Les dernières modifications de taille ne sont pas visibles sur la figure 2. Elles sont relatives aux moyens de définition du projet, d'évaluation de sa réalisation et des compétences qu'il a permis de développer chez l'élève. Pendant près d'un an, une commission Recherche et Développement, animée par un consultant externe et réunissant quelques formateurs de l'ISTP ainsi que des ingénieurs de production en exercice, a réfléchi autour du projet confié aux élèves. Les membres de cette commission sont partis des deux constats suivants.
Les types de résultats auxquels doivent aboutir les projets des élèves n'ont pas fait l'objet d'une réflexion suffisante. Dans les entreprises, il est courant de confier aux élèves des projets sans enjeu véritable. Mais ce faisant, l'élève n'accède pas à certaines responsabilités, pourtant nécessaires au développement de ses compétences de futur ingénieur de production.
Il n'existe pas de méthode permettant d'aider les élèves à réfléchir sur les différents aspects d'un projet d'ingénieur de production. Or les élèves en alternance ont beaucoup de difficultés à prendre en compte les nombreuses composantes d'un projet (techniques, économiques, sociales, etc.) et leurs interrelations.
Afin d'aider élèves et tuteurs dans la définition et la conduite de projets intéressants, il est nécessaire de leur fournir une aide méthodologique. C'est ce qu'ont fait les membres de cette commission en proposant une démarche en plusieurs étapes.
Ils ont d'abord recensé les questions à se poser lors de la définition d'un projet. Ce questionnement est organisé selon quatre composantes du projet, à propos desquelles douze thèmes sont abordés. Pour chacun d'entre eux, trois questions sont posées. Le tableau 2 donne une idée de cette grille, en détaillant les questions pour les deux premiers thèmes. Grâce à ces différentes questions, l'élève doit mieux comprendre la nature et les enjeux de son projet, et mieux trouver sa propre place d'acteur, en particulier au niveau des responsabilités qu'il devra assumer.
Un tel questionnement est à la fois analytique et global : dans un premier temps, il permet de détailler le projet à mener selon des thèmes (cf. tableau 2). Puis, dans un deuxième temps, les auteurs soulignent qu'après avoir répondu à toutes ces questions, il est nécessaire d'en faire une synthèse qui permettra de détecter les contradictions éventuelles entre thèmes. Ces contradictions doivent être traitées en fonction de la stratégie des dirigeants de l'entreprise, en particulier des types de progrès recherchés (en premier lieu le profit, mais les auteurs de cette grille insistent sur le fait que d'autres progrès peuvent y contribuer indirectement : image de marque, climat social, etc.). Les élèves doivent donc analyser cette stratégie et se demander en quoi leur projet y contribue ou non.
Quatre composantes |
1) Technique économique | 2) Sociale Organisationnelle | 3) Du potentiel de compétences | 4) De résultats et de risques |
Douze thèmes |
L'image du projet - quelles sont les caractéristiques majeures du projet - quelles sont les limites actuelles du projet - quels sont les moyens mobilisables dans les aspects techniques et économiques |
Les acteurs . | Les savoirs . | Les étapes .. |
Le milieu du projet - quelles sont les caractéristiques de l'entreprise dans ses différents aspects ? - quels sont les éléments qui semblent être en convergence ou en divergence par rapport au projet ? - quelles dispositions doit-on ou peut-on prendre afin d'améliorer l'adéquation du projet avec son milieu ? |
La gestion. | Les qualifications ... | Les résultats . | |
L'avenir du projet | L'organisation . | La créativité.... | Les risques . |
Enfin, la troisième étape et les suivantes consistent à se reposer ces questions régulièrement lors de la mise en oeuvre de ce projet, afin de juger régulièrement de sa cohérence et de sa pertinence pour l'entreprise. Des corrections peuvent être apportées si nécessaire.
L'introduction de cette méthode dans la formation par apprentissage s'est faite en 1994, mais en deçà des espérances de ses concepteurs. Ces derniers avaient pour ambition d'en faire un moyen privilégié pour aider les élèves à la fois à définir leur projet, puis à le conduire et enfin à évaluer les compétences acquises en même temps que celles restant à acquérir. Alors qu'il était prévu qu'ils se servent régulièrement de la grille de questions tout au long des trois années, elle n'était, au moment de notre étude, utilisée qu'une seule fois pour les aider à définir leur projet au cours de la deuxième moitié de la première année. Les formateurs avaient limité son utilisation en raison de la difficulté constatée chez les élèves à comprendre les questions posées. Le fruit de la réflexion de la commission Recherche & Développement a cependant permis aux formateurs d'être plus vigilants sur la nature et les caractéristiques des projets des élèves. Elle a eu notamment des répercussions sur la validation du projet en fin de première année et sur son évaluation dans les deux années suivantes (par les tuteurs, et par le jury d'industriels).
En ce qui concerne les moyens d'évaluation des compétences, une fiche à destination des élèves a été élaborée (cf. tableau 3). Elle a pour but de les aider à faire régulièrement et par eux-mêmes le bilan des compétences qu'ils ont développées au cours des différentes actions menées en entreprise, et à les situer par rapport à celles décrites dans un descriptif du métier de l'ingénieur de production.
Ce descriptif n'est pas issu du référentiel élaboré lors de la création de la formation. Il constitue une synthèse d'un autre référentiel, fruit d'une réflexion de membres de grands groupes industriels français sur le métier d'ingénieur en système de production. Ce deuxième référentiel n'a pas été élaboré spécialement pour l'ISTP, mais dans une perspective nationale. Le directeur de l'ISTP trouva dans ce référentiel une possibilité de développement et de reconnaissance de ses formations sur le plan national. Il demanda en 1992 à ses auteurs l'autorisation de l'utiliser, ce qui lui fut accordé. Une commission technique, composée de formateurs de l'ISTP, d'enseignants des écoles partenaires et d'ingénieurs professionnels, se chargea d'en trouver une utilisation pour les élèves. Ce travail abouti au descriptif synthétique du métier et à la fiche de compétence (cf. tableau 3).
ISTP DE SAINT-ETIENNE |
Formation en entreprise Acquisition de compétences N° de référence |
Session 1995 Formation par apprentissage Nom : Semestre 4 |
La compétence acquise Domaine mission Description de l'action en précisant comment la compétence a été acquise Justification de l'action par rapport aux différentes composantes de l'entreprise (techniques, économiques, sociales et organisationnelles, savoirs et compétences, résultats et risques) et comment ? Techniques et économiques : Sociologiques et organisationnelles : Compétences : Risques : Estimation des résultats obtenus Profit : Qualité : Réactivité : Sécurité : |
Il faut souligner que, comme pour la méthode de définition de projet dont nous venons de parler, ces fiches de compétences et le référentiel métier font apparaître des difficultés de compréhension des élèves. Ceci se traduit la plupart du temps par une grande disparité dans la nature des compétences décrites, ces dernières pouvant aller, sans trop caricaturer, de la mise en place d'une nouvelle organisation dans un atelier, au changement d'une pièce sur une machine. Il est alors bien difficile de comparer ces compétences entre elles et avec celles décrites dans le référentiel métier à des fins d'évaluation.