4- Offre spécifique et effets de recomposition socio-spatiale

La localisation périphérique de l’offre de logements spécifiques (baraquements provisoires et cités de relogement) est à mettre en regard de celle des problèmes qui en sont à l’origine. Les baraquements provisoires du MRU ont été édifiés pour faire face à la pénurie, offrir un abri temporaire à des populations déplacées du fait des destructions de guerres ou de démolitions commandées par l’insalubrité et le péril.

La concentration démographique dans la ville centre y concentre l’essentiel de ces problèmes et l’observation de la domiciliation antérieure et des caractéristiques sociales des occupants de ces baraquements dessine un transfert centrifuge de populations défavorisées dont on ne sait si les limites tiennent à l’offre elle-même ou à une résistance à cette mobilité forcée. L’absence d’alternative pour la plupart des ménages et le contexte de pénurie généralisée tendent cependant à relativiser toute forme de résistance non-accompagnée de propositions réelles. Or celles-ci sont principalement le fait des pouvoirs publics et de leurs institutions satellites dont émanent l’offre de baraquements provisoires et de chalets en cités de relogement. Les raisons véritables à l’origine de ces dernières ne sont d’ailleurs pas occultées dans les présentations que le PACT a pu en faire : permettre de reloger des populations occupant des maisons ’qui doivent être démolies pour libérer des terrains où l’on doit faire des choses neuves et plus importantes, qui seront plus rentables et permettront de loger plus de monde’121.

L’idée d’édifier une véritable ceinture de cités autour de Lyon est symptomatique de la subordination de cette offre aux problématiques du développement urbain et du réaménagement de la ville.

S’il y a besoin d’une ceinture entière de ce genre de cités, c’est que les besoins en relogement à prévoir du fait de la régénération de la ville sont immenses. Et comme l’on sait que ces déplacements ne sont presque jamais suivis de retour, cette ceinture apparaît comme une ceinture-réserve, recueillant ceux dont la ville ne veut plus en attendant de trouver une solution ailleurs, sûrement un peu plus loin.

Si l’impact de ces relégations peut paraître relativement faible sur la zone restructurée (centre ville par exemple), il n’en est pas de même sur le territoire d’accueil des populations déplacées, principalement du fait des phénomènes de représentation et d’image directement perceptibles mais aussi du fait de la mise en place d’un ’précédent’ qui trace en quelque sorte une voie (y compris au sens physique du terme) de relégation que d’autres opérations pourront emprunter ou reproduire ailleurs.

L’impact de cette production, en général modeste, sur le territoire ’d’accueil’ est généralement relativement faible car elle s’inscrit dans une structure socio-spatiale existante qui en assure avec plus ou moins de réussite une certaine unité et continuité. Ce sont en effet ses caractéristiques de départ qui conditionnent les évolutions ultérieures dans le sens du maintien, d’une revalorisation ou d’un déclassement par rapport aux espaces environnants. A moins que le changement ne se fasse dans le sens d’une amélioration, l’interaction entre le nouveau logement spécifique et son environnement va se réduire à une tension permanente visant à conserver au moins le statu quo et éviter toute dégradation autant de l’image que de la réalité de cet environnement. Si ce dernier n’arrive pas à circonscrire, à digérer ou à reléguer cet habitat spécifique, celui-ci peut au contraire y exercer une influence avec des effets négatifs très rapidement cumulatifs, assimilant à terme le reste à ses propres caractéristiques. Dans le cas où cet environnement ne serait porteur d’aucun enjeu politique ou socio-économique, la présence et même la prégnance du logement spécifique suscitera au plus l’indifférence des acteurs publics.

L’implantation de ces logements spécifiques est donc un marqueur ségrégatif fort qui ne bouleverse cependant pas le paysage local quant à la répartition générale des populations. L’échelle d’intervention y étant relativement circonscrite, les véritables enjeux de ces transformations pourraient mieux s’appréhender dans une analyse plus fine des contextes de proximité, par exemple à l’échelle du quartier. Mais l’absence de données à cette échelle oblige à se contenter d’esquisser une approche au niveau global de l’agglomération. Celle-ci est en réalité le niveau pertinent d’appréciation de ces phénomènes car la tendance séculaire d’affinage du centre des centres urbains qui y est à l’oeuvre se construit et se nourrit aussi de ces avatars de l’offre publique de logements urbains.

Notes
121.

H.-P. Martin, op. cit.