III- L’état général du parc immobilier lyonnais après deux décennies de croissance

Les trente glorieuses ont en effet vu des mesures publiques nombreuses soutenir le développement et l’industrialisation du bâtiment, dynamiser le secteur privé et structurer la construction sociale. Il reste cependant à savoir dans quelle mesure ces interventions se sont traduites dans les faits, aussi bien dans les niveaux atteints par le rythme de la construction que dans la nature et les caractéristiques des réponses apportées aux besoins locaux.

Les progrès réalisés pendant toute cette période se traduisent dans des évolutions que l’on peut observer à travers quelques-unes des caractéristiques fondamentales (structure, typologie, équipement de confort, peuplement...) du parc immobilier.

De la même façon, l’offre résidentielle est le support de différenciations sociales dont la territorialisation doit par conséquent être interrogée sur la base de l’observation des caractéristiques de cette offre elle-même. Il s’agit là d’appréhender certaines des composantes des dynamiques sociales à travers les caractéristiques du parc immobilier local.

Les 55 communes qui constituent l’agglomération lyonnaise135 ont connu depuis 1962 une croissance démographique globale de 26,2% alors que le nombre de résidences principales augmentait dans une proportion légèrement supérieure de 30%. Relevant pour une part importante du solde migratoire jusqu’en 1968 et par la suite surtout du croit naturel, la croissance démographique traduit une expansion urbaine de l’ordre de 2% par an sur l’ensemble de la période.

L’observation dans le temps de celle-ci indique toutefois un ralentissement sur la dernière période intercensitaire du fait d’un solde migratoire plus faible et d’une croissance naturelle plutôt stable. Quant au parc résidentiel, son accroissement a été nourri essentiellement des résultats des politiques de construction des grands ensembles et des ZUP dont l’agglomération lyonnaise a été un des terrains de prédilection.

Sur l’ensemble du parc de logements de l’agglomération, les résidences secondaires représentent en 1975 un peu moins de 2%, largement en dessous du niveau national (8%) tandis que la vacance s’élève à 6,6%, un point en dessous de la vacance nationale (7,7%). Ces niveaux traduisent les tensions caractéristiques des marchés du logement des grandes agglomérations urbaines.

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Figure n°9 : Evolution démographique et résidentielle de l’agglomération lyonnaise

Cette vision d’ensemble recouvre des disparités spatiales importantes qui témoignent des orientations fondamentales prises par l’expansion urbaine lyonnaise. L’évolution parallèle de la population et du parc n’est pas une réalité pour toutes les communes et certaines évolutions particulières se révèlent beaucoup plus contrastées.

Lyon, commune centrale de l’agglomération, subit depuis 1962 une érosion qui s’est accentuée dans la deuxième période intercensitaire et qui lui a fait perdre sur ces 13 ans 14,8% de sa population. Contrairement à cette évolution de la population, son parc de résidences principales présente une stabilité étonnante en valeur absolue entre 1962 et 1975. Elle concentre de ce fait toujours plus de logements (un peu plus de 47% du total des résidences principales) que sa proportion dans la population de l’agglomération (près de 41% de la population). Il en découle une prégnance telle que ses évolutions particulières affectent et orientent pour une large part l’évolution globale de l’agglomération.

En dehors de Lyon, seule la commune d’Albigny-sur-Saône se signale par une perte nette de population (-7,7%) sur la même période. A l’inverse, les communes de l’est ont largement accueilli l’expansion de l’agglomération. De Rillieux à Feyzin, un ensemble de communes formant un arc présente des taux de croissance allant de 120 à 363%, confirmant la direction orientale du développement de l’agglomération. Cette forte croissance est à mettre d’une part en regard de la décroissance de Lyon que l’on peut partiellement interpréter en termes de transfert de populations, et d’autre part en regard de la structure démographique de ces communes (populations migrantes, souvent plus jeunes, avec des taux de fécondité élevés).

Entre la ville centre qui se dépeuple (entraînant dans sa récession une partie de sa première couronne et la plupart des communes du nord) et la banlieue est qui explose, il y a tout un ensemble de communes de l’ouest et du sud qui arrivent à maintenir leur population voire à accroître leur participation à la croissance globale de l’agglomération.

