II- Les mesures spécifiques en direction des populations défavorisées

Les mesures mises en place à la suite de la réforme du financement du logement et dans le sens de la réalisation des objectifs ’sociaux’ ne sont pas dans l’ensemble d’une application vraiment contraignante. Il s’agit, jusqu’en 1990, de mesures indirectes et incitatives, mais dont les réaffirmations tout au long des années 1980 témoignent d’une certaine conscience des pouvoirs publics de l’acuité du problème qui, pour autant, ne fera l’objet d’une première mesure contraignante qu’en 1990 avec la mise en place de POPS (protocoles d’occupation du patrimoine social) dans le cadre de la loi Besson. Entre-temps, les mesures incitatives auront toutefois permis de sensibiliser l’ensemble des acteurs du logement, de situer les responsabilités et aussi de révéler les points de blocage et les enjeux d’une réelle prise en compte de la problématique des plus démunis.

Deux types de mesures sont parallèlement mis en place. D’un côté, la réduction systématique des plafonds d’exclusion du logement social et de l’aide personnalisée au logement tend à réserver de plus en plus le logement social aux revenus les plus modestes. Cette politique de réservation d’une part de plus en plus importante du parc social aux ménages les plus défavorisés se traduit, dans l’estimation du CES, par la diminution de près de 40% des plafonds de revenus (exprimés en nombre de SMIC) pour l’accès à ces deux formes d’aides au logement. Dans l’occupation du parc social, la paupérisation croissante des locataires est pour une part importante renforcée et accélérée par un dispositif bien intentionné mais dont les effets pervers vont être à l’origine de nouvelles difficultés de fonctionnement et de gestion du parc social.

De l’autre, des mesures incitatives notamment réglementaires tendent à mettre en place des procédures et des instruments de gestion de l’habitat respectant les objectifs que les pouvoirs publics ont inscrits dans la réforme de 1977, en particulier de réduction des inégalités face au logement.

Dès le 1er décembre 1977, des engagements sont pris dans une convention cadre signée entre l’Etat et l’UNFOHLM sur le logement des populations ayant des problèmes spécifiques. La circulaire du 17 mars 1978 apporte des précisions sur les termes de cette convention ainsi que sur la procédure pour la mise en oeuvre de conventions locales dont la première étape consiste en l’établissement de bilans-diagnostics qui doivent saisir au-delà de la demande, l’ensemble des besoins des populations concernées. Les engagements pris dans cette convention sont rappelés dans l’article 26 (Action sociale) du contrat-cadre quadriennal signé entre le ministère de l’urbanisme et du logement et l’UNFOHLM le 31 mars 1982. Les organismes HLM s’y engagent à renforcer les actions déjà entreprises et à oeuvrer à l’élaboration de nouvelles conventions relatives aux populations défavorisées.

Dans le cadre d’une politique d’accueil et de maintien des familles dans le parc social, deux circulaires fixent, dès 1981, les premiers éléments tendant à la mise en place d’un dispositif d’aide aux familles rencontrant des difficultés temporaires pour faire face à leurs dépenses de logement. En complément du jeu des aides normales (allocation logement et APL), ce dispositif participe d’un effort global de prévention de la précarité dans le logement, dénoncée notamment par le rapport Oheix173.

La loi Quillot du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs traduit la volonté de réglementer les rapports locatifs en renforçant particulièrement les droits des locataires face aux hausses inconsidérées de loyers et à l’insécurité de certains statuts locatifs. Si elle porte dans un premier temps sur le locatif social, le législateur a prévu d’en adapter rapidement le mécanisme au parc locatif privé. Une circulaire du 20 juillet 1982 précise les objectifs, le champ d’application et les mécanismes de ce dispositif d’ensemble.

Quatre objectifs y sont affichés : maintenir dans leur logement des familles rencontrant des difficultés temporaires dans le paiement de leur loyer (grâce à une aide-relais par exemple), éviter que ces difficultés n’aient des effets négatifs sur la gestion des organismes bailleurs, inciter ces derniers à détecter le plus tôt possible les risques de retards et d’impayés, et enfin, profiter de la mise en place de ce dispositif pour avancer dans le sens d’une gestion plus sociale des logements à tous les niveaux (accueil, attribution, mutations, entretien, concertation...). Ils s’inscrivent dans une convention passée entre les différents partenaires (Etat, collectivités locales, CAF, organismes bailleurs etc...) et sont financés au titre des aides à la personne.

