, collectivités locales...

L'Institut Supérieur des Technologies Productiques (ISTP) fait partie des nombreuses initiatives locales en matière de Nouvelles Formations d'Ingénieurs. Il est né dans la région de Saint-Etienne en 1990, suite à une réflexion importante entre industriels, collectivités locales et institutions de formation (publiques et privées). Il forme actuellement sur 3 ans des ingénieurs "systèmes de production" par alternance selon deux voies : la formation continue et la formation par apprentissage.

Lorsque la filière de formation par apprentissage de l'ISTP a été élaborée, ses concepteurs avaient des hypothèses assez fortes sur ce qui devait être demandé aux élèves en entreprise. Partant du principe qu'une entreprise ne prend un apprenti ingénieur que si elle y a un intérêt, ils ont défini une formation par alternance où les élèves ont à conduire un projet important d'amélioration d'une partie d'un système de production d'une entreprise. Ce projet doit permettre un progrès, en particulier du point de vue de la rentabilité de l'unité de production et être cohérent avec la stratégie de l'entreprise. Derrière cette justification économique, il y a l'hypothèse suivante : le développement de toutes les compétences d'un ingénieur de production n’est possible qu'à la seule condition de vivre les situations professionnelles qui les mettent en jeu. C'est ce qui justifie le choix d'un projet long, permettant à l'élève d'expérimenter des situations professionnelles non répétitives dans lesquelles il aura à assumer des missions et des responsabilités comparables à celles d'un ingénieur de production.

Afin de garantir des apprentissages communs à tous les élèves, les concepteurs de la filière ont établi que ces projets devaient nécessiter certaines capacités, que l'on retrouve dans un référentiel du métier d'ingénieur de production.1 Ils ont élaboré des outils d'évaluation permettant de s'assurer du développement de l'ensemble de ces capacités.

La demande de l'ISTP à l'origine de ce travail de thèse, financé dans le cadre du programme d'initiative communautaire ADAPT2, est d'étudier si la conduite de tels types de projets permet aux élèves en formation par apprentissage, d'acquérir les compétences d'un ingénieur de production. Les responsables de l'ISTP nous demandent également d'étudier, selon les types de projets, si les compétences développées par les élèves sont similaires ou différentes, et dans ce cas, les causes de ces différences.

Notes
1.

Ce référentiel métier a été élaboré par des ingénieurs de production en activité. Nous y reviendrons dans le chapitre 1.

2.

ADAPT est une initiative communautaire financée par le Fonds Social Européen. Son but est d'aider les employeurs et les salariés de l'union européenne à anticiper les changements industriels et à gérer leurs effets.