2.4 L'approche par l'action

Pour discuter la première de ces idées, revenons sur le modèle de Hoc (1990) présenté un peu plus haut. La critique que lui adressent Theureau (1991) et Pinsky (1991), deux ergonomes, est qu'il se cantonne à l'activité mentale et ne rend pas compte du comportement physique du sujet étudié. Pour ces deux auteurs, ‘"le raisonnement dans le travail est un raisonnement d'acteur et pas seulement de contemplatif : il aboutit à des actions et passe par des actions" (Theureau, 1991)’. La présence du sujet en situation joue un grand rôle. En tant qu'agent il agit, c'est-à-dire qu'il modifie les données du problème. Ces deux auteurs considèrent donc que les gestes physiques mais aussi les communications sont indispensables à la compréhension de l'activité d'un sujet en situation de travail. En conséquence, la pensée et l'action ne doivent pas être étudiées séparément, mais appréhendées conjointement dans un même modèle (Pinsky, 1991).

Cette approche, à l'inverse de celle de Hoc et des autres modèles cognitivistes, ne fait pas d'hypothèses sur les structures psychologiques sous-jacentes des sujets. Dans les modèles cognitivistes, les mécanismes mentaux des opérateurs sont la base du comportement observé et leur modélisation est suffisante pour expliquer l'activité d'un sujet réalisant une tâche. Pour Theureau et les ergonomes s'inscrivant dans sa démarche, la modélisation de l'activité repose sur une théorie de l'action. L'action est la totalité dynamique des actes, des communications et des interprétations d'un (ou plusieurs) opérateur(s) en situation de travail qui est significative pour lui (pour eux) (Pinsky, 1991). La pertinence du recours à une théorie de l'action est de ne pas limiter l'activité à des faits psychologiques ou à des faits physiques. L'action n'est jamais un fait brut, elle incorpore toujours de la pensée (Pharo, 1990). Il ne s'agit plus d'étudier les structures psychologiques sources des comportements, mais de regarder comment un acteur intervient sur le monde, notamment la manière dont il enchaîne compréhension et action, pensées et actes physiques dans une certaine organisation.

Pour notre travail, nous privilégierons ce type d'approche. Nous restreindre à la dimension mentale ne permettrait pas de prendre suffisamment en compte le rôle des actes physiques des élèves dans la progression de leurs raisonnements, interprétations, etc. Or nous souhaitons considérer cet aspect de l'activité qui, selon nous, a été sous-estimé dans beaucoup d'études.

Plus précisément, nous considérons que :

  1. l'activité réfère à l'ensemble des événements (gestes ; perceptions ; communications ; réflexions ; interprétations) imputables à un acteur,

  2. l'activité n'est pas à étudier isolément de l'environnement dans lequel elle s'effectue : elle s'accompagne d'interactions avec le monde environnant qu'il faut prendre en compte. "Interaction" réfère ici à tout échange avec l'environnement de l'acteur, que cet échange ait lieu avec un autre être humain, ou bien avec des artefacts.