3.1.1.1 Les connaissances communes à l'industrie papetière

Les connaissances les moins spécifiques sont celles qui portent sur les principes généraux de fabrication des papiers, qui sont bien entendu valables dans l'entreprise E1. Nous en avons donné un aperçu au tout début de ce chapitre, par la description des grandes étapes du processus de production : les matières premières et les adjuvants à utiliser, les opérations de raffinage et leur effet sur les matières premières, puis les opérations sur la machine à papier, enfin le découpage de la bobine. Ces connaissances ont une très large portée, puisqu'elles sont valables pour toutes les entreprises qui fabriquent du papier. Elles constituent le fonds commun de connaissances partagées par tout un domaine de production, qui se concrétise par un langage, des dispositifs techniques, un champ de problèmes et une littérature (revues scientifiques et techniques) spécifiques. Elles ont des origines complexes, fruit des collaborations entre les industries papetières et des centres de recherche.

A plusieurs reprises S a montré qu'il maîtrisait remarquablement bien ce type de connaissances en particulier lors des entretiens et des nombreuses explications qui ont émaillé nos observations sur site. Par exemple, au cours d'un échange avec lui, nous lui avons demandé de lire et de commenter un article de l'Encyclopédia Universalis sur la fabrication du papier. Voici quelques uns de ses commentaires qui montrent, à l'évidence, la maîtrise du fonds commun de connaissances dont nous venons de parler ci-dessus :

‘- L : "C'est quoi les pontuseaux ?
- S : "Les pontuseaux sous la machine à papier, c'est des trucs qui sont là pour faire égoutter la flotte ... (il poursuit la lecture) ... Ca existe toujours les rouleaux vergeurs [..]"
- L : Les chips c'est des troncs de bois non ?
- S : Les chips de bois c'est des copeaux [..] Quand ils les [les pâtes à bois] blanchissent, il reste toujours plein de saloperies. Et ce qui pollue le plus, c'est le blanchiment de la pâte parce qu'on utilisait du chlore gazeux et maintenant, on n'utilise plus du chlore gazeux, mais c'est quand même du chlore ou de l'ozone" (entretien p 32)’

S'il possédait déjà bon nombre de ces connaissances par sa formation en BTS et le stage qu'il a réalisé préalablement dans une autre entreprise, les objectifs de son projet au sein de E1 le conduisent à développer des savoirs plus précis sur les propriétés de certaines matières premières ou produits adjuvants, et leur réaction à certaines opérations physico-chimiques.

‘Exemple 1 : " Le produit R, c'est un floculant, c'est un agent de rétention qui permet de regrouper les fibres entre elles pour ne pas qu'elles traversent à travers les mailles de la toile et ainsi qu'on ne perde pas trop de pâte sur la toile. Mais des fois, quand il est mal préparé, ça arrive à faire des points marron" (chroniques d'activité niveau local, p70)’ ‘Exemple 2 : "Après je me suis renseigné sur des bouquins en anglais. J'ai fait de la traduction pendant trois jours. Il semblerait que lorsque l'on travaille les fibres d'une certaine façon, il y a libération de la poix" (chroniques d'activité niveau local, p54)’