I- Les mesures générales de la politique du logement : la réforme de 1977 et ses aménagements

Le débat sur l’efficacité des aides publiques au logement est réamorcé en 1970 avec la publication du rapport Consigny, réalisé dans le cadre des travaux préparatoires du VIème Plan, qui pointe les insuffisances et les incohérences des interventions publiques en matière d’aide au logement. Non seulement la mission sociale des HLM est critiquée (parce que partiellement et inefficacement remplie) mais c’est l’ensemble des aides de l’Etat au secteur qui font l’objet de propositions tendant à accentuer leur caractère social : si l’Etat doit se désengager du financement du logement au profit du secteur privé, il doit concentrer ses efforts sur le revers de cette politique à savoir la solvabilisation de ceux qui ne peuvent se porter sur le marché libre. Ce rapport, qui soulève la plupart des questions qui vont agiter la sphère de la politique du logement dans les deux décennies à venir, est à l’origine de toutes les réflexions qui aboutiront à la réforme de 1977.

Les principaux acteurs engagés dans le débat vont, à partir d’une vision commune des constats dégagés et de la nécessité d’une réforme dans la perspective du rapport Consigny, réagir sous forme de propositions différenciées avec une distinction entre ceux qui sont favorables à une primauté de l’aide à la personne et ceux qui souhaitent un maintien de l’aide à la pierre à côté d’une aide à la personne plus ou moins renforcée.

En effet, l’impasse dans laquelle se retrouvent les pouvoirs publics présente l’alternative suivante : reformer le marché et donc jouer sur l’offre ou solvabiliser la demande désolvabilisée pour l’amener au niveau du marché. La première alternative revient à remettre en cause, par la réactivation d’un système de financement public, tout le processus de désengagement et de transfert au marché de ses prérogatives en la matière.

Dans le climat de libéralisation explicite, c’est naturellement la seconde qui a été privilégiée, d’autant plus que l’ensemble des observations tend à confirmer le maintien des tendances économiques positives. Ce sera le propos de la réforme de 1977 qui apparaît ainsi comme ’l’aboutissement réglementaire de l’évolution de la politique menée depuis 1965 et la consécration dans les textes du libéralisme prôné en matière d’habitat’166.

Le livre blanc de l’UNFOHLM : L’institution HLM réagit à travers un Livre Blanc167 dont la teneur oscille entre critique des modes de produire antérieurs (l’urbanisation a aggravé l’inégalité sociale), dénonciation des effets pervers du système de financement (caractère ségrégatif de l’aide à la pierre et inefficacité sociale : la France pauvre demeure mal logée malgré 25 ans de politique de logement social) et propositions pour une politique sociale de l’habitat (nécessité de maintenir voire de relancer la construction sociale par l’aide à la pierre, meilleur usage des aides personnelles).

Le rapport Barre : La commission d’étude d’une réforme du financement du logement instituée en janvier 1975 avait pour mission d’accroître l’efficacité économique et sociale des aides de l’Etat, de simplifier et d’assouplir les circuits et procédures de financements, de moderniser et décloisonner les structures de production et de gestion aussi bien de la construction neuve que du logement existant. Le rapport publié à la fin de l’année et plus connu sous le nom de rapport Barre, du nom du président de ladite commission, prône globalement le retour au marché et plus précisément fixe les objectifs de la réforme que la commission est chargée d’élaborer : assurer aux ménages une plus grande liberté de choix entre les différents statuts d’occupation et les différentes catégories de logements dans un marché jusque là cloisonné par les modalités de financement, réduire les inégalités devant le logement, développer l’accession à la propriété, réhabiliter le patrimoine existant.

Pour parvenir à un marché du logement unifié, l’aide à la pierre responsable de la segmentation de l’offre doit être supprimée et remplacée par une aide à la personne qui doit permettre de solvabiliser les ménages les plus modestes. Il est toutefois prévu pour le secteur locatif social la mise en place d’un prêt locatif aidé (le PLA) finançant, sans distinction catégorielle mais avec un prix de référence indicatif, les constructions des organismes à vocation sociale. Le reste de la construction immobilière (locatif privé, accession privée et sociale) relèvera dans son financement du prêt immobilier conventionné (PC) qui ne doit bénéficier d’aucune aide directe (à la pierre), les accédants pouvant bénéficier sous conditions de ressources de l’aide à la personne.

