Par rapport aux perspectives des sciences cognitives, qu'elles soient d'orientation située ou cognitiviste, les trois modèles vus ci-dessus paraissent beaucoup plus adaptés à l'étude de l'activité en situation de travail. Mais plus précisément que retenir de ces approches pour notre propre recherche ? L'idée, nous semble-t-il, qu'un acteur peut contrôler et coordonner son activité dans un environnement de travail selon quatre modalités (cf. figure 2).
Automatique : dans ce cas, l'acteur s'appuie sur des couplages directs entre perception et action physique, acquis après une pratique répétée de certaines tâches dans des environnements de travail semblables.
Routinière : cette modalité se distingue de la précédente parce que l'activité mobilise en plus des phases interprétatives et des règles constituées antérieurement lors de la réalisation de tâches répétitives.
Téléologique : l'activité passe par des réflexions sur les buts à atteindre et les différents moyens à utiliser pour y parvenir. Cette modalité est très importante lorsque les finalités recherchées et les environnements de travail sont nouveaux.
Conventionnelle : les acteurs recourent à des règles conventionnelles, c'est-à-dire ayant fait l'objet d'un accord institué, pour contrôler leurs actes. Ces règles sont valables dans des situations très différentes et, en principe, ne peuvent être enfreintes.
Nous considérons que ces modalités peuvent être mises en jeu, chez un acteur, dans des actions individuelles mais aussi collectives. Elles constituent autant de moyens potentiels de coordination avec les autres acteurs qui sont engagés dans cette activité collective.
Modalités automatiques et routinières. On peut voir se développer, au sein de collectifs de travail déjà anciens, des automatismes et des règles routinières partagées par de nombreux acteurs. Ce sont des moyens de coordination dans des situations habituelles, qui nécessitent très peu de verbalisations. Ils sont d'ailleurs parfois si profondément ancrés qu'ils sont difficilement explicitables à un observateur externe.
Modalité téléologique. Face à des situations nouvelles où les automatismes et les règles ne sont plus adaptés, les acteurs passent généralement par des échanges fréquents et explicites pour rechercher ensemble des solutions et coordonner leur mise en oeuvre. Dans ce cas les routines et les règles conventionnelles ne sont plus opératoires ou tout du moins nécessitent une adaptation importante.
Modalité conventionnelle. Enfin, les règles conventionnelles peuvent être mobilisées par une partie ou la totalité d'un collectif de travail. Il peut y avoir accord ou désaccord quant à leur utilisation dans certaines situations. Dans le cas d'un désaccord, les différentes parties tentent alors de justifier plus fortement le recours à ces conventions, avec ou sans succès. L'issue des discussions peut aussi résider dans un compromis.
De plus, ces différentes modalités peuvent être simultanément présentes dans l'activité. Cette précision est importante, car elle permet de comprendre que l'on s'appuie, dans une même action, à la fois sur certains automatismes et règles routinières, mais peut-être aussi sur des réflexions plus explicites, en prenant parfois en compte des conventions. Les importances relatives de ces modalités lors de la réalisation d'une action dépendent des situations de travail rencontrées.