Le parc immobilier est l’un des principaux vecteurs de cette évolution. Il en est d’une certaine manière un reflet, mais peut également représenter une contrainte voire une entrave. L’analyse du parc de résidences principales permet de faire le parallèle avec l’évolution démographique et d’en expliciter certaines caractéristiques. Si le lien pressenti entre ces deux ordres de phénomènes est bien réel dans ses grandes lignes, il n’en reste pas moins que des décalages subsistent, qui relèvent autant des conditions globales de répartition de la production immobilière que des caractéristiques particulières des situations locales.

C’est ainsi que l’ancienneté du parc, son occupation, son niveau de confort...sont des éléments qui permettent d’apprécier, au-delà du simple rapprochement quantitatif entre population et logements, la réalité des conditions de logement des ménages.

Si dans l’observation du parc lyonnais de 1954 on avait constaté une stagnation des conditions de logement par rapport à l’immédiat après-guerre, on peut annoncer pour le parc de 1975, résultant de deux décennies de progrès de l’industrie du bâtiment et plus globalement de progrès socio-économiques, des améliorations fondamentales qui, sans en finir pour autant avec le mal logement et les sans-logis, n’en ont pas moins considérablement et définitivement changé le rapport des français à leur habitat.

L’un des premiers signes de ce changement réside dans le fait que cette période faste pour le bâtiment qui vient de s’écouler rajeunit le paysage résidentiel tout entier. L’état d’insalubrité de l’habitat reste en effet globalement rattaché à son âge, jusque dans la deuxième moitié des années 70 et la mise en place d’une politique de l’habitat ancien136 qui brouillera les cartes et dissociera âge et insalubrité par un important effort de réhabilitation.

Jusque là donc, les communes d’ancienne urbanisation qui auront tendance à présenter une plus forte proportion de logements anciens, seront donc logiquement plus susceptibles de concentrer les fractions les plus vétustes du parc. Par ailleurs, l’augmentation généralement constatée de la taille moyenne des logements laisse supposer une plus forte proportion de petits logements dans ces communes, renforçant ainsi, par la plus grande insalubrité de ces derniers par rapport aux grands logements, la présomption de médiocrité de la qualité de leurs parcs.

Ces liaisons complexes entre taille, ancienneté et vétusté et leur répartition dans l’espace urbain peuvent être appréhendées dans un même mouvement grâce à l’analyse factorielle.

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Graphique n°4 : Typologie et ancienneté du parc de résidences principales de l’agglomération lyonnaise en 1975

Les deux premiers axes représentés résument la quasi-totalité de la dispersion des variables concernant la taille et l’ancienneté des résidences principales des 55 communes de la COURLY.

Le premier axe (facteur 1) oppose la banlieue est (Rillieux, Vaulx-en-Velin, Saint-Priest, Meyzieu, Vénissieux, Bron...) aux Monts d’Or lyonnais (Collonges, Curis, Saint-Romain, Saint-Cyr, Saint-Didier, Cailloux, Rochetaillée...). Cette opposition quant aux caractéristiques de typologie et d’ancienneté des parcs cristallise un certain nombre de faits de l’histoire urbaine locale.

L’expansion urbaine s’est en effet portée principalement sur la partie orientale de l’agglomération qui a ainsi accueilli non seulement la majeure partie de l’apport migratoire externe mais aussi les transferts de populations du centre. La période qui a suivi la reconstruction a été le théâtre principal de cette expansion orientale, accompagnée et facilitée par l’édification d’un parc conséquent pour absorber cet afflux massif. Cette partie de l’agglomération est ainsi caractérisée par un parc récent, édifié depuis 1962 mais développé surtout depuis 1968. Il s’oppose ici au parc très ancien (construit principalement avant la première guerre mondiale) des communes des Monts d’Or, qui caractérise généralement les territoires d’ancienne occupation sinon d’ancienne urbanisation, si l’on songe par exemple au cas de la ville de Lyon. Cette caractéristique est également révélatrice, notamment dans le cas des petites communes, de la faiblesse de l’activité de construction et donc d’un rythme de renouvellement de leur parc très faible.

Par ailleurs, le développement de la croissance urbaine vers l’est ainsi que des caractéristiques locales relatives à la propriété foncière, à l’accessibilité ou encore à la localisation des lieux de l’emploi industriel (principal moteur de l’expansion urbaine)... participent également de cette ’inertie’ du parc septentrional.