L’heure étant à la recherche de marges de manoeuvre dans une situation de crise passagère, l’ensemble du dispositif est conçu dans la perspective de maintenir voire de réduire les dépenses publiques en matière de logement par un meilleur usage des ressources disponibles, d’autant que la question de la pénurie est enfin réglée.

Le rapport Nora-Eveno : Quant au logement existant, il fera l’objet de l’étude de la commission sur l’amélioration de l’habitat présidée par Nora et Eveno dont l’objectif était de définir une politique de l’habitat ancien à partir d’un diagnostic de son état actuel. Leur rapport sera publié en même temps que celui de la commission Barre sur la réforme du financement du logement dont il apparaît comme le volet spécifique portant sur l’habitat ancien.

Partant d’un bilan accablant de la situation du logement ancien (diversité, inconfort lié à la vétusté, occupation très sociale mais exclue du bénéfice de l’allocation logement du fait des normes minimales d’habitabilité exigées...) alors que son importance quantitative le place au coeur de la régulation des marchés du logement, les auteurs proposent d’agir sur les modes d’intervention jusque là adoptés en matière de politique du logement tant en termes d’interventions (dans le but de donner aux divers intervenants dans les processus de réhabilitation des moyens et un cadre de référence cohérent) que de financements (catalyser les engagements de travaux tout en gardant la vocation sociale des logements c’est-à-dire en y maintenant les populations présentes).

D’une manière générale, le rapport Nora-Eveno s’aligne sur les propositions du rapport Barre dans le cadre d’un système cohérent où les aides à l’amélioration de l’existant s’inscriraient dans le cadre plus général de la réforme des aides au logement.

La fin des trente glorieuses inaugure donc un contexte de remise en cause et de redéfinition des modes d’intervention dans la politique du logement. La ligne directrice des principales prises de positions développées dans ce contexte repose sur la nécessité de finaliser le retrait (commencé depuis longtemps) de l’Etat du financement global du logement et le recentrage de son aide en direction des plus modestes. Tous les travaux de la première moitié des années 1970 (cf. supra) s’inscrivent dans cette perspective et trouveront dans la réforme de 1977 une traduction plus ou moins fidèle de leurs propositions.

La réforme entre dans les faits par la loi n° 77-1 du 03 janvier 1977 portant réforme de l’aide au logement168. Son objet principal est la réorganisation des aides publiques au logement dans le sens d’une substitution de l’aide à la personne à une aide à la pierre dont les coûts sociaux et urbains ont été clairement dénoncés.

Rappelant dans son article premier l’objet de la politique d’aide au logement qu’elle entend promouvoir qui est ’de favoriser la satisfaction des besoins de logement et, en particulier, de faciliter l’accession à la propriété, de promouvoir la qualité de l’habitat, d’améliorer l’habitat existant et d’adapter les dépenses de logement à la situation de famille et aux ressources des occupants, tout en laissant subsister un effort de leur part’, la loi apparaît en réalité comme un cadrage réglementaire d’une réforme engagée par ailleurs et notamment à travers des instruments administratifs et des outils financiers que les travaux préparatoires ainsi que les rapports des différentes commissions d’étude ont déjà mis au point.

Les mesures instituées par cette loi vont dans un premier temps consister à institutionnaliser cette réorientation avec comme expression emblématique l’affirmation du soutien et de la solvabilisation de la demande des ménages modestes par le renforcement des aides à la personne, alors que c’est l’offre de construction qui a été jusque là favorisée par le biais de l’aide à la pierre.

Ce renversement des priorités est l’objet principal de la réforme et va orienter les grands principes de la politique du logement pendant toute la décennie à venir.

Les autres mesures qui la suivront apparaîtront comme des aménagements visant à corriger, à la marge, les effets pervers et les conséquences négatives résultant de la mise en oeuvre des principes de la réforme ou encore tendant à encadrer les modalités nouvelles issues de la pratique des acteurs. L’intervention des pouvoirs publics va ainsi s’articuler principalement autour de cette nouvelle problématique dans une posture de soutien de la demande non-solvable et de maintien des équilibres existants voire de recherche de nouveaux équilibres, d’ailleurs autant du côté du logement proprement dit que des choix budgétaires.

Les principaux instruments mis en place par la réforme procèdent à une simplification et une unification des aides publiques en trois temps :

  • L’article 5 de la loi du 03 janvier 1977 institue une aide personnalisée au logement (APL). Cette disposition est au principe même de la réforme. Tout ménage occupant un logement édifié à l’aide des prêts mis en place par cette dernière est susceptible d’en bénéficier. Reprenant les modalités de l’allocation logement, elle se veut toutefois plus solvabilisatrice que les aides antérieures car l’exigence de qualité attachée aux nouveaux financements ne peut que se traduire dans des hausses de charges. D’où la prise en compte de la structure, des ressources et du taux d’effort des ménages.

