2- Le logement spécifique d’après-guerre dans l’agglomération lyonnaise : garnis, baraquements et requalification de l’habitat ancien

Dans l’agglomération lyonnaise, en attendant les premiers chantiers de reconstruction, l’aide aux sinistrés est organisée par les services préfectoraux et municipaux, en plus des organisations caritatives, avec une attention particulière au problème du logement.

Devant les difficultés à satisfaire toutes les demandes, les réquisitions d’appartement prévues pour les sinistrés ne bénéficieront qu’à ceux ’dont la présence à Lyon est reconnue indispensable’107. Les autres auront à se trouver un toit ailleurs. Mais l’accroissement de la demande qui en résulte ne peut que raviver la concurrence, y compris, par un effet de cascade, sur les segments en bout de chaîne, c’est-à-dire les plus marginaux du parc, entraînant un surcroît de difficultés pour l’accès au logement des plus démunis. En effet, A. Latreille rapporte que ’non seulement il n’y avait pas de logements à bon marché, mais, à proprement parler, il n’y avait pas un appartement, pas un local vide, même [...] pour des gens ayant des ressources... et un ordre de réquisition en mains. A plus forte raison pour les malheureux et les étrangers...’108.

Dans cette période de crise générale, l’alternative pour les populations défavorisées réside dans leur maintien dans des formes antérieures d’habitat spécifique ou, lorsqu’une intervention publique tente d’apporter une réponse, dans des formes institutionnelles de logements non encore spécifiées que la réglementation a plus ou moins bien codifiées et que les acteurs locaux vont plus ou moins bien mettre en oeuvre.

Ainsi par exemple dans le cadre des dispositions transitoires tendant à accélérer la mise en chantier d’immeubles ou de logements, l’ordonnance du 8 septembre 1945 autorise le MRU et les associations syndicales des sinistrés de guerre à construire directement des immeubles sans affectation immédiate (les ISAI) qui devaient être ultérieurement cédés aux sinistrés contre leurs indemnités de dommage de guerre. Dans un premier temps, 25 000 logements en ISAI sont prévus pour les années 1945 et 1946 mais ce n’est qu’à partir de 1947 que les chantiers démarrent réellement, du fait des difficultés d’approvisionnement, des lenteurs et retards.

Les 16 000 logements construits entre 1947 et 1949 l’ont été dans de telles conditions de dépassement des coûts, de difficultés de chantiers, d’inorganisation et de manque de coordination que la formule est abandonnée. Dans l’agglomération lyonnaise, la formule des ISAI associée à celle des ICE (immeubles collectifs d’Etat) a été utilisée à partir de 1948 pour des reconstructions sur l’avenue Berthelot, un des principaux secteurs détruits de la ville. Ces deux types de construction rejoindront en réalité le patrimoine des communes dont ils constitueront plus tard ce qu’on a appelé ’les HLM du maire’.

L’offre spécifique en direction des populations démunies va prendre, dans l’agglomération lyonnaise, deux formes principales : la mobilisation de l’habitat ancien vétuste ou désaffecté et la requalification de friches urbaines en centres d’hébergement et en foyers d’une part et les constructions provisoires (baraquements) de l’autre. Mais il importe moins d’analyser intrinsèquement cette offre que de saisir le contexte de sa production c’est-à-dire d’analyser les logiques et les pratiques des acteurs qui oeuvrent à cette politique, c’est-à-dire principalement le PACT, les pouvoirs publics locaux et l’Etat.

Notes
107.

cf. B. Aulas, op. cit., p.175

108.

A. Latreille, 1980, p.34.