3.1.2 La réduction aux commentaires de l'acteur

Pour dépasser ces limites, il faudrait pouvoir disposer d’autres moyens d’analyse de l'activité. Une possibilité, privilégiée par Pinsky (1991) et d’autres ergonomes (Theureau et coll., 1994), est de poser des questions à l'acteur : ses verbalisations et commentaires sur ses actions sont le matériau à privilégier pour accéder à leur sens subjectif pour l'acteur. Ces chercheurs ne retiennent dans l'activité globale de l'opérateur, que ce qui peut être montré, raconté et commenté par lui (Pinsky, 1991), que ce soit au cours de la réalisation de leurs actions, ou après coup, à partir d'enregistrements vidéo et/ou audio de celles-ci. Il s'agit, selon ces auteurs, d'une réduction de l'objet d'étude à la partie consciente de l'activité. Elle permet de rendre compte de la façon dont les acteurs organisent leurs actions en fonction des significations qu'ils lui donnent.

Cependant, cette méthode a aussi des limites importantes, en particulier dans le contexte de notre étude. Elle suppose le recours à des modes d'enregistrement vidéo et audio en continu, qui constituent ensuite le support objectif à partir duquel l'acteur peut commenter son activité. Mais de tels enregistrements sont parfois difficiles ou partiellement réalisables. C'est précisément notre cas. Nos observations s'étalant sur plusieurs jours, il est très difficile d'accumuler autant d'heures d'enregistrements, qu'ils soient audio ou vidéo.34 D'abord simplement pour des raisons de charge de travail, car il faudra ensuite transcrire tous ces enregistrements. Ensuite filmer ou enregistrer un élève quotidiennement sur une longue période finirait aussi par être difficile à supporter pour lui et pour les autres acteurs de l'entreprise. Le recours à d'autres moyens d'observation, en particulier les notes écrites, devient alors nécessaire. Du coup, la limitation au commentable et racontable de l'acteur n'est plus assurée, dans la mesure où les interprétations du chercheur interviennent dès l'observation. Lorsqu'elles sont soumises à relecture de l'acteur, elles entraînent des commentaires certainement différents de ceux qu'aurait suscités une bande vidéo ou audio35.

Notes
34.

Ajoutons que la caméra est un outil relativement lourd à utiliser. Elle nécessite de faire attention en permanence à son positionnement, au cadrage, à la prise de son, au niveau de charge des batteries etc. Pour qui n'est pas un caméraman confirmé, cela laisse peu de liberté pour faire autre chose, comme par exemple questionner l'élève.

35.

D'ailleurs, même les enregistrements automatiques impliquent une part d'arbitraire dans la mesure où l'enregistrement dépend de la place de l'enregistreur.