  • Le décret du 27 juillet 1977 institue un PLA pour le locatif social et un PAP pour l’accession à la propriété en remplacement des anciens prêts aidés de l’Etat (PSI, PIC, PSR, PLR, HLM ordinaire, HLM accession, ILM et ILN). Moins favorables que ceux qu’ils remplacent, ces nouveaux prêts sont par ailleurs assortis d’exigences de qualité (normes de surface et de confort), de prix (prix de référence) et, pour les logements locatifs, doivent respecter des plafonds de ressources que les bénéficiaires ne peuvent dépasser.

  • Il est également institué (décret du 22 novembre 1977) un prêt conventionné (PC) à vocation générale ne bénéficiant pas d’une aide à la pierre directe mais dont le taux d’intérêt est réglementé. Distribués sans conditions de ressources, ces PC apparaissent comme un mode de soutien du financement privé de la construction, et ont à ce titre vocation à réaliser autour d’eux l’unification d’un système de financement appelé à passer à terme entre les mains du marché.

Les mesures portant sur l’amélioration de l’habitat existant se concrétiseront dans deux procédures d’interventions complémentaires : les OPAH constituent l’instrument privilégié d’intervention dans les quartiers centraux anciens tandis que les grands ensembles de logements sociaux dont les dysfonctionnements ont été mis à jour bénéficieront des opérations HVS.

Il s’agit dans tous les cas de la mise en place d’aides financières en direction des propriétaires occupants, bailleurs privés ou bailleurs sociaux, à travers des mécanismes comme la PAH, la PALULOS ou encore des avantages liés au conventionnement. Sous-tendus par l’idée de la nécessité d’une sauvegarde du patrimoine immobilier dans son ensemble, ces engagements vont connaître une importance considérable à travers le développement des OPAH, des opérations HVS auxquelles succéderont les opérations DSQ.

Ce système d’aide va servir les différentes politiques du logement qui vont se succéder jusque dans les années 1990 même si celles-ci ne s’inscrivent pas vraiment en phase avec les priorités que les tenants de la réforme lui ont assignées et qui sont, dans l’ordre : ‘’maintenir un coût constant, développer progressivement l’accession à la propriété, développer la qualité des constructions nouvelles, réduire les inégalités devant le logement, améliorer l’habitat existant, et enfin maintenir un certain niveau de constructions neuves’169.’

L’évaluation par le CES du dispositif mis en place par la réforme de 1977 permet de voir le degré de réalisation de ces différents objectifs. Mais d’une manière plus générale, les mutations intervenues depuis lors dans le parc immobilier reflètent aussi bien les effets d’une réforme dont on sait qu’elle subsume les avatars des politiques du logement menées jusqu’à la fin des années 1980.

En effet, non seulement le système de financement ’n’a fait l’objet d’aucune loi spécifique comme en 1977’ mais en plus ’les différents éléments mis en place par la réforme du financement du logement de 1977 existent toujours. Ce sont les relations entre ces éléments qui furent modifiés’170. L’observation des évolutions globales du parc entre 1975 et 1990 ne peut donc que se placer dans la perspective d’un ’bilan’ de cette réforme ou apparaître comme telle.

C’est d’ailleurs sous cette forme de bilan de la réforme de 1977, entrepris dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, que se présente le rapport au CES sur l’efficacité des aides publiques au logement. Nous nous en inspirons largement dans les observations qui suivent.

Evolution du parc immobilier entre 1975 et 1990 : Les données globales confirment les tendances antérieures d’amélioration des conditions de logement des français. Les améliorations se déclinent en termes aussi bien quantitatifs que qualitatifs, conformément aux objectifs de la réforme : exigence de qualité des logements neufs et amélioration de l’existant. Mais la mesure la plus immédiate dans une telle perspective est d’abord celle de la quantité. En effet, même si la pénurie n’est plus une préoccupation d’ordre public en 1977, il n’empêche que la nécessité du maintien voire de l’accentuation de l’effort de construction demeure, incarnée notamment (et imparfaitement) par les prévisions de besoins inscrites dans les plans nationaux. La confrontation de ces estimations avec les réalisations montre que malgré une baisse constante des niveaux d’objectifs, les constructions réalisées ne seront jamais à la hauteur, ce qui expliquerait la persistance jusque dans les années 1990 de cette tension, certes atténuée, mais toujours palpable sur les marchés locaux, entre demande et offre de logements.

