Enfin, on peut citer l'approche de Thévenot, en sociologie de l'action. L'auteur part d'une critique des approches sociologiques des connaissances. Celles-ci sont soit des caractéristiques essentielles du collectif, l'individu étant alors sous contrainte de cette dimension collective : c'est par exemple le cas de l'habitus de Bourdieu (1980). Soit les connaissances sont uniquement issues de la pratique et n'ont plus alors de dimension et d'origine collectives : c'est le cas dans les approches pragmatiques classiques. Pour tenter de dépasser ces limites, qui ne lui semblent pas répondre à la pluralité des formes de connaissances, il tente de distinguer différents régimes d'action. Pour cela, il s'inspire des travaux de recherches en cognition située, en particulier de l'idée de coordination d'un agent avec son environnement. Une action, selon Thévenot peut obéir à différents niveaux d'exigences de coordination :
Elle peut nécessiter un accommodement local, reposant sur des repères perceptifs localisés et personnalisés, qui sont le fruit d'une familiarisation progressive avec cet environnement. C'est le cas lorsqu'un opérateur corrige la conduite d'une machine par une évaluation perceptive enclenchant une routine d'ajustement, souvent inconsciente. De telles évaluations, dans le cours de l'action, permettent de "corriger le tir", en ajustant un comportement à une situation. Pour nommer ce type de coordination, Thévenot parle de régime familier.
L'action peut encore être téléologique, c'est-à-dire caractérisée par un but volontaire. Ce but peut être individuel ou collectif, ce qui amène à considérer l'action (collective ou individuelle) avant l'individu. Dans ce régime d'action dit téléologique, les acteurs se coordonnent en recherchant et en explicitant des buts à poursuivre (ou poursuivis) et les moyens matériels et conceptuels à utiliser pour atteindre ces buts. Les objets ou les règles présents offrent des références communes qui permettent une certaine mise en forme partagée des situations.
Enfin, une action peut impliquer la coordination de nombreux acteurs, en l'absence de proximité et de familiarité entre ceux-ci. La coordination par explicitation ou attribution d'intentions n'est plus possible. Il faut recourir à un mode de jugement plus général, impliquant des conventions collectives. On est dans ce cas dans un régime conventionnel. Le rôle de la délibération réfléchie, souvent à prétention de validité très générale est alors beaucoup plus important. De tels jugements se retrouvent dans la traduction en termes théoriques d'un problème, par exemple dans des espaces scientifiques, techniques ou juridiques qui obéissent à des conventions ne supportant pas d'écart à la norme (Thévenot, 1998).