Chapitre III : LA REFORME DU LOGEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DE L’ACCES AU PARC SOCIAL BANAL. CHANGEMENTS ET RESISTANCES 1975-1990

Section I : Entre marché et régulation, la construction sociale à l’épreuve de la réforme du financement du logement

La période des trente glorieuses, qui a permis à la production immobilière d’atteindre des niveaux historiques et de mettre ainsi un terme à la crise quantitative du logement, s’achève vers le milieu des années 1970. Le parc global s’est accru aussi bien en quantité qu’en qualité, en parallèle d’une forte croissance démographique des villes. Elle a permis par ailleurs d’initier le développement d’un secteur spécifique en direction des populations démunies qui devait permettre le transit de ces populations vers le parc banal par le jeu de la dynamique de promotion socio-résidentielle portée par une croissance forte et durable.

Cependant, dès le début des années 1970, de nouveaux dysfonctionnements sont dénoncés, relatifs d’une part à la qualité de la production urbaine et de l’autre à l’efficacité de l’aide publique provoquant des réactions nombreuses dans un contexte de déplacement des préoccupations des pouvoirs publics. En effet, non seulement la fin de la crise autorise de porter l’effort public sur d’autres secteurs désormais plus prioritaires que le logement, mais c’est l’enjeu même de la politique du logement qui change de nature et se pose désormais en termes de qualité et non plus de quantité.

Les problèmes de fonctionnement des grands ensembles résidentiels donnent la matière première d’une remise en cause de cette forme d’urbanisation jusque là prônée avec vigueur comme le meilleur moyen de venir à bout de la crise du logement et qui y a largement contribué dans le contexte national français.

En 1973 une circulaire du MATELT relative aux formes d’urbanisation dites ’grands ensembles’ et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat dite ’circulaire Guichard’ inaugure dans les textes ce retournement de posture qui va amener, dans ses formes les plus extrêmes, à supputer une propriété pathogène des formes urbaines incriminées. La tournure générale dans la circulaire est cependant de nature plutôt préventive.

En particulier deux objectifs principaux devront guider la réflexion et l’action à savoir : ’empêcher la réalisation des formes d’urbanisation désignées généralement sous le nom de «grands ensembles», peu conformes aux aspirations des habitants et sans justification économique sérieuse’ et ’lutter contre les tendances à la ségrégation qu’entraîne la répartition des diverses catégories de logements entre les communes des agglomérations urbaines’164.

Diversification des catégories de logements sur un même site, participation des habitants à la gestion de leur cadre de vie, diversification de l’architecture et mixité des fonctions urbaines...doivent aider à prévenir les déséquilibres dans les programmes de construction à venir. Les réflexions et critiques de cette forme d’urbanisation largement développée au cours des deux décennies écoulées qui ont commencé dans la seconde moitié des années 1960 vont donc trouver dans la circulaire Guichard une traduction politique et une résonance plus officielle.

Si les objectifs quantitatifs de production ont été atteints, il s’agit désormais de veiller à la qualité de l’habitat et de l’urbanisme. C’est dans la mouvance de ce constat que s’inscrit un ensemble de réflexions aboutissant à la réforme de 1977 qui va constituer la matrice essentielle du soutien public et plus généralement de l’intervention des pouvoirs publics jusque dans les années 1990165. La troisième phase de notre périodisation des politiques du logement présente ainsi la singularité d’être dominée par cette mesure principale même si des aménagements partiels viendront en compléter et en rappeler les objectifs premiers.

Notes
164.

Circulaire du 21 mars 1973 relative aux formes d’urbanisation dites ’grands ensembles’ et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat, JO. du 05 avril 1973, p.3864

165.

La réforme ne concernant que l’aide publique, le secteur privé ne fait l’objet d’aucune modification substantielle.