La circulaire du 28 septembre 1983 rappelle et commente l’ensemble des mesures prises en vue d’une relance des efforts d’accueil et de maintien des plus démunis dans le parc social. Cependant que toute une série de mesures permettait d’espérer des avancées significatives pour ces populations (réservation d’une fraction du 1% logement aux actions en faveur des immigrés, action du FAS pour associer au logement une action socio-éducative, accompagnement social dans les opérations de RHI, politique de surcharge foncière pour une meilleure insertion urbaine des constructions sociales, politique de développement des foyers, possibilité de colocation de logements sociaux par des travailleurs isolés, aides à l’amélioration des logements...), ’l’amélioration des conditions de vie et d’insertion sociale des populations défavorisées et des ménages en difficulté’ est placée au rang de priorité de la nouvelle politique de l’urbanisme et de l’habitat qui se dessine dans les années 1982-1983.

Les constats qui confirment cette persistance des difficultés et fondent une telle posture (de statu quo) sont rappelés. Les catégories susceptibles de rentrer dans cette définition sont toujours nombreuses et variées (personnes âgées, handicapées physiques et mentaux, femmes seules avec enfants, jeunes, immigrés, originaires des DOM-TOM, français musulmans, nomades, réfugiés, familles nombreuses et/ou en difficulté, ménages sans revenus ou avec des revenus aléatoires...), de même que les raisons (financières, sociales, physiques...) qui les conduisent dans des logements inadaptés (insalubrité, surpeuplement, garnis et meublés, centres d’hébergement, asiles, bidonvilles et autres habitats de fortune) voire à la rue.

Pour maintenir et relancer l’effort face à cet enjeu de solidarité nationale, ladite circulaire rappelle et commente les mesures existantes et les mesures nouvellement prises dans ce but. Il s’agit tout d’abord des FAIL qui, institués par une circulaire de juin 1981, s’affichaient déjà comme un des objectifs fondamentaux de la convention cadre du 1er décembre 1977. Repris dans le contrat cadre du 31 mars 1983 où les organismes HLM s’engageaient à en faciliter la mise en place en l’assortissant de dispositifs de prévention et de suivi, ce dispositif de portée locale, essentiellement alimenté par les collectivités locales et l’Etat, se veut un soutien financier aux ménages éprouvant des difficultés dans le paiement de leur loyer, notamment par l’ouverture de prêts.

Des aides sont également pensées pour débloquer des fonds pour l’amélioration de certains logements dont les propriétaires/occupants sont exclus des circuits traditionnels de crédit ou encore pour faciliter l’accès de populations ne disposant pas de ressources suffisantes pour faire face à certains frais d’accès (caution, loyers d’avance, frais annexes...).

La circulaire rappelle aussi la possibilité, accordée par l’article 80 de la loi Quillot aux bailleurs HLM, de louer leurs logements à des associations s’occupant de la réinsertion des populations défavorisées et auxquelles ces associations peuvent sous-louer lesdits logements, tout en conservant le bénéfice des dispositions applicables à l’ensemble du parc HLM et en particulier celles relatives à l’APL.

La réalisation de ces conventions locales nécessite donc de tenir compte de la spécificité des populations visées aussi bien au niveau de l’accès (tenir compte de l’ensemble des ressources, y compris les aides sociales, dans l’appréciation des critères d’attribution) que dans le maintien dans le logement (modalités d’une gestion à caractère social plus marqué). L’effort de construction jusque là polarisée par le ménage moyen dont il fallait satisfaire les besoins doit désormais être complété par un effort d’accompagnement social pour répondre à cette autre population qui n’a jusque là polarisé que des discours.

Les dispositifs traduisant ces objectifs sont rappelés dans une circulaire du 20 décembre 1984 qui affirme la nécessité et l’urgence de leur développement et de leur généralisation. De nouvelles possibilités de fonctionnement sont prévues par la réorganisation des modalités de gestion des aides et une répartition de la dotation de l’Etat entre les différents acteurs. Quant au secteur privé où la situation des plus démunis s’est avérée plus préoccupante encore que dans le parc social, il bénéficie désormais des mêmes dispositifs que le secteur social.

