2.4 Conséquences sur les milieux de l'élève

En fonction de ce que l'on vient de dire dans les deux parties précédentes (cf. 2.2 et 2.3), voyons maintenant quelles en sont les conséquences sur les milieux successifs de l'élève.

2.4.1 Des milieux plus ou moins favorables aux différents types d'actions

Le positionnement de l'élève au sein du service engineering lui donne accès à de nombreuses ressources. J y trouve des aides très importantes pour la mise en place des réseaux socio-techniques qui vont lui permettre de réaliser les étapes de ses projets successifs. En particulier les procédures fournissent une trame assez précise pour mettre en place ce réseau pour chaque étape des projets. D'autres ressources, comme les connaissances partagées au sein du service ou les habitudes établies avec des interlocuteurs internes ou externes à l'entreprise, facilitent également cette mise en place. Par conséquent l'élève a des milieux très favorables pour réaliser toutes les étapes des projets, et donc les six finalités d'actions qu'impliquent l'une ou l'autre de ces étapes. De plus, son positionnement au sein du service dès le début de la formation lui permet d'expérimenter une partie de ces ressources au cours de la première année.

Si l'élève réalise toutes les étapes de ses projets, les fréquences des différents types d'actions sont loin d'être similaires. En fait, les milieux ne sont pas aussi riches pour tous les types d'actions. J profite autant qu'il subit les conséquences de l'organisation du service engineering. Les ressources de ce service nourrissent un milieu très favorable aux sollicitations, que ce soit en direction des fournisseurs, des personnels du service production ou des spécialistes de l'entreprise. Mais la conséquence de la forte fréquence des sollicitations est que l'importance des autres finalités d'actions s'en trouve d'autant diminuée. Car solliciter, c'est déléguer à un autre une partie d'un projet. Il y a là un phénomène de vase communiquant expliquant l'écart si important entre les sollicitations et les autres types d'actions.

Cependant, les conséquences ne sont pas les mêmes pour tous les types d'actions.

J effectue assez fréquemment des changements, car si les fournisseurs conçoivent les dispositifs et les installent en production, l'élève contribue aussi de façon importante à leur conception et à leur mise au point. Il trouve pour cela un milieu assez riche, profitant du travail d'organisation préalable de certaines ressources par le service engineering : procédures (ex: rédaction des cahiers des charges, mise au point des matériels, etc.), logiciel AutoCad, connaissances des ingénieurs du service, matériel et documents disponibles au service maintenance ou aux services généraux, manuels d'utilisation donnés par les fournisseurs, etc. Les changements sont aussi facilités par le fait que les projets portent principalement sur des postes de travail isolés et que la réaction des personnels de production face à ces changements est généralement très favorable.

La fréquence des actions d'information est non négligeable. Il est difficile, en effet, de déléguer à d'autres la tâche d'informer. De plus, J dispose dès son arrivée dans l'entreprise d'un milieu riche pour réaliser ces informations : les réunions engineering qui réunissent tous responsables de service du site, des moyens de communication écrit (fiches projets, courrier électronique), la taille réduite du site qui n'est pas un frein pour se rendre dans d'autres bureaux, la localisation du bureau de l'élève auprès des bureaux d'autres services facilitant les échanges informels, etc.

Les actions d'analyse sont celles qui pâtissent le plus de la tendance à privilégier les sollicitations. D'une part la nature discontinue du procédé de fabrication permet de cibler de nombreux dysfonctionnements des postes existants en questionnant les opérateurs, d'autre part l'analyse des performances des nouveaux dispositifs installés repose beaucoup sur la collaboration avec les opérateurs (cf., par exemple, PA n°49 ou actes n°50355042). A ces conséquences du recours fréquent aux sollicitations, il faut ajouter :

  • qu'une analyse globale des dysfonctionnements du réseau socio-technique de production n'est pas nécessaire étant donné qu'il s'agit de projets ciblés sur des parties limitées de ces réseaux,

  • que certains projets étant repris en cours de route, l'étape d'enrichissement des données d'entrée, basée en partie sur un diagnostic de l'existant est déjà réalisée.

Tout ces facteurs se cumulent pour donner un milieu assez pauvre du point de vue des actions d'analyse.

Contrairement aux actions de changement, d'information et d'analyse, le recours privilégié à des sollicitations n'a pas de grandes conséquences sur la fréquence des actions de coordination. La faible importance de ce type d'action est à trouver ailleurs, dans les nombreuses procédures mises en place par le service. J n'a pas à passer beaucoup de temps pour définir ses projets et coordonner les actions des différents acteurs qui y participent, puisque les procédures du service jouent déjà ce rôle. De plus, les acteurs des autres services ayant l'habitude de réaliser le travail que J leur demande, on comprend mieux pourquoi il y aussi peu de phases de coordination. Ces dernières sont souvent limitées au moment où se dérouleront les interventions des fournisseurs. Une interprétation similaire vaut pour les actions d'auto-organisation, dont la nécessité est aussi réduite par la précision des procédures. Du coup, les outils méthodologiques de coordination et d'auto-organisation (fiches Projet et fiches compétences) fournis par l'ISTP ne sont pas d'une grande utilité pour l'élève, hormis pour informer l'école de ce qu'il fait dans son entreprise94.

Notes
94.

On a d'ailleurs pu voir que l'élève avait recopié simplement la procédure de gestion de projet pour rédiger la fiche Projet n°1, qui sera la même pour tous les projets.