1.3 Des compétences à l'activité

Nous avons vu que la notion de compétence pouvait référer à deux sens au sein des sciences humaines.

Ces deux approches ont leur intérêt dans notre recherche puisqu'elles permettent de distinguer ce que nous appellerons les compétences prescrites et les compétences réelles.

La première approche, considérant les compétences comme des produits de négociation entre différents acteurs, ouvre la possibilité de prendre en compte d'autres descriptions que les référentiels ISTP, qui ne sont pas nécessairement similaires et/ou cohérentes avec les contenus de ces documents. Il peut s'agir, par exemple, de compétences mises en avant dans des profils de poste de l'entreprise d'accueil d'un élève, ou encore de celles que le tuteur entreprise considère comme importantes compte tenu de sa propre expérience, etc. Les acteurs de la formation (l'élève et les deux tuteurs) peuvent donc potentiellement se trouver face à des prescriptions de nature différentes. On reviendra plus longuement sur ce point à la fin de ce chapitre.

La deuxième approche se penche sur les compétences effectivement utilisées par les élève au cours de leur activité en situation professionnelle. Dans ce cas, il ne s'agit plus du domaine de la prescription ou de la négociation sociale, mais bien de l'étude de ce qui permet aux élèves de réaliser leur activité en situation professionnelle. De ce point de vue, ce que l'on a étudié précédemment doit permettre de tirer des enseignements d'une lecture trop directe et mécanique de ces compétences réelles. Faire de ces dernières un objet d'étude direct, serait vouloir les "substancialiser", leur donner une face directement observable, alors qu'on ne fait toujours qu'analyser l'activité. Les compétences réelles, entendues par nous comme le système de connaissances permettant d'engendrer l'activité (Leplat, 1991), doivent être inférées d'une analyse approfondie de celle-ci. Un autre enseignement que nous devons retenir est de considérer la tâche à la fois dans son ensemble et dans son lieu effectif d'exécution.

Ces points sont très importants si l'on veut accéder aux compétences réelles qui sont mobilisées par les élèves. Ils renvoient à la manière de considérer l'activité que l'on développe pour pouvoir étudier des sujets en situation de travail. Norman (93) insiste sur l'importance de cette approche. Selon lui, une réduction de l'activité en éléments de taille réduite et facilement contrôlables, par exemple le raisonnement, la perception, la planification, la mémoire, le comportement physique, etc., ne permet pas de comprendre de manière satisfaisante la réalisation d'une tâche ou d'une action complexe en situation naturelle. On perd la dimension temporelle de l'activité, c'est-à-dire la succession des processus nécessaires à la réalisation d'une tâche dans son ensemble et, partant, le sens de cette tâche pour son acteur. De plus, l'isolation de l'activité de son milieu de réalisation pose problème pour son analyse. L'environnement pose des contraintes, qui limitent les possibilités d'actions et l'étendue des choix, mais offre également des ressources souvent non anticipées par l'acteur, qu'il pourra saisir et exploiter. Ne pas prendre en compte les caractéristiques du milieu est donc problématique, dans la mesure où les sujets l'exploitent fortement pour agir.

Dans la partie suivante (2), nous allons nous attacher à préciser notre approche de l'activité des élèves. Nous verrons que cela pose effectivement la question de la prise en compte des caractéristiques des environnements de travail. Nous développerons ce dernier point dans la troisième partie de ce chapitre (3), pour ensuite revenir au rôle des compétences et à leur évolution (4). L'ensemble de ce cadre théorique nous permettra de conclure ce chapitre sur la problématique de la recherche (5)