Tableau 17 : Besoins estimés et niveaux réels de construction du 6ème au 10ème Plan. (en milliers de logements)
Estimation du plan Réalisation Ecart
6ème Plan (1971-75) 510 539 6%
7ème Plan (1976-80) 510 447 -12%
8ème Plan (1981-85) 450 359 -20%
9ème Plan (1984-88) 400 à 450 305 -28%
10ème Plan (1989-92) 380 307 -19%
Source : CES, annexe p203

A côté de la progression quantitative significative du parc global, passant de 21 à 26 millions de logements entre 1975 et 1990, ce sont surtout les conditions de son occupation qui ont profité des avancées imputables (ou non) à la réforme.

Les équipements de confort finissent de se banaliser même si le tout confort reste à atteindre pour encore un quart des logements. Structurellement, la présence encore forte de logements anciens atténue quelque peu la portée de la généralisation des normes de confort pour les constructions neuves. D’autre part, la surface moyenne des logements, qui est aussi un indicateur de confort, a fortement augmenté, passant de 68 m² en 1970 à 85 m² en 1988, en parallèle avec le nombre de pièces par logement tandis que les nombres moyens de personnes par pièce et par logement diminuaient. Ces évolutions se traduisent notamment dans la baisse du nombre de logements en surpeuplement et en particulier en surpeuplement accentué qui se situe autour de 1,6% du parc total171.

Tableau 18 : Evolution des caractéristiques de confort du parc immobilier français (1975-1990)
1975 1982 1990
R. P. 17745
(84,2%)
19589
(82,6%)
21536
(82,1%)
L. vacants 1632
(7,75%)
1853
(7,82%)
1880
(7,18%)
R. S. 1696
(8,05%)
2264
(9,55%)
2402
(9,17%)
Total parc* 21074 23708 26205
Nb pièces/lgt 3,45 3,65 3,8
Nb personnes/lgt 2,88 2,7 2,57
Installations sanitaires
(B ou D)
12466
(70,3%)
15596
(84,7%)
20125
(93,4%)
W.-C. intérieurs 13101
(73,8%)
16643
(85%)
20145
(93,5%)
Confort 11560
(65,1%)
15624
(79,8%)
19550
(90,8%)
Chauffage central 9428
(53,1%)
13218
(67,5%)
16998
(78,9%)
Tout confort 8465
(47,7%)
12262
(62,6%)
16279
(75,6%)
Source : Insee, RGP, in CES, Rapport Niol, p49-83-84
(* : nombre de logements en milliers)
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Graphique n°5 : Peuplement du parc de résidences principales selon les enquêtes-logement

Source : CES (1994), Rapport de synthèse de M. Mouillart, p82-83

La généralisation de meilleures conditions de logement pour la majorité ne signifie pas pour tous l’accès à un logement décent et confortable. La situation des populations défavorisées, dont l’accès au logement était inscrit dans les objectifs de la réforme, n’a pas suivi le mouvement général et même si les indicateurs statistiques ne sont pas explicites sur ces situations, les estimations générales et la lecture en creux des résultats des différentes enquêtes-logement et des recensements dit assez la persistance voire l’aggravation de situations de précarité face au logement.

Tableau 19 Régression de l’inconfort dans le logement et part de ménages mal logés (en % du parc et des ménages)
Enq-L. 1978 Enq-L. 1984 Enq-L. 1988
Logements très inconfortables 26,9 15,1 9,5
Logements inconfortables 43,6 30,4 24,9
Ménages en surpeuplement accentué 3,2 1,8 1,5
Ménages mal logés 36 16,2 10,6
Source : CES, Rapport de synthèse du Pr. Mouillart, p.81

Des mesures spécifiques ont pourtant accompagné la mise en oeuvre des grands principes de la réforme. Destinées à faciliter l’accès (et/ou le maintien) des plus démunis au logement, ces mesures apparaissent en effet comme des correctifs voire des palliatifs aux effets pervers et résultats inattendus que les retournements de conjoncture ont imposés à la politique du logement : la réforme de 1977, élaborée dans et pour une économie en expansion va en effet être mise en oeuvre dans une France en crise.

