2. La méthodologie

La construction d'une méthodologie adaptée à la problématique d'étude faisait partie des objectifs de la recherche. Les volontés cumulées d'analyser des évolutions de l'élève tout au long de la formation en entreprise (plus de quatre-vingt-dix semaines de présence en entreprise) et celle d'étudier plus finement son activité au sein des environnements de travail, ont conduit à la définition et l'articulation de deux niveaux d'analyse : local et global.

Le premier enseignement à tirer concernant cette méthodologie, est que les deux niveaux d'analyse se sont révélés très complémentaires.

Les connaissances acquises pendant la période d'observation en entreprise ont été très importantes pour être en mesure de comprendre les explications de l'élève au cours des entretiens. A l'inverse, le fait de disposer d'un historique des différentes actions réalisées depuis le début de la formation en entreprise nous a beaucoup aidé au cours de la constitution des chroniques d'activité au niveau local. Le sens de nombreuses actions serait peut être resté plus obscur si l'on n'avait pas eu connaissance des réalisations préalables de l'élève101.

La complémentarité des deux niveaux d'analyse a été bonne lors de l'étude des actions de l'élève. Le niveau global a abouti à une caractérisation des types d'actions les plus fréquents, et une première description synthétique du contenu de ces actions. On a pu ensuite considérablement enrichir la description de ces types d'actions au niveau d'analyse local, grâce à un échantillonnage relativement correct. La réussite de cet échantillonnage vient à la fois d'un processus de sélection progressif des jours étudiés et des caractéristiques de l'activité des deux élèves.

  • Le processus de sélection des journées étudiées au niveau local a été initié par le choix d'une période d'alternance située en milieu de formation, susceptible d'être la plus représentative de l'activité pendant les trois années de formation (cf. 3.2.1). Le processus s'est poursuivi par la sélection d'une dizaine de jours d'observation, à partir de l'emploi du temps de l'élève. Le critère de choix était d'avoir la plus grande variété possible d'actions. Le même critère nous a servi pour ne retenir finalement que cinq jours pour réaliser le découpage en actes et en actions.

  • La correspondance entre les deux niveaux d'analyse a été renforcée par les caractéristiques de l'activité des deux élèves : le premier, par la répétition quasi quotidienne des mêmes types d'actions (cycles analyse-information), le second par la conduite en parallèle des mêmes types de projets102.

Dans la perspective d'études futures, l'accent doit être mis sur la nécessité d'une vigilance en ce qui concerne cet échantillonnage, car les futures activités étudiées ne seront peut-être pas aussi favorables à un bon échantillonnage des différents types d'actions repérées au niveau global103.

Un deuxième enseignement à tirer de la méthodologie utilisée est la fécondité du croisement de plusieurs types de données pour reconstituer l'activité : observations, enregistrements audios, entretiens, documents de travail, documents institutionnels, etc. Un tel croisement permet d'éviter d'être enfermé dans un type de donnée. Il est vrai que le contexte était très favorable à une telle diversification des sources de l'analyse. Les entreprises, surtout depuis l'avènement des normes qualité ISO 9000, sont souvent des institutions où les acteurs laissent de nombreuses traces écrites de leurs actions. Si l'on ajoute à cela le suivi demandé par l'ISTP, nous avions d'excellentes conditions pour mettre en oeuvre notre méthodologie. Dans d'autres contextes, moins riches du point de vue des documents produits, il faudrait sans doute développer une stratégie un peu différente, comme par exemple demander à l'élève et à des témoins de son activité, de noter quotidiennement les actions réalisées104.

Cependant, notre méthodologie a aussi une limite importante : sa lourdeur. Elle n'a pas permis d'étudier un nombre plus important de cas, ce qui limite quelque peu la pertinence de nos résultats dans d'autres types de contextes socio-techniques. C'est pourquoi, pour pouvoir donner à nos résultats une généralité plus importante, nous envisageons, suite à cette thèse, de travailler à une méthodologie plus légère permettant de suivre l'activité d'un plus grand nombre d'élèves.

Notes
101.

D'autant plus que l'élève est engagé dans une conduite de projet, où les actions réalisées à un moment donné sont fortement dépendantes des actions précédentes.

102.

Au moment de l'observation, l'élève était engagé dans trois projets engineering similaires a des stades d'avancement différents : début, milieu, fin. Cela nous a permis d'avoir, sur la période d'observation, un échantillonnage assez représentatif de tous les types d'action en jeu dans un projet engineering.

103.

Par exemple, si le premier élève avait réalisé l'ensemble des étapes de son projet dans les délais annoncés, nous n'aurions peut être pas été témoin d'actions d'analyse.

104.

C'est par exemple la méthode utilisée par Jourdan (1994) pour étudier l'activité du vigneron qui s'étale sur une année entière.