I- La production de logements d’insertion

L’observation de l’évolution générale de la situation au début des années 1990 dans l’agglomération lyonnaise a confirmé l’exacerbation des tensions sur le logement. On peut donc incidemment en attendre une plus grande détérioration des conditions de logement pour les plus modestes.

Le diagnostic élaboré dans la première phase d’étude du PLH (programme local de l’habitat) de Lyon présente bien les difficultés d’accès au logement des personnes défavorisées : la baisse continue de la production de logements sociaux, la disparition du parc privé à vocation sociale, l’augmentation de la demande très sociale qui est de mieux en mieux connue grâce notamment aux observatoires de la demande, la précarisation croissante de la situation de certaines populations, le fonctionnement ségrégatif du marché libre et les difficultés de gestion du parc public...

La chaîne du logement y est en effet appréhendée comme un tout dont les différents maillons (logement des personnes défavorisées, logement social, logement intermédiaire et logement de standing) permettent aux ménages de suivre des trajectoires résidentielles particulières. Le bon fonctionnement de cette chaîne repose sur l’existence d’une certaine fluidité entre les différents maillons, fluidité alimentée par une offre suffisante (en fonction de la demande) dans chaque maillon.

Sur l’agglomération lyonnaise, cette chaîne présente quelques blocages.

Tableau 23 : Diagnostic de la chaîne du logement et orientations du PLH
LOCATIF ACCESSION
LOGEMENTS PUBLIC PRIVE ANCIEN NEUF
Populations défavorisées Offre limitée Offre en baisse
Sociaux Forte pression
Production limitée
Diminution de sa fonction sociale Accession sociale non adaptée Inaccessible
Intermédiaires Neuf : loyer max.
Ancien : disponible
Accession aidée PAP
réduction
Offre existante
Standing Offre importante Offre importante
Désolvabilsation
Tendances Augmentation des besoins
Stagnation de l’offre
Souhait fort
Désolvabilisation
Source : Programme local de l’habitat-Programme d’actions, AGURCO, 1994, p.18

Le logement des personnes défavorisées apparaît comme le premier maillon faible de la chaîne. L’offre dans le parc public est limitée ; la construction sociale neuve est en baisse avec un taux de croissance inférieur à 2% et la plupart des organismes publics de logement, connaissant des problèmes d’équilibre de gestion et d’équilibre social dans leur parc, rehaussent leurs critères de sélection et d’attribution. D’autre part, l’offre dans le parc privé social de fait connaît une baisse accrue du fait notamment des fortes hausses de loyers après réhabilitation ou simplement à la relocation, mais également de la disparition pure et simple des logements anciens du marché locatif (démolition pour des programmes neufs, reprise par le propriétaire...).

Par contre, les besoins, mieux connus, sont en augmentation constante même si les chiffres avancés ne sont pas toujours le résultat d’estimations solides appréhendant l’exclusion dans l’étendue de sa diversité : personnes en habitat de fortune (à la rue, squats, habitations mobiles...), en centre d’hébergement temporaire (asiles de nuit, CHRS...)en hébergement provisoire chez un particulier, en hôtel meublé ou garni.

A titre d’exemple, l’informatisation du fichier SIAL recueillant la demande prioritaire (fichier préfecture) a vu celle-ci passer de 2 000 en 1991 à 7 000 en 1994. A ceci s’ajoute bien sûr d’autres situations d’exclusion, de mal-logés, d’expulsions etc...

Dans tous les cas cette demande reste insatisfaite non seulement du fait d’une pénurie structurelle de logements sociaux mais aussi de l’inadaptation de l’offre. Aussi apparaît-il judicieux, si l’on ne peut agir sur cet aspect structurel de baisse des constructions, d’en adapter les modalités en tentant de développer une offre nouvelle, diversifiée et adaptée aux situations des personnes en difficultés.

Les objectifs définis notamment dans le PDA ont été fixés à environ 1 500 logements, combinant à la fois des interventions sur les parcs privé et public, la production d’une offre nouvelle et une plus grande ouverture de l’accès du parc public. Ces objectifs sont repartis ainsi287 entre PLA insertion (400 logements), PLA adaptés neufs (100), résidences sociales (70), PALULOS majorée (50), logements temporaires (30 pour l’offre publique nouvelle et 250 pour l’offre privée conventionnée issue de PST ou de droits de réservation) et l’ouverture du parc HLM existant, à hauteur de 500 logements.

Tableau 24 : Synthèse du chiffrage des besoins en logement social
1993
Programmation
Chiffrage des besoins PLH
à moyen terme en année moyenne
PLA CDC 1 640 Logement social 2 350
PLA CFF 499 Logements en faveur des populations défavorisées 1 000
PLAi neuf adapté et ancien / populations défavorisées 333
Meublés 100
Logements temporaires
Résidences sociales 50
Logements privés conventionnés 64
TOTAL 2 686 3 350
Source : Programme local de l’habitat-Programme d’actions, AGURCO, 1994, p.34

Un accent particulier est ainsi mis sur le logement des personnes défavorisées. Dans la région lyonnaise, l’acuité de ces problèmes avait conduit au développement, bien avant la loi Besson, d’opérations de logements adaptés par des organismes comme l’OPAC du Rhône ou Logirel. Ces opérations sont certes restées modestes, mais il n’en reste pas moins que les pratiques développées et la sensibilisation du contexte local à ces problèmes ont facilité, dès la promulgation de la loi Besson et plus particulièrement dès la mise en place des nouveaux outils comme le PLAi, la mobilisation de principaux acteurs locaux. Le PDA inscrit d’ailleurs la production de logement d’insertion comme une priorité car l’action de solvabilisation, utile, ne peut suffire et la fluidité du marché passe plus ou moins nécessairement par le développement d’une offre supplémentaire.

Notes
287.

cf. la partie diagnostic du Programme local de l’habitat