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Figure n°10 : Ancienneté du parc de résidences principales en 1975

Les liaisons banlieue est-parc récent d’un côté, banlieue nord-parc ancien de l’autre sont complétées par les oppositions liant ancienneté et typologie des logements construits. Ainsi sur le même axe, il est synthétiquement affiché la corrélation globale entre les communes orientales en forte expansion, un parc de développement récent et des logements de 4 ou 5 pièces d’un côté et de l’autre, les communes du nord de l’agglomération, un parc de petits logements d’une ou de deux pièces essentiellement édifié avant la première guerre mondiale.

Au-delà de la tendance historique d’augmentation généralement constatée de la taille des logements que l’on peut y lire, ces liaisons en disent aussi beaucoup sur le moment du développement interne des communes et sur leur rôle et place dans l’expansion de l’agglomération. C’est ainsi que la présence de petits logements et l’ancienneté du parc de la partie centrale de l’agglomération dénotent non seulement la faiblesse de ses réserves foncières constructibles et sa forte densité mais rappellent également la précocité des aménagements et opérations de rénovation qui ont doté la ville de Lyon de son visage quasi-définitif dès la fin du 19ème siècle (cf. les travaux du Préfet Vaïsse). Les opérations intervenues depuis apparaissent mineures (sauf opérations exceptionnelles, comme le quartier des Etats-Unis édifié entre-deux-guerres ou quelques grands ensembles d’après-guerre) face à une inertie générale.

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Figure n°11 : Typologie du parc de résidences principales en 1975

La polarisation sous-jacente ressort plus nettement face aux données globales de l’agglomération. Les typologies extrêmes sont en effet d’autant plus discriminantes que le parc global est dominé par des logements moyens (3 et 4 pièces) qui en représentent plus de 51%. Dans le même ordre de grandeur, les logements récemment construits constituent plus de 53% du parc.

Le deuxième axe apporte relativement peu d’informations supplémentaires et fait principalement ressortir la particularité de la première couronne de Lyon (Villeurbanne, Bron, Oullins, La Mulatière, Caluire, Saint-Fons) qui, bien qu’opposée au nord, se distingue de l’est par la présence de petits logements et d’un parc d’entre-deux-guerres voire d’immédiat après-guerre.

Ces relations semblent synthétiser les caractéristiques d’une réponse particulière, dans une période de crise aiguë du logement où les réponses ont été plus volontiers vers l’offre pragmatique de petits logements que vers la réalité des besoins. Quelques grandes opérations comme la construction des Gratte-Ciel à Villeurbanne ou des reconstructions d’après-guerre dans ces communes, généralement victimes de destructions de guerre, témoignent des efforts qui y ont été réalisés pour accueillir les premiers éléments du desserrement lyonnais.

Les efforts d’équipement et d’amélioration du parc depuis la reconstruction ont fini par porter leurs fruits. Alors que seulement quelques segments privilégiés en bénéficiaient, le ’tout confort’137 est désormais la réalité pour 55% des logements du parc. Les retards d’équipement ont été comblés dans presque tous les domaines puisque l’agglomération lyonnaise se situe au-dessus des niveaux nationaux aussi bien en ce qui concerne la présence de W.-C. intérieurs (85% contre 73,8%) que d’installations sanitaires (76,4% contre 70,3%), l’équipement en chauffage central (58%) étant juste dans la moyenne nationale (58,1%).

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Figure n°12 : Equipement de confort des résidences principales en 1975

Ces évolutions sur le plan de l’équipement s’inscrivent dans le mouvement général d’amélioration qui touche également la typologie des logements. La tendance à la construction de plus grands logements se traduit par une amélioration des conditions d’occupation et une baisse des indicateurs de surpeuplement. Ainsi l’indice synthétique donnant le nombre moyen de personnes/pièces est presque toujours inférieur à 1. Seules les communes de Vénissieux (1personne par pièce) et de Vaulx-en-Velin (1,03 personnes par pièce) accusent une certaine pression, révélatrice d’une structure des ménages particulière.

Cet indicateur reste cependant une moyenne et ne préjuge pas de la réalité des situations de surpeuplement. Des cas de surpeuplement aussi bien modéré qu’accentué sont encore observés dans l’agglomération lyonnaise mais dans des proportions beaucoup plus faibles qu’en 1954. Mais on peut toujours s’étonner d’y constater, après deux décennies de construction et la fin annoncée de la crise du logement, que 27% des résidences principales sont en surpeuplement dont 5% en surpeuplement accentué.