En plus de ces actions de maintien dans le logement, cette circulaire invite à la réactivation des actions pour l’accès à un logement décent y compris en passant par des structures d’accueil temporaire d’urgence. A cet égard, les organismes intermédiaires entre bailleurs et ménages, généralement des associations (CAL-PACT, gestionnaires de foyers, associations d’insertion des immigrés, des handicapés, des personnes âgées, CHRS, associations familiales et caritatives...) qui apportent des garanties sociales, financières et institutionnelles, voient leur rôle reconnu et bénéficient ainsi de soutiens importants directement ou par la mise en place de FARG (fonds d’aides au relogement et de garantie) permettant aux plus démunis de s’acquitter notamment des cautions et autres dépôts de garantie exigés pour l’accès à un logement ainsi que des divers frais d’installation.

D’un autre côté, il est rappelé aux préfets la nécessité d’utiliser pleinement leurs pouvoirs en matière de réservations de logements sociaux au profit des personnes mal logées et défavorisées. L’ensemble de ces éléments devrait permettre la mise en oeuvre effective d’une véritable politique du logement des plus démunis.

Dans la même période, les pouvoirs publics ont profité de l’élaboration de grands textes réglementaires pour inscrire incidemment dans le débat public leurs objectifs sociaux notamment à travers des mesures visant pour certaines plus ou moins directement la question du logement des plus démunis.

Ainsi des lois de décentralisation. L’objet principal des lois de 1982-1983 a été d’organiser la décentralisation et la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités locales. D’une manière générale et pour ce qui concerne le logement et la construction, les communes ont hérité des compétences en matière d’urbanisme et d’aménagement du cadre de vie tandis que l’Etat conservait les compétences générales en la matière (fixation des normes techniques, système de financement et des aides à la pierre et à la personne). Les nouveaux rapports qui peuvent résulter de cette répartition sont encadrés par deux dispositions principales inscrites dans les articles 78 et 79 de la loi du 07 janvier 1983 relative à la répartition des compétences : le programme local de l’habitat (PLH) et le conseil départemental de l’habitat (CDH).

Le CDH remplace l’ensemble des instances départementales compétentes en matière de logement en vue d’une meilleure coordination et concertation des différents partenaires concernés. Instance consultative, il émet des avis sur l’ensemble des domaines de la politique du logement au rang desquels la satisfaction des besoins en logement des différentes catégories de populations et les actions en faveur du logement des immigrés et des personnes défavorisées.

L’article 78 indique que ’les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale peuvent définir un programme local de l’habitat qui détermine leurs opérations prioritaires et notamment les actions en faveur des personnes mal logées ou défavorisées’. Si le PLH apparaît comme une procédure laissée à la seule initiative des communes concernées, les pouvoirs publics tentent tout de même d’en appuyer la mise en place en allant un peu plus loin dans l’incitation. Ainsi, à l’occasion de la répartition des crédits d’Etat au niveau du département, le représentant de l’Etat doit tenir compte des priorités inscrites dans les PLH et veiller au respect des objectifs nationaux, notamment pour le logement des plus démunis et des mal logés.

Le PLH est donc d’une certaine manière la traduction au niveau local des objectifs nationaux de lutte contre les inégalités face au logement. La procédure reste cependant incitative et la circulaire du 07 mai 1985 relative au développement des PLH y reconnaît un instrument ’par lequel la commune, ou le groupement de communes, peut afficher, en cohérence avec l’exercice de ses compétences en matière d’urbanisme, ses choix et ses objectifs en matière d’habitat et notamment de logement des plus défavorisés’.

Dans sa volonté de développer cette procédure, l’Etat essaie d’instituer le PLH comme un document d’orientation définissant les programmes d’action à moyen terme des communes sur l’ensemble de leur parc de logement. Dans ce cadre, il tient à y inscrire ses propres objectifs sociaux et demande aux préfets de les afficher auprès des collectivités concernées. Il s’agit globalement d’apporter des réponses satisfaisantes à la question du logement des personnes sans-abri ou mal logées et des travailleurs migrants d’une part, et plus généralement de lutter contre la ségrégation dans le logement par une politique de diversification, au niveau des types d’habitat, des quartiers et des communes, dans l’attribution et en veillant au maintien des équilibres urbains existants.

L’incitation commence à se muer en injonction car il ne s’agit plus simplement de veiller au respect de ces priorités, mais de les faire valoir auprès des acteurs locaux : ’seuls les programmes locaux de l’habitat conformes à ces objectifs, tant en terme de production de logements que d’attributions et de gestion, pourront être pris en compte dans la programmation départementale des aides publiques’.

