2.1.2 Actions de production

Pendant les 7 premières semaines de sa présence dans l’entreprise (périodes E1 et E2), S occupe des postes d’opérateurs, successivement sur les 3 sites de production.

Le premier type de poste est celui d’aide-emballeur, qu’il occupe sur le site n° 2 et le site n° 3 pendant 4 semaines réparties sur les 2 premières périodes d’alternance. Il s’agit d’un travail où des actions similaires (voir description tableau 2) sont répétées à chaque nouvelle fabrication de bobine, c’est-à-dire en moyenne toutes les 2 ou 3 heures.

Tableau 20
Durée Lieux Objets Acteurs Description de la phase d’activité N But
E1
2 semaines
Site 2 :
- zone de bobinage
- Hall MAP
- Local pilotage machine
- Poste bobineuse
- Bobines
- Système d'emballage
- Machine A Papier (MAP)
- Opérateurs de production : surtout bobineur
- Responsables Opérationnels
- Chef de fabrication
- Le chef de fabrication lui confie un travail d'aide emballeur
- S travaille la plupart du temps à la journée avec différentes équipes qui sont en 5X8. Il fait cependant des remplacements pendant 2 ou 3 jours où il est du matin ou de l’après midi sur un boulot précis : aide-emballeur. Le bobineur lui montre le travail qui consiste à :
1) aider à l’opération de transformation de la bobine mère, en bobine fille,
2) diriger les bobines filles vers le poste d’emballage,
3) les faire rouler de quelques mètres pour tamponner le sens de déroulage  et le numéro de bobine, 
4) mettre en place une cornière en carton pour protéger les bordures de la bobine, puis des bouchons sur les mandrins en carton,
5) pousser les bobines sur une emballeuse automatique qui dépose plusieurs couches de film plastique étirable pour protéger le papier de l’humidité,
6) peser la bobine et saisir différentes données (poids, largeur, longueur...) pour l’impression des étiquettes.

S aide également le bobineur à évacuer le papier qui s’amoncelle autour de la machine à papier en cas de casse de la feuille de papier (les tas de papier peuvent atteindre plusieurs mètres de haut dans le cas de casse à répétitions, quand un organe est mal réglé ou lorsqu’il y a des erreurs de manipulation). Il l'aide aussi à enlever les chutes de papier sur bobineuse avant le passage à l’emballeuse

S participe aux tâches collectives mobilisant plusieurs voire l’ensemble des opérateurs : changement de feutres ou toiles, nettoyage de la machine, etc.
5 Faire le travail d'aide-emballeur

L’activité de S se déroule soit en toute fin de machine, à savoir aux alentours du poste de bobinage, soit à différents niveaux de celle-ci. La plupart du temps, S côtoie un seul opérateur, le bobineur, responsable des opérations de bobinage et d’emballage. Mais comme on peut le voir ci-dessus, certaines opérations engagent l’ensemble des opérateurs (évacuation du papier en cas de casse sur la machine ; participation aux tâches collectives). Le local de pilotage de la machine (du site 2 et 3) est aussi un lieu où S peut rencontrer les autres opérateurs et côtoyer les responsables opérationnels et le chef de fabrication qui descendent assez fréquemment dans l’atelier de production.

Sur le site de production n° 1, S occupe la fonction d’aide-machine pendant 3 semaines. C’est un poste encore plus déqualifié que celui occupé sur les sites 2 et 3. Il s'agit de remplacer l’aide-emballeur en cas d’absence de celui-ci. Plus fréquemment, et comme ce fut le cas pour S, l’aide-machine effectue des tâches annexes (nettoyage de certains éléments de la machine ; aide pendant les casses, etc.) sous les ordres de l’opérateur en charge du pilotage de la machine. Ce poste de travail varie entre des pointes de travail où toute l’équipe de production est mobilisée et des longs moments d’attente.

S travaille parfois à la journée (8h-12h ; 14h-18h), en décalage avec les horaires des équipes de production organisées en 3X8 ou 5X8. Ceci semble avoir été selon lui, une difficulté pour se coordonner aux habitudes des différentes équipes :

‘« A la M2, t’as 5 équipes, en milieu de semaine, ça tourne, c’est pas la même équipe du matin et de l’après-midi. Alors toi t’es perdu parce que tu travailles de la journée. A la M1, t’as 3 équipes et à la M3, t’as 5 équipes aussi. Le temps de connaître tout le monde, même les 7 semaines que j’ai bossé sur les 3 machines je connaissais pas tout le monde, y en a que j’avais jamais vus parce qu’un jour ils bossaient de nuit et puis le lendemain, ils étaient de repos et le lendemain, ils étaient du matin, moi j’avais changé de machine » (entretien S p13) ’

A l’opposé, lorsqu’il a remplacé un salarié malade ou absent au sein d'une équipe de production, il s'est senti beaucoup plus intégré au travail collectif.

‘«  A la M2, j’ai dû faire des remplacements, j’ai dû travailler 2 ou 3 jours du matin ou l’après-midi pour faire des remplacements, j’étais carrément intégré dans l’équipe, j’avais un boulot précis. (entretien S p 12)’

Finalement, à la lecture de cette description, on s’aperçoit que le nombre des actions de production est sans soute sous-estimé dans notre reconstitution puisque nous avons compté, en l’absence de plus de précisions, une seule phase d’activité pour une ou deux semaines de travail en tant qu'opérateur. Les mêmes actions ont sans doute été répétées de nombreuses fois pendant ces quelques jours. En conséquence, il est tout à fait probable que l’élève ait acquis un certain nombre d’automatismes et de règles d’action ou d’interprétations routinières en répétant ces actions de production. Il faut cependant nuancer cette interprétation par le fait que S n’a pas pu interagir de manière prolongée avec les mêmes interlocuteurs, ce qui a pu être un obstacle à l’acquisition de certains automatismes et routines propres à des opérateurs particuliers. On a peut-être là l’explication du sentiment d’intégration difficile à certaines équipes de production.