Les principales communes touchées sont là encore celles du nord ainsi que le centre, élargi à sa première couronne est et sud. Le surpeuplement accentué est généralement corrélé avec les petits logements. La forte présence de ces petits logements dans un parc est donc un élément explicatif de cette situation. Le centre de l’agglomération et le nord, dont les parcs sont ainsi caractérisés (cf. supra), présentent effectivement les plus fortes concentrations de situations de surpeuplement critique. Indépendamment d’une faiblesse de l’activité de construction dans ces territoires, le phénomène de surpeuplement rend compte de la conjugaison d’une faible adéquation de l’offre aux besoins avec une pression toujours forte sur le marché immobilier.

La concomitance de situation de surpeuplement plus ou moins accentué et de taux de vacance plus ou moins élevé, dont on ne peut évidemment déduire ni une corrélation ni même envisager a priori un rapprochement, pose néanmoins la question de la régulation des marchés du logement dans les contextes de pression démographique forte.

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Figure n°13 : Vacance et surpeuplement dans le parc de résidences principales(1975)

A l’issue de cette observation de l’évolution du parc lyonnais, le constat global d’une amélioration des conditions de logements est bien établi : le volume du parc de résidences principales a augmenté plus que la pression démographique, son taux d’équipement en éléments de confort est supérieur à la moyenne nationale, l’orientation vers une offre de type ’moyens’ voire ’grands logements’ s’esquisse dès 1962 et s’affirme à partir de 1968, elle porte le considérable mouvement de rajeunissement du parc (plus de 53% des résidences principales ont moins de 25 ans), les taux de résidences secondaires et de logements vacants (indicateurs d’une certaine fluidité du marché) sont à des niveaux relativement corrects.

Mais la territorialisation de la croissance du parc immobilier a amplifié ou provoqué des polarisations dont la principale illustration est l’opposition entre les communes de l’est et de l’ouest de deuxième couronne d’un côté et un centre élargi à sa première couronne et les communes des Monts d’Or de l’autre. Cette polarisation reproduit les différenciations fondamentales entre d’une part un parc de constitution relativement récente, bénéficiant donc de l’ensemble des progrès réalisés dans l’industrie de la construction et des équipements de confort, et composé de logements de taille moyenne voire grande et d’autre part un parc caractérisé par un bâti plutôt ancien, des petits logements et donc une tendance plus forte au surpeuplement et à l’insalubrité.

Ces polarisations se nourrissent des grandes opérations urbaines qui non seulement bouleversent le paysage urbain, mais dans le même temps affectent la composition socio-économique des territoires communaux. Cette situation est bien visible, dans le centre de l’agglomération, le long d’un axe Terreaux-Brotteaux-Villeurbanne où le renouvellement du parc immobilier s’est beaucoup nourri de cette procédure, en complément de quelques opérations sur les derniers rares vides urbains. La rive gauche du Rhône, domaine par excellence de l’insalubrité, connaît les grandes opérations de rénovation du Tonkin à Villeurbanne à La Guillotière, en passant par la Part-Dieu et le quartier Moncey. Dans toute cette zone, bureaux et logements de standing recomposent les profils socio-démographiques en même temps que le paysage urbain.

A l’exception d’une partie du 5ème arrondissement (les quartiers de Saint-Just et de Point du Jour, souffrant de carences en matière d’infrastructures et d’équipement de liaison), Lyon intra-muros est en effet pratiquement entièrement saturée. Dans le Vieux Lyon, complètement densifié et que la loi Malraux a soustrait de justesse aux bulldozers, la restauration et la réhabilitation entraînent avec elles les mêmes effets de gentryfication138.

La banlieue est dans son acception générale (c’est-à-dire pratiquement toutes les communes de la couronne à l’est du Rhône) dispose de réserves foncières considérables qui en font le terrain d’élection des grands projets de construction. Elle accueille avec Rillieux beaucoup des grands ensembles collectifs et des ZUP, occupés très rapidement par une population majoritairement ouvrière et plutôt jeune sans que les équipements d’accompagnement suivent toujours.