Pratiquement, il s’agit de relancer, dans le cadre de ces nouveaux PLH à objectifs partagés par l’Etat et les collectivités, la signature de conventions locales pour l’habitat des populations ayant des problèmes spécifiques de logement. Des études dites de ’bilan-diagnostic’ menées en marge des études globales du PLH doivent permettre d’évaluer ces besoins spécifiques et servir de fondement aux conventions locales. Seront favorisés dans ce cadre les programmes :

‘’blabla’

Ces orientations devront cependant s’adapter aux configurations locales et s’accompagner de la mise en place progressive de modalités d’une gestion adaptée des organismes bailleurs.

Un an plus tard, une circulaire du 24 décembre 1986 invitant à la mise en place d’un plan d’action départemental pour loger les plus démunis vient conforter l’orientation générale des pouvoirs publics dans le traitement de la question. Plaçant ses services et ses représentants au coeur de la coordination des actions à entreprendre pour résoudre les situations difficiles des sans-abri et des mal logés qu’un hiver rigoureux est venu rappeler avec force, l’Etat entend non seulement rappeler aux organismes HLM leur vocation sociale, mais mobiliser l’ensemble des acteurs intervenant dans le secteur dans le cadre d’une procédure de concertation dont les grandes lignes sont indiquées.

Par une réunion exceptionnelle du CDH à laquelle seront conviées les associations caritatives au titre de leur connaissance des populations défavorisées, il doit être mis au point un plan d’action départemental en faveur du logement des plus démunis et ce, dans les plus brefs délais. Il sera néanmoins recommandé d’obtenir la collaboration active du Conseil Général, des organismes HLM et de la CAF. Des études de bilan-diagnostic pourront au besoin éclairer les acteurs et les actions déjà engagées. D’autre part les ADIL seront mobilisées pour assurer la diffusion des actions du plan et l’information des bénéficiaires potentiels sur les mesures mises en oeuvre à leur intention.

Deux grands volets sont développés : prévention des expulsions et maintien dans le logement d’un part, accès au logement de l’autre.

Dans le premier volet, il s’agit de développer les dispositifs d’aides aux impayés de loyer en particulier dans les départements où ce type de mesures n’existe pas encore et dans les autres, d’en améliorer le fonctionnement notamment par un assouplissement des règles d’exclusion du bénéfice de ces aides. Concrètement il s’agit d’éviter les situations critiques en détectant plus rapidement les impayés de loyer et, pour les ménages ayant accumulé des arriérés importants, de faciliter par ailleurs leur mutation dans le parc de l’organisme bailleur en leur proposant un logement moins cher. A ces aménagements pour les locataires s’ajoute une amélioration des conditions d’attribution des aides aux propriétaires occupants impécunieux, notamment par une majoration de la subvention PAH.

Quant aux actions en vue de faciliter l’accès au logement, la généralisation des FARG y tient une place importante mais la nouveauté tient dans l’affirmation de la nécessité de trouver un habitat adapté au mode de vie de certains ménages en particulier les familles nombreuses. Aussi est-il demandé aux préfets de mettre au point, avec les organismes HLM du département ’un véritable programme de réalisation de logements répondant aux besoins de ces familles, notamment par acquisition de maisons de ville anciennes’ dans le cadre du plan d’action départemental pour le logement des plus démunis. Ces opérations d’acquisition-amélioration devront permettre, par un loyer de sortie assez faible, d’accueillir durablement les ménages concernés. Pour ce faire, elles pourront bénéficier d’un programme expérimental de financement mis en place par la CDC pour soutenir la réalisation de logements pour les plus défavorisés.

La mobilisation de l’ensemble des acteurs et de moyens conséquents, coordonnés dans le cadre d’un plan d’action, souligne non seulement l’acuité du problème mais surtout la volonté des pouvoirs publics de concrétiser sur les terrains locaux les grandes résolutions contre les inégalités face au logement. Mais un an plus tard, il semble nécessaire de réactiver la machine.

En effet, après le train de réformes remaniant quelque peu le secteur du logement social, avec en particulier la réalisation du bouclage des aides au logement, une circulaire du 25 février 1988 vient timidement rappeler, dans le cadre de l’objectif global de mieux loger les français, l’objectif social de loger les plus défavorisés essentiellement par la poursuite des efforts entrepris jusque là. Il est en effet demandé aux préfets et aux services déconcentrés concernés d’initier un plan d’actions mobilisant les acteurs locaux institutionnels aux côtés des associations caritatives dont le rôle est de plus en plus reconnu.

