1.4 Des milieux peu variés

Les deux parties précédentes ont mis en évidence les caractéristiques des réseaux socio-techniques de production qui rendent la recherche des causes de non-propreté du papier relativement longue et les changements au sein de ces réseaux difficiles. Essayons d'aller un peu plus loin dans l'interprétation, en utilisant maintenant le concept de milieu.

Pour ce qui est de l'étape de recherche des causes de non-propreté, S a rapidement à disposition des ressources importantes pour réaliser les analyses et informer des résultats obtenus : modes opératoires pour les tests physico-chimiques, conseils du technicien laboratoire et du technicien qualité, réseau informatique qualité, micro-ordinateur équipé du logiciel Excel, etc. Si on y ajoute :

on a tous les ingrédients d'un milieu très riche pour la recherche des causes de non-propreté sur le premier site de production. Comme les caractéristiques des réseaux socio-techniques de production impliquent des analyses longues et très répétitives pour arriver aux objectifs fixés dans le Projet (déterminer correctement l'origine des principales impuretés, et contrôler que les modifications réalisées portent leurs fruits), il est somme toute assez logique que l'élève privilégie pendant très longtemps la recherche des causes de non-propreté et que la modalité routinière devienne très importante.

Par comparaison, les milieux pour mener cette recherche sur les autres sites sont moins riches. Certes, S dispose pareillement des ressources du laboratoire R&D, mais par contre, la réception de son travail est beaucoup moins favorable de la part des chefs de fabrication. De plus, les résultats obtenus sur le site 1 ne peuvent être que partiellement réinvestis, en raison de la spécificité de chaque type d'installations.

Pour les deux étapes suivantes, les milieux sont beaucoup plus pauvres. Les ressources nécessaires à l'élaboration du réseau socio-technique permettant la réalisation de ces étapes, et donc d'actions de changement, de sollicitation et de coordination, sont difficilement accessibles de part leur manque de visibilité et la faible légitimité de l'élève à les atteindre. Or on a vu combien, dans son cas, modifier les réseaux socio-techniques de production était une entreprise difficile. S a pu s'en rendre compte à quelques reprises, par le biais des réactions des opérateurs aux changements décidés par le responsable de production, ou lors des essais de nouveaux produits qui ont généré de grosses perturbations au sein du réseau socio-technique n°1. Il n'y donc, a priori, rien de bien favorable à ce qu'il s'engage facilement dans les deux dernières étapes du Projet.

Pourtant, ce que nous venons de dire ne doit pas laisser penser que les deux dernières étapes du projet étaient inaccessibles à l'élève. Loin de nous l'idée d'un tel déterminisme. Peut être un autre élève aurait pris plus de risques en s'engageant dans les deux dernières étapes du Projet malgré la pauvreté du milieu. C'est tout à fait possible. Mais S a préféré, comme beaucoup d'autres élèves l'auraient sans doute fait également, en rester la plupart du temps à ce qui présentait pour lui le moindre coût cognitif et émotionnel, à savoir les cycles analyse-information sur le premier site de production.