3.4.2.1 L'organisation officielle de l'entreprise

Au premier rang des facteurs influents la configuration des réseaux socio-techniques, Dodier (1995) place le type d'organisation de l'entreprise. Il distingue des organisations planifiées et flexibles.

  • Dans le premier type d'organisation le principe dominant reste, moyennant un certain assouplissement, les règles du Taylorisme. Dans cette logique, les innovateurs déploient des investissements considérables pour aligner aussi loin que possible les conduites des acteurs et des artefacts sur des scripts, en préparant aussi minutieusement que possible les contextes de l'activité technique. Toute nouveauté ou initiative des acteurs est considérée comme déviance et est susceptible de sanction de la part d'une hiérarchie très pyramidale. De même, tout dysfonctionnement, même léger, doit être corrigé, non pas par les exécutants, mais par les spécialistes de la conception ou de la réparation.

  • Dans d'autres organisations dites flexibles, l'activité des acteurs et le fonctionnement des artefacts ne sont pas formalisés précisément par des prescriptions écrites. L'organisation spécifie seulement des objectifs à atteindre, un champ d'intervention et des moyens disponibles. L'initiative de ces acteurs opérationnels n'est plus bannie, mais souvent sollicitée comme source de progrès possible. Par exemple, si des dysfonctionnements d'appareils surgissent, ils peuvent eux-mêmes trouver des solutions pour les corriger, afin de ne pas perdre trop de temps.

Dans les entreprises de type planifié, l'organisation officielle est une forte contrainte qui contribue à faire tenir les réseaux socio-techniques dans une certaine configuration. Dans une organisation flexible, cette contrainte est beaucoup moins forte, la configuration des réseaux évoluant en fonction de l'activité des acteurs. Cependant, les entreprises ont souvent des organisations qui se situent entre ces deux formes extrêmes. Par exemple l'initiative des opérateurs sera limitée à certains moments précis, alors que la plupart du temps, ils resteront soumis à des règles organisationnelles assez strictes.21 Ou encore, ils ne corrigeront que des dysfonctionnements mineurs sur leur machine, des agents de maintenance intervenant dès qu'un problème plus grave est déclaré. Dans tous les cas, il convient donc de se pencher assez précisément sur l'organisation prescrite de l'entreprise pour pouvoir évaluer ses dimensions planifiées et flexibles et juger des effets de ces dimensions sur l'agencement des réseaux socio-techniques.

Notes
21.

Le développement des cercles et des procédures qualité s'inscrit dans ce sens, en sollicitant ponctuellement tous les acteurs de l'entreprise pour contribuer à améliorer les produits et les organisations de production. Durant ces moments, l'organigramme s'efface au profit de regroupements ponctuels d'acteurs très différents, autour de thèmes ponctuels : la propreté, le rangement, etc. Mais une fois la consultation terminée, un coordinateur (responsable qualité) formalise l'organisation qui ne doit plus être transgressée.