En fait d’actions en faveur du logement des défavorisés, cette circulaire est plutôt l’occasion de rappeler et d’encourager à l’utilisation des actions et aides existantes : respect de la vocation sociale des organismes HLM dans l’attribution des logements sociaux, développement des FARG, rappel de l’existence d’une subvention pour la mise en place d’une gestion adaptée, développement des FAIL (fonds d’aides aux impayés de loyer), conventionnement sans travaux d’une partie du patrimoine HLM en vue d’étendre la couverture de l’APL aux plus démunis de ce segment du parc etc... Par leur nature même, ces mesures concernent au premier chef l’habitat existant dont l’utilisation optimale est affirmée comme une priorité.

Cette circulaire innove en y ajoutant la possibilité de ’création d’un habitat adapté à des comportements particuliers ou à des ressources très faibles’. Cette incise constitue un recul explicite par rapport à un des objectifs fondamentaux de la réforme de 1977, à savoir l’unification par le haut de la qualité de l’offre de construction.

La volonté de garantir à tous l’accès à un logement de qualité tout en mettant un terme à l’inflation des catégories de logement (dont le cloisonnement a été reconnu responsable, pour une grande part, des phénomènes de ségrégation) est ici obérée par la possibilité de déroger aux normes du logement ordinaire ’pour que des prestations simplifiées soient adoptées, l’objectif étant d’aboutir à un prix de revient peu élevé pour permettre un loyer également peu élevé’.

Alors que jusque là la tendance était globalement de rechercher les moyens permettant l’accès et/ou le maintien des plus démunis dans le parc ’normal’ existant ou dans la construction sociale neuve, on retrouve dans cette posture une sorte de renouveau des idées antérieures prônant une segmentation qualitative de l’offre publique de logements sociaux, d’ailleurs aussi bien dans le financement (le prix de revient de ce nouvel habitat adapté devra être le plus bas possible) que dans la gestion (le coût de fonctionnement devra également être aussi limité que possible).

En ce sens, cette dernière mesure incitative, mais qui est aussi indicative, annonce la rupture qui sera consommée avec le vote de la loi Besson et l’institutionnalisation du logement adapté comme nouvelle formule de l’offre spécifique en direction des plus démunis.

Les années 1977-1990 auront ainsi été celles de la préparation institutionnelle d’un retour vers une offre spécifique dont la légitimité repose pour une part sur l’incapacité de tenir les objectifs de la réforme du financement du logement de 1977 dans un environnement dont les données sont presque à l’opposé des prévisions qui ont motivé ladite réforme.

Le retournement de conjoncture a provoqué l’explosion des dépenses de solvabilisation alors même que les pouvoirs publics s’engageaient dans une politique de rigueur budgétaire. La priorité passe dès lors mais incidemment, des objectifs affichés à l’objectif sous-jacent mais fondamental de la réforme à savoir la maîtrise de la dépense publique, que l’Etat va organiser de deux manières complémentaires : diminuer ses dépenses en en imputant une part sur des tiers, notamment les collectivités locales, les bailleurs sociaux, les locataires et les accédants ; augmenter ses recettes aux dépens d’autres tiers en particulier les bénéficiaires des contributions patronales (1% logement) et les bénéfices du livret A normalement destinés aux fonds de garantie.

Tous ces ajustements par défaut se rajoutent à la situation de crise générale. Tandis que la décentralisation donnait aux égoïsmes locaux les moyens de mieux s’affirmer, les difficultés internes au secteur du logement vont exacerber les crispations des acteurs.

La problématique du logement des populations démunies était posée dans ce contexte comme un enjeu global, national, alors même que les résonances en sont localement vécues et perçues de manière plus ou moins aiguë. Il était dès lors difficile voire illusoire d’espérer y trouver des éléments de réponse pertinents à travers de simples mesures incitatives.

Les pouvoirs publics ne s’y sont pas trompés et ont progressivement durci le ton pour finir par imposer autoritairement les éléments tendant à la réalisation d’objectifs programmés plus d’une décennie auparavant. Cependant, cette période n’a pas été sans donner quelques résultats dans cette lutte contre les inégalités face au logement même si la principale victoire qu’on peut y inscrire est celle de la montée en puissance sinon en visibilité des instances parallèles de soutien de ces populations qui, en constatant et en dénonçant des réalités locales contrastées mais convergentes, ont été les véritables maîtres d’oeuvre, plus que les structures officielles, de la réinscription de la question du logement des populations défavorisées dans le débat politique local. La prise de position locale va alimenter le débat national ainsi que les prises de positions des pouvoirs publics.

Notes
173.

G. Oheix, 1981