3.2.2.1 Notes écrites

Afin de guider notre regard lors de la prise de notes, nous avons défini un certain nombre d'observables importants relativement à nos questions de recherche :

  • Le temps : il ne s'agit pas d'un repérage temporel systématique et précis, dans la mesure où, comme on le verra, la variable temps ne sera pas primordiale dans notre découpage de l'activité. Nous avons essayé de repérer le temps à chaque fois qu'il y avait changement de lieu et, dans le cas où l'élève demeurait dans un même lieu, de noter le temps à peu près tous les quarts d'heure.

  • Le lieu : il s'agit du lieu où se trouve l'élève et où il réalise ses actions. Pour qualifier ces lieux, les terminologies fournies par l'élève ont été utilisées. Très souvent, ce sont celles également utilisées par d'autres acteurs de l'entreprise. Par contre, elles divergent parfois des terminologies officielles, qui peuvent d'ailleurs ne pas exister. Lorsque nous visitions un lieu pour la première fois, nous avons pris en note schématiquement sa configuration spatiale, plus particulièrement l'agencement de certains artefacts, voire plus rarement les positions des acteurs (cf. tableaux 3 et 4)

  • Le comportement de l'élève : il s'agit du comportement gestuel et verbal de l'élève. Chose importante, nous avons provoqué des verbalisations lorsque nous souhaitions mieux comprendre le sens ou le but de certains comportements. Elles n'étaient possibles qu'à certains moments, dans la mesure où cela ne perturbait pas trop ses actions.

  • Le comportement des autres acteurs et/ou des artefacts : pour les acteurs, il s'agit de leur comportement verbal et gestuel. Certains artefacts ayant également un comportement quelque peu autonome (machines ; ordinateur ; etc.), nous avons jugé intéressant de le décrire. Mais qu'elles soient humaines ou non humaines, ne sont prises en compte la plupart du temps que les entités avec lesquelles l'élève rentre en interaction, de manière directe ou plus indirecte.

Plus concrètement, nous avons utilisé la grille ci-dessous (cf. tableau 3 et 4). La première colonne est dédiée au temps, la seconde au lieu, la troisième au comportement de l'élève, des acteurs et artefacts avec lesquels il interagit, et enfin, dans la quatrième colonne, se trouvent des descriptions, schémas, commentaires éventuels sur les lieux, les artefacts ou les acteurs. Nous avions tenté de séparer en deux colonnes distinctes comportement de l'élève et comportement des autres entités. A l'usage, cette séparation s'est révélée très incommode. L'efficacité de la prise de note est bien meilleure si l'on ne fait qu'un seul récit des différents comportements, très dépendants les uns des autres.

Comme on peut le constater sur ces deux exemples (tableau 3 et 4), nous avons utilisé le langage naturel pour ces descriptions. Il n'était pas possible d'utiliser un nombre relativement limité de descripteurs, comme cela peut-être le cas pour certaines recherches ergonomiques37. Cela aurait été inadéquat dans la mesure où nous souhaitons être ouverts aux significations subjectives. Etant donnés nos objectifs et conditions de recherche, il était donc plus pertinent d'utiliser le langage naturel, plus adapté aux particularismes et aux évènements inhabituels parce que plus souple et plus ouvert qu'un langage figé (Passeron 1995 ; Falzon, 1996).

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Nous sommes conscients que cela n'est pas sans poser des problèmes importants, notamment du point de vue de la reproductibilité des observations. Mais nous postulerons qu'une relative reproductibilité des descriptions est possible d'un observateur à l'autre (Pharo, 1990), moyennant les quelques précautions suivantes :

  • Si l'on n'y prend garde, le niveau de description peut varier considérablement. Il est donc nécessaire de stabiliser ce niveau, car, sans cela, des processus d'échelles temporelles différentes seraient comparés, entraînant alors des problèmes épistémologiques importants. Nous avons tenté d'être vigilants sur ce point, en nous demandant si les mots utilisés renvoyaient à des événements d’ampleur temporelle comparable (Quéinnec et coll., 1991)

  • Des différences notables peuvent apparaître entre les descriptions de deux observateurs pour une même situation. Par exemple l'un écrira : "tourner le bouton de démarrage", l'autre : "mettre en marche le dispositif". Pour éviter cela, il n'y a pas d'autre choix que de questionner, autant qu'il est possible de le faire, les acteurs de la situation (dont l'élève fait partie) pour utiliser les termes les plus en vigueur dans l'entreprise. Compte tenu du contexte très industriel et technique, il y avait généralement un accord entre les acteurs de l'entreprise sur les termes utilisés (Falzon, 1996).

  • Enfin, pour éviter d'attribuer des intentions à chaud, dans le feu de l'observation, nous avons utilisé des verbes d'action aussi neutres que possible (Theureau et coll. 1994) : par exemple, dans les deux exemples ci-dessus, dire est préféré à expliquer.

Notes
37.

Il est concevable de se donner une telle limite sur des échelles de temps courtes, pour des tâches et des environnements de travail connus, stables et peu nombreux. Mais cela devient très limitant pour des actions comme celles des élèves-ingénieurs, qui s'étalent sur des périodes plus longues et se réalisent dans de multiples contextes.