2.2.3 Actions de changement et de coordination

Nous avons observé seulement deux des trois types de changement que nous avions mis en évidence au niveau d’analyse global :

• (A1) l’approvisionnement en produit anti-poix (28/03) et la participation à la mise en oeuvre de l’essai de ce produit par quelques recommandations sur le dosage et la durée de cet essai (3/04 et 7/04)

• (A2) un court moment de formation d’un opérateur (25/03) en ce qui concerne la procédure à suivre pour compter les impuretés sur une feuille échantillon.

Le deuxième type d’action n’apporte pas d’informations complémentaires par rapport à ce que l'on savait déjà grâce au niveau d’analyse global : le temps de formation est trop bref pour cela. Par contre, la participation à la mise en oeuvre de l’essai est plus intéressante. Au cours de celle-ci, S réalise des actions dont les finalités sont à la fois le changement et la coordination. C’est pour cette raison que nous traitons ces deux types d’action dans cette même partie.

Un premier moment, très court, le 28/03, (cf. tableau 27, acte n° 2052), nous montre que S mesure bien les risques lors de cet essai. Ce qu’il dit signifie que si ce produit fixe trop fortement les impuretés des installations sur le papier, ce dernier sera trop sale pour être vendu. Or 30 tonnes de papier, c’est beaucoup d’argent perdu.

Le deuxième passage met en scène S et les deux responsables opérationnels (cf. tableau 27, actes n° 30213024). Pour bien comprendre le sens de la discussion entre les trois hommes, il est nécessaire de donner quelques éclaircissements. L’essai du produit qui devait avoir lieu la veille, n’a pu être réalisé en raison d’une hésitation d'un opérateur. L’objet de l'échange avec les responsables opérationnels est de décider d’une nouvelle date pour l’essai. Il ne s’agit pas d’une coordination simple, car elle demande quelques modifications du procédé de fabrication : l’ajout de produits comme le produit bs doit être stoppé, car il y a des risques d’interférence avec le produit cx. De plus, les circuits de production doivent préalablement subir un lavage avec ce produit, pour que son efficacité soit maximum ensuite. La date du lundi suivant, envisagé un temps, ne peut donc convenir car il reste de la pâte dans les circuits⁶⁴ pendant le week-end : le lavage est donc impossible.

Dans cet échange, on remarquera que S intervient pour donner son avis sur le produit cx Il explique d’abord qu’il ne faut pas le mélanger avec un produit de charge électrique opposée, puis ensuite que le produit risque, en nettoyant les circuits, de rendre le papier encore plus sale.

L’échange se termine comme il avait commencé, lorsque le responsable opérationnel matières renvoie la décision de la date de début d’essai vers le responsable de production.

Dans l’échange suivant, qui se déroule le lendemain (3/04) dans le bureau du responsable opérationnel, S va adopter le même positionnement que l’on pourrait qualifier d’expert du produit (cf. tableau 28, actes n° 40254035). Les seuls moments où il ne pose pas de questions au responsable opérationnel (donc où il n’est pas en position de solliciter son interlocuteur), c’est pour donner des informations sur ce produit : doses d’ajout, quantité suffisante pour 100 tonnes de papier, commander du produit si c’est insuffisant. En face, le responsable opérationnel lui explique les différentes étapes qui vont se succéder pendant l’essai, pour aboutir à une nouvelle question : combien de temps doit durer l’essai. A la fin de la discussion, il renvoie une nouvelle fois S vers le responsable de production, seul à même, selon lui, de prendre la décision.

Enfin, notons un dernier passage intéressant, qui se déroule pendant la réalisation de l’essai, au moment où le nombre d’impuretés devient brutalement plus élevé. Le tuteur sollicite alors l’élève afin qu’il lui donne un avis sur la décision à prendre : faut-il poursuivre ou non l’essai pour continuer à décrocher la « merde » des circuits, sachant qu’un autre papier, plus exigeant et plus cher du point de vue de la propreté, doit ensuite être fabriqué ? L’extrait ci-dessous (cf. tableau 29, actes n° 50365037) montre que l’élève n’arrive pas à donner une réponse au tuteur.

A ces trois moments, S semble avoir du mal à intervenir autrement que pour donner des informations sur le produit cx. Jamais il ne se risque à des décisions de modification du procédé de fabrication, ou de coordination des actions de différents acteurs. Que ce soit avant ou pendant l’essai, la décision est toujours renvoyée vers le responsable de production.