1- L’évolution globale du parc immobilier lyonnais

Entre 1975 et 1990, la COURLY a connu une croissance démographique faible de 1,4% (0,1% par an), qui se décompose entre un premier mouvement de baisse (-1%) entre 1975 et 1982 et un léger regain de croît démographique entre 1982 et 1990 (2,5%) malgré un solde migratoire négatif. C’est donc principalement la croissance naturelle de la population communautaire qui compense les processus d’exurbanisation. Dans le même temps le parc résidentiel total s’est accru de 16% malgré une chute brutale du rythme général de la construction en particulier à partir de 1977.

message URL FIG23.gif
Figure n° 23 : Evolution démographique et résidentielle de l’agglomération lyonnaise 1975-1990

Evolution démographique ,Evolution des résidences principales

Dans cette croissance ralentie, on peut relever des différences de tendance entre les résidences principales qui, avec une croissance légèrement supérieure à 14%, drainent l’ensemble du parc dont elles constituent un peu plus de 90% tandis que les résidences secondaires connaissent un sursaut de plus de 82% avec cependant un volume plus limité et ne représentent que 3% du parc (au lieu d’un peu moins de 2% en 1975).

Quant aux logements vacants, qui sont de l’ordre du double des résidences secondaires en volume, ils augmentent de près de 20% pour se situer à 6,7% du parc, soit à peu près au même niveau qu’en 1975. Il y a donc dans une certaine mesure maintien des tensions qui traversaient alors le marché lyonnais, à moins que l’évolution de la structure démographique de l’agglomération n’en ait accentué la portée.

Le mouvement de desserrement démographique qui touche le centre de l’agglomération et sa première couronne semble se reporter, pour une part tout au moins, sur les communes les plus périphériques. Ce mouvement est soutenu par une offre immobilière périphérique dont le développement puise autant dans les réserves de résidences secondaires que dans les logements vacants (tous deux en baisse sur toute la période) cependant que le mouvement inverse de développement de la vacance et des résidences secondaires s’installe dans le centre.

Ce dernier mouvement, mis en regard des modifications affectant les structures démographiques (décohabitation, ménages isolés, familles monoparentales...) et aboutissant à une augmentation globale du nombre de ménages, signale un dynamisme du marché dans la partie centrale de l’agglomération où vacance et résidences secondaires peuvent désigner aussi bien une certaine détente que des tensions liées à une inadaptation de l’offre aux capacités de la demande.

message URL FIG24.gif
Figure n°24 : Evolution de la vacance et des résidences secondaires 1975-1990

En effet, les différenciations que l’on peut observer, au niveau communal, entre la production immobilière et l’évolution démographique sont le signe de la persistance de décalages antérieurement observés, même s’il ne se reproduit pas une parfaite homothétie diachronique. L’amélioration des conditions de logement qui a polarisé les politiques menées depuis 1977 s’est en effet confrontée à des réalités locales différenciées. On peut toutefois tenter d’en apprécier, à la lumière de quelques caractéristiques fondamentales du parc, le niveau et la qualité.

Déjà en 1975, les progrès réalisés durant les trente glorieuses, période de modernisation et d’industrialisation du bâtiment, avaient déjà définitivement changé les rapports entre les français et leur habitat. L’exigence de qualité, accompagnant le progrès économique et social allait donner à l’intervention politique un nouvel enjeu : l’ambition d’un logement de qualité pour tous sera au coeur des réformettes des politiques mises en oeuvre. Cette ambition se traduit aussi bien dans la définition de standard pour les logements à venir que par la mise à niveau des logements existants par une véritable politique de l’habitat ancien (restauration et surtout réhabilitation). Les résultats sont lisibles dans les niveaux des principaux indicateurs de la qualité des logements (surfaces, équipements de confort, occupation...).

message URL FIG25.gif
Figure n°25 : Résidences principales sans confort (ni douche ni bains) en 1990

La politique d’amélioration des conditions de logement semble avoir porté ses fruits car la part des résidences principales ne disposant ni de W.-C. ni de salle de bains n’est plus en 1990 que de 1,8% pour l’ensemble de l’agglomération. Les logements ne disposant pas d’installations sanitaires (ni douche ni bains) s’élèvent à 5% du parc, principalement localisés dans le centre (Lyon et Villeurbanne) qui en regroupe 78% : pour le reste de l’agglomération hors centre, ce taux redescend à 1,9% seulement. Comparés à 1975 où les mêmes indicateurs atteignaient des niveaux de l’ordre de 15 et 25%, ces éléments donnent toute la mesure du chemin parcouru et de l’efficacité des politiques menées.

La structure du parc et sa répartition permettent de lire, au-delà des considérations générales au niveau de l’agglomération, les configurations localisées en son sein. L’analyse factorielle révèle des liaisons et des proximités complexes entre communes par la prise du poids relatif de chaque caractéristique analysée par rapport à l’ensemble des autres éléments et des autres communes.

message URL GRAPH07.gif
Graphique n° 7 : Typologie et ancienneté du parc de résidences principales en 1990.

