3.3 Découpage en actes et actions

Avant toute autre chose, précisons que nous n'avons fait le découpage en actions que sur cinq des huit jours d'observation restitués par des chroniques d'activité. La raison est d'ordre pratique : on ne disposait pas d'un temps suffisant pour tout faire. Bien entendu, le choix des cinq jours a été fait de manière à avoir la plus grande diversité possible d'actions.

Venons-en maintenant au principe du découpage. On se souvient qu'il est basé sur le regroupement des événements successifs imputables à l’élève (gestes, perceptions, communications, réflexions, interprétations) en fonction de leur intentionnalité commune (cf. chapitre 2). Pour découper les chroniques d'activité, nous avons eu recours à une unité plus fine que l'action. Nous considérons qu’une action peut-être décomposée en actes. Chaque acte est une succession d’événements imputables à un acteur, orientés par un but plus précis que celui d'une action et participant à la réalisation de cette action. Par exemple l'action vérifier la propreté du circuit d'eau, se décomposera en 4 actes successifs : vérifier la propreté de l'eau du château d'eau, vérifier la propreté des parois d'une cuve de stockage ; vérifier la propreté des filtres ; vérifier l'état des boues du décanteur de la station d'épuration.

Afin de différencier les buts des actions de ceux des actes, nous les avons nommés respectivement but-action et but-acte. Le recours à la notion d’acte nous a paru nécessaire dans la mesure où nous souhaitions disposer, à ce niveau d’analyse, d’une unité d’analyse assez fine de l’activité des élèves. Cela permet, en particulier d’étudier plus finement l’évolution de l'intentionnalité (but préalable, puis évolution du but dans l'action) et des modalités de coordination de l’activité au fur et à mesure de la réalisation d’une action, face aux caractéristiques concrètes des environnements de travail.

Un but-acte est défini comme l’intention la plus précise que puisse se donner un acteur au sein d’un environnement de travail donné et qui ait un sens pour lui. De cette définition, il découle qu’un acte (et par voie de conséquence une action) n’a pas de durée fixe : certains actes peuvent ne prendre que quelques minutes tandis que d’autres s’étalent sur près d’une heure. Cela dépend des modalités de coordination de ces actes. Si l'acte est constitué de fortes modalités automatiques ou routinières, il peut être relativement étalé dans le temps. Au contraire, si une action est nouvelle pour un acteur, elle nécessite une succession d’actes courts, l’acteur contrôlant fortement la réalisation de cette tâche. Au fur et à mesure de la répétition de celle-ci, s'opère un apprentissage : le nombre d’actes diminue, mais leur durée augmente, grâce à la constitution d’automatismes et de routines.

C’est à partir de ce premier découpage en actes successifs, que nous avons regroupé ceux contribuant à un but supérieur commun, constituant ainsi une action. Pour cela, nous avons aussi pris en compte les objectifs définis explicitement dans le projet, dans la mesure où la plupart des actions de l’élève sont réalisées en réponse à ces objectifs³⁸ (cf. figure 4)

Cependant, plusieurs cas de figure peuvent se présenter :

• une grande ou petite série d’actes, tous orientés vers un but commun, s’enchaînent : nous avons là une action, qui peut soit se terminer à l’issue de cet enchaînement (le but est atteint ou abandonné), soit être suspendue jusqu’à un moment ultérieur (la poursuite de ce but est reporté à plus tard, l’acteur s’engageant dans d’autres actions). Les actions peuvent donc être: 1) continues ou plus ou moins fortement fragmentées ; 2) constituées d’un nombre d’actes variables.

• un acte est isolé. Dans ce cas, cet acte peut n’être effectivement constitutif d’aucune action. Mais il peut également appartenir à une action discontinue dont un acte est réalisé de manière isolée.

• Actes et actions peuvent entretenir des liens différents avec les objectifs et sous-objectifs du projet. Un objectif ou un sous-objectif peut nécessiter plusieurs actions, elles-mêmes composées de plusieurs actes, ce qui est très souvent le cas. A l'inverse, il est possible qu'une même action, servent plusieurs sous-objectifs, voire plusieurs objectifs. Il en est ainsi par exemple de certaines actions de planification ou de bilans de son activité : elles renvoient chacune à des objectifs d'actions en cours sans se limiter à un en particulier.

• Enfin, les objectifs et sous-objectifs ne sont pas figés : l'activité de l'élève peut contribuer à en créer de nouveaux, par exemple lorsqu'une discussion avec le tuteur aboutit à une replanification du projet.

On trouvera ci-après (tableau 7 et 8), deux exemples de découpage (un pour chaque élève), à partir des données des tableaux 4 et 5. Le tableau 8 montre qu’il n’a pas toujours été possible de préciser certains buts et sous-buts, ou bien de déterminer à quel(s) sous-objectifs et objectif(s) étaient liées certaines actions, soit par manque d'informations sur ce qui était réellement recherché, soit parce que l'élève n'avait apparemment pas de visée précise. Dans ce dernier cas, ceci peut parfois être un indice intéressant pour repérer des difficultés de l’élève à agir.