Conclusion : La maîtrise des coûts, un nouveau principe fédérateur... contre l’esprit de la loi ?

La structure générale de la production apparaît comme spatialement très localisée (hypercentre et centre) et très orientée dans ses modalités (foncier acquis au privé, copropriété simple et pleine propriété mixte...). Les éléments déterminants dans la majoration ou la minoration des coûts combinent ces différents registres (tel type de foncier acquis de telle manière sur tel secteur ...) dans une hiérarchie bien définie. Mécaniquement il suffirait, en fonction des objectifs visés, de promouvoir un élément choisi ou une combinaison d’éléments pour orienter les coûts dans un sens ou dans l’autre.

L’analyse statistique d’une production comme celle de logements PLA-TS nécessite de poser au préalable la question des objectifs de cette analyse, ce qui renvoie nécessairement aux moyens. Il importe en effet de définir le plus clairement possible les questions que l’on se pose face à la situation. Cette phase est la plus importante, les questions que l’on pose contenant sinon des éléments de réponse, du moins les orientations générales.

En l’occurrence, le questionnement qui sous-tend la présente analyse veut s’inscrire dans le courant de réflexion sur la maîtrise des coûts de production. Les données rassemblées à cette fin intègrent donc des variables jugées pertinentes. Les résultats des traitements et surtout leur interprétation vont parfois au-delà en faisant appel à des éléments d’analyse, de compréhension qui ne sont pas directement issus des données initiales. Ces éléments doivent par conséquent être pris en compte dans la définition des objectifs et explicités en amont de l’analyse proprement dite.

Les résultats ont permis de confirmer un certain nombre de présomptions plus ou moins établies ailleurs comme le lien entre la surface habitable et le prix de revient, l’opposition entre les travaux et le foncier, la différence fondamentale dans la structure des productions en neuf et en acquisition-amélioration, l’évolution globale des coûts, l’inertie des structures foncières dans les différents secteurs de l’agglomération ou encore les tendances contrastées des opérateurs, entre investir et se constituer un patrimoine et répondre à la demande et aux besoins des populations défavorisées. Ce détour nous ramène au point de départ, à la phase de construction de l’objet même de l’analyse. La focalisation sur les coûts a en effet occulté un des éléments essentiels non pas de la production, mais du logement très social considéré dans son principe et dans sa mission, à savoir le bénéficiaire. Si les réflexions sur l’accompagnement social ou l’adaptation de l’offre en tiennent bien compte, il est important que ces différentes approches alimentent en amont ce type d’analyse quantitative. Le risque, autrement, est de se retrouver dans des positions qui ne sont compatibles ni avec les besoins du terrain, ni même avec les priorités des autres partenaires. Les éventuels éléments de maîtrise des coûts dégagés ne pourront dans ce cas se traduire dans les faits.

Les éléments de coûts et de contexte discriminants mis en valeur ici ont été validés par diverses méthodes. La redondance de ces résultats a été sciemment tolérée pour écarter tout biais possible relatif à une méthode particulière. Les données de base sur lesquelles elles sont fondées n’en sont pas moins incomplètes. Aussi, même si ces interprétations sont valables en l’état, il n’est pas sans intérêt d’en compléter la base voire de l’élargir notamment pour appréhender sur le long terme (depuis la mise en place du PLA insertion en 1990 jusqu’aux formes les plus récentes de diversification du PLA dont le PLA à loyer minoré !), les évolutions des coûts de production et de leurs déterminants. La compréhension des mécanismes de production des logements en général et des logements très sociaux en particulier ne pourra qu’en être améliorée.

Mais au-delà de cette approche statistique des déterminants endogènes des coûts de production, d’autres considérations doivent être prises en compte, à moins de ne considérer le logement très social que comme un logement ’pas cher’. En effet, si, dans le contexte de contraintes budgétaires réclamant un meilleur usage des fonds publics, le développement d’une offre de logements adaptés se trouve confronté à la nécessité d’en maîtriser les coûts, cela ne peut se faire que sur la base d’un engagement un tant soit peu ’désintéressé’ des acteurs, relevant d’abord ou fondamentalement du souci d’insertion par le logement des plus démunis. Mais, bien qu’en termes d’affichage, les opérateurs ne puissent que s’inscrire dans cette ligne tracée par la loi Besson, à savoir inscrire le logement très social dans une démarche d’insertion urbaine et sociale, ils paraissent tout à fait libres, dans les phases opérationnelles de mise en oeuvre, de définir les caractéristiques de leur production et leurs modes d’intervention. Et c’est bien là que peuvent s’observer les caractéristiques partagées par l’ensemble des acteurs de même que les spécificités des uns et des autres.

Quant au produit ’logement très social’, sa spécificité réside encore pour une part dans la capacité des opérateurs à en maîtriser les coûts pour aboutir à des loyers adaptés aux ressources des ménages défavorisés, mais autant dans sa conception que dans le principe d’un engagement dans une telle production, d’autres caractéristiques s’y inscrivent, renvoyant aux logiques, aux stratégies et aux pratiques des acteurs engagés.

Aussi, si ce logement peut être appréhendé comme le résultat de la mobilisation et de l’engagement de l’ensemble des acteurs locaux, son évaluation doit certes porter sur la production dans ses aspects quantitatifs et qualitatifs (comme il en a été supra) mais elle doit aussi et surtout essayer de rendre compte de la logique de fonctionnement du système qui le produit, à travers l’analyse des pratiques et des stratégies différenciées des acteurs. A cet égard, seule une analyse portant sur les ressorts structurels et les enjeux institutionnels engageant le système d’acteurs dans son ensemble peut permettre d’en appréhender les modalités de régulation.