Une erreur de perspective historique : Si dans la première moitié des années 1970 la situation française présente un bilan globalement positif tant sur le plan économique que social, la récession qui s’annonce constitue un risque important dans la mesure où les orientations de la politique du logement que les pouvoirs publics s’apprêtent à consacrer sont entièrement fondées sur la projection optimiste des tendances économiques et sociales qui sont justement en train de se renverser.

En effet, le choc pétrolier de 1973 installe un contexte de crise et de tension qui se traduira en France, quelques années plus tard, dans des difficultés économiques et financières exacerbées par la politique de rigueur budgétaire, monétaire et salariale (pour contenir le déficit budgétaire, maîtriser l’inflation...) que la participation à la construction européenne impose aux pouvoirs publics. Or, c’est une toute autre vision qui a guidé ces derniers dans l’élaboration de la réforme qui va définir les grands principes de la politique du logement pour les années à venir.

En l’occurrence, l’euphorie suscitée par la croissance continue durant les deux décennies passées va entraîner une erreur de perspective historique dans l’appréciation de la situation par les pouvoirs publics. Les rapports Lion, Nora-Eveno, Barre qui sont à l’origine de la réforme du financement du logement de 1977 fondent leurs analyses et donc les orientations et recommandations qui en découlent, sur l’idée d’une économie en croissance continue entraînant avec elle les revenus salariaux et une inflation maintenue encore longtemps à un niveau élevé.

Dans un tel contexte, le marché que l’Etat s’est efforcé de mettre en place depuis des années pourra répondre à la majorité des demandes dans un cadre où la confrontation de l’offre et de la demande déterminera de manière optimale le niveau des prix et des quantités. Ceux qu’une telle régulation autonome du marché laisse de côté, en particulier les plus défavorisés, vont bénéficier d’une aide de l’Etat dont l’objectif est de les amener à pouvoir se porter sur ledit marché.

Alors que jusque là c’était l’offre stimulée par les pouvoirs publics (à travers l’inscription au budget de dotations et de programmes de constructions) qui déterminaient le niveau de la construction, l’orientation délibérément libérale donnée à la politique du logement renverse les schémas et parachève le désengagement de l’Etat de son financement.

Or, la fin des trente glorieuses traduit un renversement de situation en profondeur du fonctionnement social et économique. Une des conséquences directes de ce retournement dans le domaine du logement est l’élargissement de l’écart existant entre les capacités de taux d’effort des demandeurs (dont une partie importante est devenue peu solvable du fait de la crise elle-même) et les niveaux auxquels la logique marchande et encore plus la volonté de relèvement de la qualité globale du logement contenue dans la réforme, vont porter les coûts de l’offre immobilière.

Devant une telle situation, la réduction des inégalités devant le logement que la réforme devait permettre notamment grâce à une aide à la personne solvabilisant les plus modestes sur un marché unifié, prend un coup de retard du fait même de sa subordination à la réalisation des autres objectifs quantitatifs préalables d’autant que certains résultats fondamentaux comme la substitution de l’aide à la personne à l’aide à la pierre ne seront pas aussi facilement atteints que pouvait le laissait supposer les attendus de la réforme.

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Graphique n°6 : Evolution de la structure des aides au logement dans les dépenses annuelles pour les PLA

Source : CES (1994), annexe p. 212

Au vu de la situation antérieure, qui a plutôt réservé le parc social aux couches moyennes, le seul jeu des aides ne pouvait permettre de renverser une telle tendance. Aussi apparaît-il nécessaire d’introduire quelques mesures spécifiquement dans ce sens, avant même la fin de l’année 1977.

Notes
166.

F. Aballéa, 1983, p.22

167.

supplément à la revue HLM n°244/1975.

168.

J.O. du 04 janvier 1977, p.68-71

169.

CES, op. cit. , p. 86

170.

Lefebvre B., Mouillart M., Occhipinti S., op. cit., p.84

171.

Le surpeuplement modéré est moins significatif car il comptabilise tous les logements d’une pièce (studios) occupé par une personne seule. L’augmentation des ménages isolés dans les années 1990 atténue la portée de cet indicateur qui présente une certaine pertinence en dehors de ce cas précis.

172.

Logements très inconfortables : n’ayant pas à la fois eau, W.-C. et installation sanitaire011

Logements inconfortables : n’ayant pas un de ces trois éléments de confort ou le chauffage central011

Ménages en surpeuplement accentué : où il manque au moins deux pièces par rapport au nombre normatif de pièces011

Ménages mal logés : occupant un logement très inconfortable et/ou un logement en surpeuplement accentué