Chapitre II : LE DEVELOPPEMENT DE LA CONSTRUCTION IMMOBILIERE ET LA PRODUCTION INSTITUTIONNELLE DE LOGEMENTS SPECIFIQUES (1955-1975)

Section I : Les enjeux de la construction sociale dans l’agglomération lyonnaise

De la fin de la guerre au milieu des années 1950 s’écoule ainsi une période que R-H. Guerrand a qualifié de décennie de bricolage. Alors que dès le début des années 1950, la plupart des secteurs de l’économie reprennent un semblant d’autonomie, le logement, encore englué dans sa crise, reste tout entier et plus que jamais du ressort des pouvoirs publics.

Les différentes mesures prises jusque là dans le cadre de la reconstruction et de la relance de la construction ont suscité de gros espoirs vite déçus par une application limitée et discrétionnaire, loin de répondre aux réalités locales. A la fin de cette période, on peut constater une baisse progressive de la reconstruction des bâtiments endommagés, l’essoufflement de la vague des constructions provisoires et l’arrêt progressif de la récupération de bâtiments existants par le MRU, tandis que les mesures de relance tardent à porter leurs fruits : seulement 21 275 logements sont terminés dans le département du Rhône entre 1945 et 1956 alors que les besoins sont restés importants.

Tableau 9 : Nombre de logements terminés par secteurs de la construction dans le Rhône (1945-1956)
Reconstruction HLM
Location Accession
Logements primés (dont Logécos) Logements non-primés Total
3 210 4 489 687 8 874 (1844) 4015 21 275
15% 21.1% 3.2% 41.7% (8.7%) 19% 100%
Source : Annuaire rétrospectif de la France. Séries longues 1948-1988, Insee, 1990

A ce décalage se rajoute le fait qu’une ’part importante des réalisations concerne des appartements de «type intermédiaire» ou des appartements «à loyers moyens», c’est-à-dire des logements qui, en fait, visent les couches sociales moyennes et non la population ouvrière, compte tenu de leur niveau de loyer’127. Le financement majoritairement privé de la construction place en effet presque toute l’offre locative en dehors de la législation HLM.

Quant à l’effort financier public, il ne va commencer à produire ses effets qu’à partir du milieu des années 1950 et l’entrée dans une nouvelle phase des politiques publiques du logement. La nécessité de développer une offre immobilière importante pour faire face aux besoins de la croissance démographique des villes devient un impératif porté conjointement par les pouvoirs publics et les édiles locaux. Les préoccupations de ces derniers sur les questions de logement rencontrent celles des pouvoirs publics cherchant à mettre en place et à structurer un véritable marché immobilier. Alors que d’une manière générale, les rapports entre ces deux entités sont relativement formels quant à l’orientation et à la mise en oeuvre des décisions locales d’aménagement, le consensus sur la nécessité d’un effort de relance de la construction va avoir une incidence directe et réelle. Il s’agit en effet pour les édiles locaux de faire face à l’urbanisation croissante et à l’accroissement démographique, et pour les pouvoirs publics de pourvoir au logement de la population en général mais plus incidemment des masses de main d’oeuvre participant au redressement économique du pays.

Les mesures générales prises à cet effet apparaissent comme un véritable catalogue d’instruments financiers et d’outils réglementaires dont les différents acteurs des secteurs du bâtiment, de la construction ainsi que les collectivités locales vont se saisir pour relancer la production immobilière.

Notes
127.

J-P. Flamand, 1989, p.250