Au-delà des oppositions classiques (cf. l’analyse factorielle sur le parc en 1975, chapitre 2) entre l’est et l’ouest, qui attestent encore une fois de la persistance des inerties les plus fondamentales observées depuis longtemps dans l’agglomération, la nouveauté réside ici dans la force explicative de l’âge des parcs locaux que la période des trente glorieuses vient bouleverser en s’inscrivant comme un élément de polarisation déterminant. L’effet taille du parc édifié durant cette période pèse de tout son poids dans la régulation du marché lyonnais et recouvre les distinctions plus subtiles qui pouvaient exercer quelque influence du fait des liaisons historiquement établies entre des typologies de logements, des époques de construction et des sites privilégiés.

Le développement de l’offre immobilière d’après-guerre dans les communes de la périphérie orientale de l’agglomération est bien mis en évidence sur le premier axe du graphique. Le parc ’ancien’ d’avant la reconstruction y est associé aux communes d’ancienne urbanisation parmi lesquelles Lyon occupe une place essentielle du fait là aussi d’un effet de taille. A l’opposé de cette configuration, les communes de la banlieue est sont fortement marquées par le parc des trente glorieuses et dans une bien moindre mesure par celui des années qui ont suivi.

message URL FIG26-1.gif
Figure n°26 : Ancienneté des résidences principales en 1990
message URL FIG26-2.gif

Cette opposition générationnelle se double, sur le même axe d’une opposition typologique entre les petits logements d’un côté et les logements moyens de 4 pièces de l’autre, le logement moyen type, à savoir le logement de 3 pièces, ne discriminant nullement, se trouve naturellement au centre de cette opposition. L’association entre logements de petite taille, ancienneté et communes du centre et, dans une moindre mesure, de la première couronne, est relativement stable.

Par contre, la forte proportion de logements moyens dans le parc des années d’après reconstruction brouille les cartes des autres logements, entraînant avec elle les logements plus grands dont la faiblesse quantitative généralement observée facilite le rattachement au mouvement général pour peu que les programmes en question (en particulier les grands ensembles) en proposent une certaine quotité. Cependant là aussi les inerties demeurent et ce sont les communes résidentielles de l’ouest et du nord-ouest qui demeurent proportionnellement les mieux pourvues en grands logements.

La proximité la plus explicite est sans doute celle qui lie les logements des trente glorieuses et les communes de la périphérie qui ont accueilli l’expansion démographique et résidentielle des années de croissance. Si ces inerties semblent fortes et résister aux transformations en cours par ailleurs, les possibilités d’évolution peuvent être considérées comme des soupapes dans cette sorte de fatalisme urbanistique.

L’évolution de la typologie des parcs communaux est à cet égard un indicateur de la place et du rôle joué dans le marché local de l’habitat. Avec près de 55% du parc en 1990 contre 51% en 1975, les logements moyens (3 et 4 pièces) déterminent un peu plus fortement les caractéristiques globales du parc de l’agglomération. Cela étant à rapprocher du parc édifié entre 1949 et 1974 qui en représente 44%. Quant aux 20% de logements construits depuis 1975, ils présentent des proximités dans un premier temps avec les grands logements et dans la dernière période, avec le logement de 3 pièces, consacrant d’une certaine manière le retour vers ce qui a toujours été le standard du logement moyen.

Ces évolutions sont certes mineures par rapport à 1975, mais elles se révèlent, par ce fait même, stratégiques car appelées à faire face à des transformations démographiques profondes. Fortement territorialisées, elles ont des effets de polarisation socio-spatiale tendant à renforcer les déséquilibres existants grosso modo entre l’est et l’ouest d’une part, le centre et la périphérie de l’autre, et qui se recoupent avec les caractéristiques typologiques des parcs communaux et leur ancienneté.

message URL FIG27.gif
Figure n°27 : Typologie des résidences principales en 1990

Dans un contexte de croissance ralentie et de rigueur socio-économique, la fin des déficits quantitatifs dans le domaine du logement a progressivement laissé la place à l’affirmation de préoccupations plus contextuelles dont l’amélioration des conditions d’habitat a été la traduction en termes d’objectifs politiques. D’où un certain ralentissement de l’offre quantitative et le développement d’une politique de l’habitat ancien d’une part et l’inscription d’une exigence de qualité forte pour la construction neuve. Les résultats de cette politique, inscrits dans le constat ci-dessus dressé du parc lyonnais en 1990, sont d’une manière générale satisfaisants.

Si l’on appréhende ces résultats, au moins pour partie, au titre du ’bilan’ de la réforme de 1977, on peut se poser la question de savoir si un autre objectif de la même réforme, à savoir la réduction des inégalités devant le logement, a connu des avancées aussi significatives.

Dans l’agglomération lyonnaise, l’observation de l’évolution de l’offre sociale dans ses grandes lignes nous paraît nécessaire pour resituer le cadre dans lequel les actions en faveur des plus défavorisés vont désormais intervenir. Pour ce segment du marché du logement social, on ne peut parler, à l’instar des autres marchés, de surabondance tant la pression y est encore forte. Le basculement de la problématique des plus démunis d’une offre spécifique vers la recherche de solutions dans ce parc rajoute aux tensions dont celui-ci fait l’objet.