3.3 La faiblesse de l'expertise : la conduite des changements au sein des unités de production

Le fort ancrage dans l'activité des cycles routiniers analyse-information semble être un frein au développement de nouvelles compétences. Ainsi, lorsque S est chargé de coordonner un essai de nouveau produit, il en reste à ce qu'il sait faire : analyser qualitativement et quantitativement les impuretés. Il n'est pas capable de faire les choix que demandent cet essai (date et durée ; arrêt ou poursuite de l'essai) ou tout du moins de conseiller ceux qui doivent les prendre, et de justifier de son intérêt auprès des opérateurs.

Plus généralement, une des faiblesses de l'expertise de l'élève se situe au niveau de la conduite concrète du changement au sein des unités de production, comme en témoignent la faible fréquence des actions du même nom aux deux niveaux d'analyse (global et local). Le rôle réel de S s'arrête la plupart du temps au stade de l'explication des résultats d'analyses ou de la remise d'une étude technique. C'est ensuite le tuteur entreprise, voire les responsables des unités de production qui décident et prennent en charge la sollicitation d'autres services ou de fournisseurs externes, et la coordination de leurs actions.

Cette faiblesse est à mettre en lien avec le manque de connaissances sur les services de l'entreprise spécialisés dans le changement des réseaux socio-techniques de production, ainsi que celles sur les fournisseurs. Même si une évolution notable a lieu à partir du milieu de la formation (suivi de l'installation et mise au point du dispositif de contrôle des tâches par caméra, recherche d'un système de caméra endoscopique auprès de fournisseurs), d'importantes difficultés subsistent à ce niveau, comme en témoignent les interventions du tuteur pour recadrer les actions de l'élève.

Cette faiblesse est aussi à mettre en lien avec la difficulté à s'auto-organiser de manière autonome dans le cadre de son projet. Nous avons vu que le tuteur a un poids déterminant lors de ces phases d'auto-organisation, qui sont d'ailleurs souvent réalisées à sa demande. Pendant très longtemps, l'élève ne semble pas avoir une vision claire des orientations qu'il faut donner au projet à moyen et long terme. L'absence de réflexion autonome sur les buts et moyens d'action est synonyme de la faiblesse de la modalité téléologique de l'activité. Elle est aussi confirmée par l'inexistence de plannings fixant les objectifs à atteindre. Les capacités d'anticipation augmentent certes quelque peu au fur et à mesure de la formation, mais restent limitées. Dans ces conditions, il n'est pas si étonnant que l'élève prenne réellement conscience de la logique globale de son projet lorsqu'il en fait un bilan final. Les choix posés par le véritable gestionnaire de projet, en l'occurrence le responsable de production aussi tuteur de l'élève, lui apparaissent alors beaucoup plus clairs.