1.1 La compétence comme négociation collective versus disposition individuelle

Comme le note Stroobants (1994, 1998), il ne semble pas qu'il y ait d'accord précis sur la définition de la notion de compétence dans le champ de la sociologie du travail ou celui de la sociologie de l'éducation. On trouve, selon les perspectives de recherche des auteurs, des définitions référant, soit au résultat d'un accord entre différents acteurs sociaux, soit aux capacités effectives des personnes.

La première perspective se donne comme objectif de démonter les mécanismes de négociation entre personnes ou institutions à propos de la définition de ces compétences (Eymard-Duvernay et Marchal, 1997 ; Tanguy 1994). Cette approche ne fait pas de coupure nette entre qualification et compétence, dans la mesure où elle considère que celles-ci sont toutes les deux des réalités négociées. Le changement de terme signifie simplement que les acteurs et le thème de la négociation ont évolué avec les bouleversements du monde du travail. Là où les négociations avaient lieu entre acteurs sociaux (syndicats, patronat, état), au niveau des branches professionnelles, pour définir des grilles de qualification qui liaient un niveau de diplôme à un niveau de salaire (conventions collectives), elles se réalisent de plus en plus au cas par cas, entre un salarié et un dirigeant, dans un face à face (entretien) et/ou par la médiation de dispositifs d'analyse de ces compétences (grilles diverses). La démonstration de ces recherches est celle de l'individualisation de la relation salariale depuis le début des années 1980.

D'autres sociologues, partageant cette acceptation de la compétence comme réalité négociée, se sont penchés sur l'introduction progressive de ce concept au sein des institutions en charge de formation professionnelle. Dans ce domaine, Tanguy (1994) par exemple, pointe quelques uns des changements majeurs qui ont conduit à l'utilisation des référentiels métiers comme moyen privilégié de dialogue entre les professionnels et les formateurs. Ils aboutissent à un accord entre ces deux types d'acteurs sur les compétences nécessaires à l'exercice d'une profession. Cette notion de compétence s'est peu à peu substituée à celle de savoir, trop liée à un découpage disciplinaire, lui même mal adapté à l'objectif de former des individus capable de réaliser des tâches concrètes nécessitant différents savoirs et savoir-faire.

La deuxième perspective de recherche sur les compétences se donne pour objectif de montrer que celles-ci, entendues cette fois non plus comme des objets de négociation sociale mais comme des capacités, connaissances, savoir, savoir-faire, etc. propres aux personnes, jouent un rôle dans l'activité toujours plus important que ne le laissent supposer explicitement les organisations de travail, y compris lorsqu'elles sont Tayloriennes.8

Notes
8.

Voir par exemple Veltz (1986) et Lucas (1990).