Conclusion : Les marquages territoriaux comme matrice des trajectoires socio-résidentielles

Si l’ensemble de la production de logements spécifiques apparaît comme une réponse aux nécessités de la rénovation urbaine de reloger les populations, le caractère philanthropique de ces logements si souvent mis en avant laisse poindre leur véritable nature, celle d’un instrument d’aménagement de la ville dont la mobilisation est à chaque fois le résultat d’un compromis entre les impératifs du développement urbain et les enjeux socio-politiques de la gestion des populations spécifiques.

En effet, les pouvoirs publics appréhendent désormais le logement des populations démunies non pas en soi mais dans la problématique de la lutte contre l’habitat insalubre et le développement urbain qui est la leur et proposent, au cas par cas, des solutions particulières. La problématique de ce logement spécifique émerge donc des réflexions et propositions entreprises dans ce cadre qui sont, à la différence du traitement subjectiviste et expérimental jusque-là réservé à ces populations, fondées sur l’analyse et l’estimation des besoins réels. La réponse des pouvoirs publics s’est traduite dans une panoplie d’outils réglementaires qui, inscrits dans la législation générale du logement social ou à sa marge, se sont révélés plus ou moins discriminants dans leurs effets.

La mise en oeuvre des mesures en faveur de ces populations a eu pour principal résultat de proposer des formes institutionnelles de logement qui reproduisent le même schéma de précarité que les formes traditionnelles, en y rajoutant de fait une plus forte visibilisation sociale, politique et institutionnelle par une inscription explicite dans la logique de division sociale de l’espace urbain.

A l’intérieur de la politique globale du logement, ce volet logement spécifique reste difficile voire impossible à quantifier. Quantitativement peu important, il ne résume pas la totalité de la situation des populations qui trouvent également et même principalement dans les segments les plus dévalorisés du parc un mode d’accès au logement à leur portée. En apportant de manière ponctuelle et à petite échelle un mode d’accueil des populations évincées, l’offre ainsi développée a constitué, par sa diversité même, une soupape autant qu’un moyen de relogement, jouant ainsi un rôle important dans la conduite des opérations de développement urbain notamment en lien avec la procédure de rénovation. A ce titre, elle subsume la posture sinon le projet des pouvoirs publics locaux lorsque ceux-ci ont été mis en demeure de répondre à cette exigence particulière de traiter le problème du logement des plus démunis. Malgré cette injonction, la posture des pouvoirs publics n’a pas été réellement formalisée dans une politique substantielle et ne transparaît véritablement qu’en négatif de leur activisme à rénover et à remodeler l’image d’un territoire dont les populations démunies restent le mistigri.