2.2.4.1 Information sur l'avancement des projets (I1)

Les informations de ce type concernent surtout le premier projet (dispositif de séchage). Elles répondent aux demandes de certains acteurs de l'entreprise. Ce n'est pas un hasard si les actions d'information sont concentrées sur deux jours (cf. graphique 15) car, à ces deux dates, ont lieu, respectivement, la réunion de transfert en production du dispositif de séchage (14/04) et son essai dans les conditions normales de fabrication (17/04). L'imminence ce ces moments officiels pousse certaines personnes comme la responsable et la technicienne qualité (cf., par exemple, actes n° 30063015, 30323033), l'ingénieur pharmacien (cf., par exemple, actes n° 3072, 30933096) à réaliser les tâches qui leur incombent. Et pour cela, ils sollicitent J qui possède des informations dont ils ont besoin.

Face à ces sollicitations, J se rend disponible en interrompant momentanément ses actions en cours. Il n'hésite pas à sortir des documents archivés dans des classeurs soigneusement tenus (exemples : plans et schémas du dispositif de séchage lors de la discussion avec l'ingénieur pharmacien ; ébauche du dossier de poste du même appareil pour répondre aux questions de la technicienne qualité). Ces documents sont visiblement une aide précieuse pour se souvenir des termes exacts employés (cf. actes n° 30073008) ou encore pour expliquer le fonctionnement d'une partie d'un appareil (cf. actes n° 31023103).

Au cours de la réunion de transfert en production, les dossiers techniques réalisés par J, passent au crible des questions des différents responsables et spécialistes présents (cf. actes n° 31173143). Les questions portent surtout sur les incertitudes engendrées par le dispositif sur le processus de fabrication. J répond avec assurance à ces questions. Un passage de notre reconstitution témoigne même de son aisance à exploiter le contexte de la réunion, ainsi que les relations de pouvoir entre responsables de service, pour justifier que ses choix sont les meilleurs. Pour situer rapidement le contexte de l'échange, disons que le responsable du service maintenance a demandé à J qu'un capteur de pression très précis soit placé à l'entrée de l'arrivée d'air du dispositif de séchage, afin de vérifier si le débit d'air est suffisant pour assurer le séchage des produits. J, conseillé par son tuteur, est contre cette proposition, compte tenu du prix très élevé de ce capteur. Le passage du tableau 34 montre le moment où le responsable maintenance questionne à nouveau J sur ce point.

Face à l'insistance du responsable maintenance, J, qui s'attendait visiblement à son intervention et avait préparé sa réponse, réplique par des arguments économiques, comme il le confirme au cours de l'auto-confrontation :

" Je voulais faire voir que ce qu'il demandait était une charge financière très importante et que ça n'en valait peut-être pas la peine. En gros la machine valait 70000 balles, il demandait pour vérifier un encrassement, ça jamais été fait, ça se fait nul part sur aucune machine, et ça vaut 10000 balles"(Chroniques d'activité niveau local, p138).

Il propose de recourir à un moyen beaucoup moins coûteux. Sa proposition fait mouche auprès d'autres acteurs, en particulier le responsable de production, ralliement de poids étant donné que ce dernier est le responsable hiérarchique du chef du service maintenance.

Tableau 86
Temps Lieux Description de l'activité des autres acteurs / des événements / des objets Description de l'activité de l'élève But acte But action
Salle de réunion - G : Est-ce qu'il y autre chose à dire ?
- JP : 2 points très importants, j'avais demandé à mettre un capteur de surveillance de P sur le filtre 0,2, parce que c'est lui qui garantit le débit d'air après le filtre. La dernière fois c'était en pourparlers, quelle est la décision finale ?
3131










- JP : c'est un point sur lequel vous travaillez toujours


- JP : bein ...
- J : C'est sur le compte-rendu, je vais te le dire (il met un transparent). Pour l'instant un pressostat existe avec sa fonction d'éviter que l'opératrice oublie de mettre l'air comprimé. On va voir après étude si il est envisageable de le remplacer par un système plus performant parce que celui en place est en limite de capacité pour détecter un encrassement. Ce filtre réduit considérablement le débit, on va voir si on le laisse ou si on peut légèrement le modifier. On va attendre vendredi pour voir comment ça se passe.

- J : voilà en réserve. Mais sachant que ça restera comme ça si on admet que c'est bon.

