3.2 Une expertise basée sur une forte modalité routinière et des modalités conventionnelles et téléologiques beaucoup plus ponctuelles

L'expertise de S est basée sur la répétition de plusieurs types de cycles analyse-information (analyses qualitatives, quantitatives, coût) mis en place progressivement, et qui permettent d'avoir une représentation des performances et des faiblesses des unités de production en matière de propreté des papiers. Le point de départ et l'aboutissement de ces cycles sont les unités de production, en fait, principalement l'une d'entre elles : l'unité de production 1 (cf. figure 5).

On a là l'indice d'une modalité routinière forte : S contrôle et coordonne son activité en fonction de ces cycles analyse-information dont il devient de plus en plus expert66. Leur répétition permet d'améliorer les connaissances sur les causes les plus fréquentes des impuretés au sein de l'unité de production 1, connaissances qui sont de plus en plus intégrées au sein de règles routinières. Nous voulons dire par là que la longueur de la chaîne causale à considérer diminue : là où il fallait faire des recherches pour remonter à l'origine d'une impureté, une règle d'interprétation permet dorénavant la mise en lien directe d'un symptôme avec sa cause. Ou bien, à l'inverse, la connaissance des causes permet de prévoir que telle opération de production va sûrement générer des impuretés. La répétition de ce cycle permet aussi d'acquérir peu à peu un savoir-faire notable en ce qui concerne l'explication des causes de non-propreté, par des moyens relativement variés, écrits ou oraux, en fonction des niveaux de connaissance des interlocuteurs et de leurs préoccupations.

Cependant, l'expertise n'est pas uniquement basée sur des règles d'interprétation et d'action routinières. L'importance de la modalité routinière dans l'activité diminue parfois ponctuellement au profit de la modalité conventionnelle et/ou téléologique, lorsque l'élève découvre des impuretés qu'il ne connaît pas. Ne pouvant plus s'appuyer sur une règle d'interprétation connue, il se rabat généralement sur des tests physico-chimiques standards, qui lui donnent des indications sur la nature de la (ou des) substance(s) contenue(s) dans les impuretés (modalité conventionnelle). Mais souvent, ces tests ne suffisent pas, et S doit alors s'engager dans une enquête basée sur le recoupement d'indices et la vérification d'hypothèses. Ses actions d'analyse deviennent alors plus riches en actes, signe caractéristique d'une modalité téléologique plus forte.

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Notes
66.

Un autre indice de la force de cette modalité est détectable quand on se penche sur nos notes d'observation : à plusieurs reprises nous n'avons pas jugé bon de décrire dans le détail certaines actions similaires à d'autres que nous avions dépeintes préalablement. Cela se traduit par une densité de notes écrites moins importante en fonction du temps qu'à d'autres moments où les actions réalisées sont plus inhabituelles. Il y a d'ailleurs un écart considérable entre le 1er et le 2ème élève en ce qui concerne le volume de ces notes pour le même nombre de jours d'observation, écart qui va du simple au double. Nous verrons que cet écart s'explique par les modalités de l'activité du 2ème élève beaucoup moins routinières.