Fort de la démarche théorique qui précède, nous pouvons maintenant préciser la problématique de la recherche. Rappelons que notre objectif global est d'étudier le développement de l'expertise des élèves au cours des périodes d'alternance en entreprise. Les parties précédentes ont montré que les compétences qui sont à la base de cette expertise ne peuvent être étudiées directement. Elles naissent et se transforment au cours de l'activité, cette dernière étant très liée aux caractéristiques des environnements de travail.
En conséquence, notre première préoccupation sera d'étudier l'activité de chaque élève considéré. Pour cela, il faudra d'abord définir une méthodologie permettant à la fois de considérer l'ensemble du parcours de l'élève en entreprise (trois ans), et d'étudier finement l'activité au sein des environnements de travail. On verra que, pour cela, il sera nécessaire de combiner deux niveaux d'analyse.
A partir des corpus constitués, on caractérisera les types d'action réalisés selon leur(s) finalité(s) et modalités. On essaiera de vérifier deux hypothèses déduites des référentiels métiers et autres documents pédagogiques de l'ISTP :
Ces documents laissent entrevoir que l'activité en entreprise doit permettre la réalisation équilibrée de l'ensemble des catégories d'action définies ci-dessus, à l'exception des actions de production qui doivent se limiter aux tous premiers temps de la formation.
De même, ce qui est demandé à l'élève par l'ISTP (conduire un projet d'amélioration du système de production) conduit à penser que la modalité téléologique est prépondérante au détriment des autres modalités, notamment routinières et automatiques.
Notre objectif sera de caractériser des évolutions de l'activité du point de vue de ces deux hypothèses. Compte tenu des actions réalisées, nous tenterons d'en déduire le type d’expertise auquel est parvenu l'élève, et de caractériser quelques uns des systèmes de connaissances sur lesquels repose cette expertise.
On recherchera ensuite les origines possibles du développement d'une telle expertise dans l'analyse des milieux successifs de l'élève. Pour cela, on étudiera les points suivants.
Si l'on se réfère à l'organisation de l'ISTP, l'élève devrait avoir à conduire un projet contribuant à modifier les réseaux socio-techniques de production. On verra, d'une part si l'élève a un tel projet et d'autre part quelles sont les caractéristiques de ces réseaux (types d'artefacts, types d'acteurs, répartition dans l'espace, etc.) qui peuvent faciliter ou au contraire entraver la réalisation des objectifs fixés.
On examinera ensuite si l'élève peut facilement accéder à des ressources l'aidant à constituer le réseau socio-technique nécessaire à la réalisation de son projet, en particulier s'il peut bénéficier de l'aide d'un service spécialisé dans la conduite du changement dans l'entreprise (bureau d'étude ou autre).
On se penchera aussi sur les aménagements spécifiquement réalisés pour la formation de l'élève. Plusieurs acteurs peuvent être à l'origine de ces aménagements : l'élève lui-même, l'ISTP, en particulier par le biais du tuteur école, ou encore le tuteur entreprise. Nous verrons si tous ces acteurs contribuent à de tels aménagements, et quels sont leurs effets.
Une telle étude devrait permettre d'aboutir à l'identification d'un certain nombre de facteurs, contribuant à enrichir ou appauvrir les milieux successifs pour l'activité, et partant, à favoriser le développement des compétences vers une certaine expertise. Il nous semble que de tels résultats peuvent être utiles aux formateurs de l'ISTP, afin de leur permettre de mieux anticiper les aménagements didactiques à apporter dans l'entreprise, pour favoriser le développement des compétences indispensables au futur ingénieur de production.