- J : le problème d'un capteur qui vaut 10 000 frs, ça fait le 7ème du prix de la machine, est-ce vraiment utile de mesurer l'encrassement du test ?
Expliquer qu’une étude sur utilité réelle du pressostat doit être faite avant achat Expliquer réponses aux réserves
- JP : vitesse et débit assurent le séchage. Si avant on a vérifié qu'il y a présence d'air pour produire, c'est une bonne chose. Mais comme le filtre est placé après le pressostat et qu'on a pas de moyen de garantir le débit qui procure le bon séchage. 3132
15h30 - J : le pressostat a une valeur mini de 50 mbars, si le filtre est encrassé, on dépassera pas le seuil et la machine se mettra pas en route. Faut voir si on peut pas faire un changement mensuel du filtre pour éviter de mettre un pressostat qui coûte une petite fortune. Expliquer qu’il vaut mieux changer le filtre régulièrement
- JP : il faut qu'on puisse vérifier l'encrassement du filtre, peu importe si on le fait par déduction. - JY : après avoir demandé s'il y avait possibilité de mesurer le des moyens volants et que JP lui ait répondu positivement propose de contrôler régulièrement.
- JY : J choisira la méthode la mieux adaptée afin de qualifier.

A la fin de cette réunion, J donne des informations sur l'avancement de ses deux autres projets. On a déjà dit qu'il s'agissait là d'une démarche habituelle, faite à l'occasion de chaque réunion hebdomadaire par chaque membre du service engineering. L'ensemble des responsables de service est ainsi informé régulièrement de la progression des différents projets conduits par les ingénieurs de service. En retour, J reçoit des remarques et des questions de la part de certains participants à la réunion. Il peut s'agir d'un simple détail technique : par exemple prendre en compte des modifications sur le dispositif de remplissage dans la rédaction du cahier des charges (cf. tableau 35, acte n° 3150).

Mais des avis beaucoup plus importants sont parfois donnés : par exemple la mise en garde du responsable de production, contre un dispositif de contrôle de niveau qui enverrait des ampoules à la poubelle alors que la quantité de produit qu'elles contiennent est correcte (cf. tableau 35, acte n° 3148). Les réunions hebdomadaires sont visiblement très importantes, car elles permettent à J de juger si ses choix techniques ont des chances de faire l'unanimité, ou au contraire, suscitent méfiance ou rejet.

Tableau 87
Temps Lieux Description de l'activité des autres acteurs / des événements / des objets Description de l'activité de l'élève But acte But action
16h05 - P demande de dire où il en est au niveau du système de vision 3144 Expliquer où en est le fournisseur Donner des infos sur projets en
- J : le fournisseur en train de faire les plans mécaniques cours
- J : je suis en train de faire des essais de qualification 3145 Expliquer qu’il fait des essais de qualification
- JY : T'as réalisé des volumes étalons ?


- JY : y a un problème de réglage du niveau des flacons, qui est réglé trop haut. Il est à 7,6 alors que les limites de tolérance sont entre 7 et 7. Les produits gélosés posent problème à la lecture car il y a du dépôt sur les bords.

- J : Ouais, que je puisse avoir une référence pour chaque produit.
3147
- J : Y en a dans la tête et c'est surtout là que ça me pose des questions. Expliquer que c’est le produit dans la tête qui pose problème Donner des infos sur projets en cours Information
- JP : on est obligé de se caler haut à 7,6 car quand le produit est chaud et on retourne, il y a projection et pertes. 3148
- J : le fournisseur m'a dit qu'il faut remplir les flacons à même température que le produit pour régler ce problème du liquide dans les têtes. Pour l'instant on est assez haut en volume dans les remplissages. Expliquer qu’il faut avoir flacons à température du
liquide
- JY : ça confirme qu'on est hors tolérance.
- SB : La caméra rejettera les maxi et pas les mini
- JY :Faudrait pas que ça aille à la benne directement, faut qu'il y ait un contrôle visuel derrière, sinon ça va faire mal.
16h15 - J : y a une grosse phase de qualification et ensuite on essaiera. 3149 Expliquer nécessité d'une grosse phase de qualification
- J : Sinon, pour le dispositif de remplissage, je suis dans la phase de rédaction du cahier des charges. Je l'envoie au fournisseur et je le ferai passer aux différentes personnes concernées dans la semaine 3150 Expliquer rédaction CDC en cours
- JY : attention, on a fait une modif au niveau du casse-vide qui est maintenant automatique. Il faudra le prendre en compte dans le cahier des charges

Si l'on s'intéresse maintenant aux informations données par J le cinquième jour, date à laquelle a lieu l'essai de mise en production, on constate qu'il n'est pas avare d'explications sur ce qu'il est en train de faire, quels que soient ses interlocuteurs. Par exemple, alors qu'il étudie la cadence du dispositif de séchage, il fait de nombreux commentaires aux opérateurs présents (cf. actes n° 50355042, 50545055, 50755076), afin que ceux-ci comprennent bien ce qu'il réalise. Ce comportement est visiblement payant, car, en retour, les opérateurs lui fournissent des informations qui l'aident à atteindre ses buts. J donne aussi des informations aux responsables des services contrôle final et production, venus s'enquérir du bon déroulement de l'essai (cf. actes n° 51255126). De même, il informe son tuteur entreprise sur les problèmes qui se posent depuis qu'il a commencé le suivi de la production (cf. actes n° 50855986).