2.1 Les conceptions de la compétence à l'ISTP

Curieusement, lorsque l'on étudie les documents officiels de l'ISTP, il apparaît que le terme de compétence est très peu utilisé. Notamment, dans les documents de référence constitués par les dossiers successifs de demande d'habilitation des formations auprès de la CTI (premières demandes : 1990 et 1991; deuxième demande : 1995), et les trois référentiels métiers, le terme de capacité lui est préféré. Mais les deux termes semblent avoir la même définition.

Dans le second référentiel, il est précisé que les capacités d'un ingénieur de production doivent lui permettre de répondre à des missions qui lui sont fixées. Deux types de capacités sont distingués :

  • des capacités qui sont spécifiques au système de production, qui doivent permettre à l’ingénieur de gérer et d'améliorer ce système,

  • des capacités que les auteurs ont appelé générales, parce qu’elle sont liées à des activités de cadre, d’encadrement et de management des hommes valables pour tous les types de production.

Le terme de capacité a donc une définition relativement large que l'on peut résumer par les dispositions durables de l'ingénieur qui lui permettent de remplir certaines missions qui lui sont confiées.

Dans d'autres documents, en particulier les documents de présentation de la formation aux éventuels candidats et aux entreprises, on peut noter l'utilisation du terme compétence. Mais il s'agit d'une simple substitution terme à terme de capacité :

‘" La formation ISTP permet à l'apprenti d'acquérir les compétences :
d'un cadre : en étant capable d'intégrer les objectifs stratégiques d'une entreprise, d'analyser et mesurer l'existant, de mettre en place un plan d'actions tactiques assorti d'une prévision de résultat et de prendre en compte les ressources nécessaires pour atteindre cet objectif (gestion des hommes, machines, process..),
d'un ingénieur : en étant capable de mettre en place différentes actions liées à l'organisation, au process et aux moyens de production, tout ceci en obtenant l'adhésion des hommes". ’

D'ailleurs, dans la suite du document, capacité est à nouveau utilisé.

Le terme de compétence est également utilisé dans la fiche compétence que les élèves doivent remplir à échéances régulières tout au long de la conduite de leur projet en entreprise. Mais il ne fait pas l'objet d'une définition explicite. Cette fiche a souvent fait l'objet de discussions assez vives entre les formateurs. Les débats auxquels nous avons pu assister ont tous débouché sur l'absence de définition commune de la compétence. Le désaccord se situe d'abord au niveau de la nature et l'ampleur des tâches à réaliser : est-ce que savoir changer une pièce sur une machine particulière est du même ordre que savoir animer une réunion ?

Le désaccord se situe également sur un autre plan : suffit-il d'avoir fait une action (par exemple, animer une réunion) pour qu'une compétence (ici animation de réunion) soit acquise ? Est-ce que toute action, même réalisée une seule fois, amène une compétence ? Ici, c'est la difficile distinction entre action et compétence qui pose problème.

Enfin, un autre désaccord porte sur le fait de se limiter ou non aux compétences ou capacités qui sont décrites dans les référentiels, en l'occurrence ici le deuxième. Certains formateurs étaient partisans d'extraire de ce référentiel métier la liste de capacités de l'ingénieur de production et de la rendre plus explicite pour les élèves sous la forme d'un tableau. Cette grille de lecture aurait été la fiche compétence. D'autres se sont opposés à une telle méthode, arguant du fait qu'elle serait trop arbitraire, car le référentiel laisse de côté les compétences spécifiques à chaque type de production.

Finalement, la fiche existante (cf. tableau 3) est le résultat de compromis entre tous ces points de désaccord. Mais elle reste insatisfaisante pour beaucoup de formateurs, et elle est souvent critiquée.

Dans d'autres cas, les formateurs définissent la compétence de façon très différente. Au cours de réunions visant à redéfinir les objectifs et l'organisation de la formation, ils ont tenté de définir la notion de compétence par opposition aux savoirs enseignés : à l'école on parle de savoirs académiques, dans l'entreprise on parle de compétences. Les situations professionnelles générant la plupart du temps des conditions particulières, l'élève doit être capable d'amender les savoirs académiques afin de les contextualiser et les transformer ainsi en compétences. Cette définition vient sans doute de la tentative de distinguer les objectifs de l'enseignement académique et ceux de la formation en entreprise : à l'école, on apprend des connaissances, dans l'entreprise on acquière des compétences. Les compétences sont envisagées ici dans leur rapport aux savoirs enseignés, comme le résultat d'un processus de transfert de ces derniers de l'école vers l'entreprise.

En conclusion, il n'y a donc pas d'accord précis sur la définition du terme de compétence à l'ISTP. Selon les cas, les formateurs l'entendent comme les capacités :

  • acquises suite à la mise en application des savoirs enseignés en situations professionnelles,

  • émergeant des actions réalisées par l'élève en situations professionnelles, les plus importantes d'entre elles étant celles décrites par le référentiel métier.

Comment comprendre la question posée sur le développement des compétences des élèves ? S'agit-il d'étudier l'utilisation en situations professionnelles de certains savoirs enseignés à l'école, et les transformations que ces savoirs subissent ? Ou bien faut-il analyser les compétences qui naissent effectivement de l'activité en situations professionnelles ?