I- L’état du parc à la sortie de la guerre : insalubrité, destructions de guerre et reconstruction.

L’action des pouvoirs publics est dominée par deux impératifs au sortir de la deuxième guerre mondiale : reconstituer l’appareil industriel détruit en grande partie et présentant un retard considérable ; construire (en plus de reconstruire les bâtiments endommagés) de nouveaux logements pour faire face à la crise qui sévit.

Les destructions de la guerre, le retard de construction de l’entre-deux-guerres ajouté de l’arrêt presque total de la construction pendant la guerre, la désaffection du parc et la pression de la demande placent le paysage immobilier français dans une situation difficile. Par recoupement de ces différents éléments, il est estimé à près de 50% le taux de la population française mal logée72. Malgré cela, le choix a été fait de donner la priorité à la reconstruction industrielle : ’c’est seulement en modernisant et en développant l’industrie du bâtiment et celles qui commandent son activité (sidérurgie, matériaux de construction, transports), qu’on pourra construire davantage, mieux, plus vite et à meilleur marché’73.

Les raisons de ce choix tiennent à des considérations de politique économique au rang desquelles la suspicion du secteur du bâtiment d’être facteur d’inflation ne tient certainement pas toute la place. Les ressources publiques sont en effet limitées et il ne paraît pas judicieux de consacrer l’ensemble des moyens disponibles à une reconstruction immobilière dont les effets d’entraînement sur le reste d’une économie en difficulté semblent incertains : ’faute d’une capacité de production suffisante, prétendre la faire démarrer [la reconstruction] aujourd’hui sur une échelle disproportionnée aux possibilités aboutirait à la freiner dès 1948-1949’74. On sait que les attendus du Plan Marshall ont été décisifs dans les orientations prises par les pouvoirs publics. Bien que cette fuite en avant face à l’urgence soit nationale, les situations locales ne ressentent pas de la même manière les effets de ce report.

Notes
72.

Les éléments suivants sont tirés de Guinchat, Chaulet et Gaillardot (1981) : 2 millions de logements à reconstruire ou à remettre en état (dont ¾ endommagés et ¼ totalement détruits) ; un déficit de construction neuve estimé à 2 millions de logements, 450 000 logements déclarés insalubres, 300 000 garnis reconnus comme inhabitables...

73.

Commissariat général du Plan de modernisation et d’équipement, novembre 1946-janvier 1947, p.11.

74.

Commissariat général du Plan de modernisation et d’équipement, op.cit. p.11