Quant à la banlieue ouest et sud de l’agglomération, elle connaît des transformations importantes et quelques grandes opérations immobilières et une croissance démographique soutenue. Les situations, localement contrastées, vont de la dominance ouvrière dans le sud à une forte présence des catégories supérieures dans l’ouest.

D’une manière générale, immeubles de standing et de bureaux remplacent les îlots insalubres et s’accompagnent de transformation du profil socio-démographique dans le sens d’une gentryfication plus ou moins rapide dans les communes anciennement urbanisées tandis que le logement social dans sa version de masse s’installe sur les terrains vides de la banlieue est, principal réceptacle de la croissance démographique.

Au bout de ces vingt ans de croissance immobilière, de transformations, de rénovation et d’amélioration des conditions de logement des lyonnais, la question se pose de savoir si le postulat de la société progressiste dont tous les membres bénéficieraient peu ou prou des retombées de la croissance a tenu ses promesses.

Les progrès impressionnants dans l’industrie du bâtiment et l’intervention massive des pouvoirs publics durant les trente glorieuses n’ont malheureusement pas permis de venir à bout de la misère résidentielle. Le constat de l’amélioration du parc est en effet à nuancer car si ce dernier s’est effectivement largement accru et s’il est admis en 1975 que la crise du logement, du moins sur le plan quantitatif, est pratiquement résolue, il apparaît que l’accès au logement n’est pas une réalité pour tous et notamment pour les plus pauvres.

Une simple observation des modalités de la construction dans les années 1960 et 1970 montre un décalage important par rapport aux besoins estimés. La priorité reconnue, dans les estimations des besoins à la fin des années 1950, à la construction de logements ’modestes’ et ’très modestes’, de taille moyenne et grande (3 à 5 pièces) s’est peu réalisée. D’autres segments du parc ont été mieux aidés.

Le Plan Courant dont les résultats ont permis le décollage de la production immobilière grâce notamment aux Logécos, a en fait surtout permis à une large part des couches moyennes d’accéder à la propriété de leur résidence principale même si le parc ainsi produit l’a été sous des contraintes telles (abaissement des normes de surface, ’déshabillage des programmes, pour tenir les prix plafond) qu’il se retrouve dès le départ avec une qualité globale médiocre et de nombreuses malfaçons.

Si les pouvoirs publics affichent volontiers les objectifs de portée générale des politiques initiées, dans la réalité, les solutions s’adressent en effet surtout à la classe moyenne en développement ; tandis que les couches supérieures trouvent dans la construction privée les réponses adéquates. La mission de la construction sociale, principal instrument de cette action politique, n’a en réalité jamais été de loger les plus pauvres, mais plus simplement d’accompagner les classes populaires dans leurs parcours résidentiels. Et cela, à partir du moment où ces couches ’supérieures’ cesseront d’être en prise avec les aspects les plus immédiats de la crise.

Ce sont là autant d’aides publiques directes et indirectes à la construction qui auraient pu alimenter la production d’une offre réellement accessible aux populations démunies. Ces dernières, qui n’ont guère profité de l’offre massive ni même de l’amélioration générale des conditions de logement durant les deux décennies écoulées, vont cependant ’bénéficier’, dans le cadre des outils de relance de la construction en général et de la construction sociale en particulier, de mesures et d’instruments de gestion spécifiques. C’est ainsi que les pouvoirs publics vont développer des pratiques (sinon une politique) spécifiques et donner lieu à la mise en place d’un ersatz d’offre immobilière plus ou moins bien structurée, destinée à ces populations que le parc ’normal’ ne peut accueillir.

Notes
135.

L’analyse portant ici sur l’évolution du parc immobilier de l’agglomération lyonnaise (au sens de la Communauté urbaine de Lyon, instance territoriale et politique de référence dans cette analyse), il est évident que l’on ne peut la mener en référence à l’agglomération dans sa définition de 1954. Aussi est-il apparu plus judicieux de prendre comme point de départ de cette observation la référence censitaire de 1962, en y conservant de manière rétrospective les mêmes limites territoriales.

136.

préparée notamment par les recommandations du rapport Nora-Eveno.

137.

Présence simultanée d’installations sanitaires (baignoire ou douche), de W.-C. à l’intérieur du logement et du chauffage central.

138.

cf. J-Y. Authier, , op. cit., 1995.