Section I : Logiques sectorielles et constitution du système d’acteurs de gestion du logement très social

Le mouvement de décentralisation qui touche la plupart des politiques publiques trouve au début des années 1990 des modes d’expression renouvelés y compris dans le domaine du logement où l’Etat avait gardé par dévers lui l’essentiel des attributions en la matière.

Le dispositif réglementaire qui se met en place dans la première moitié de cette décennie, avec notamment la loi Besson, la loi d’orientation sur la ville et la loi Habitat, institue en effet une approche globale des politiques urbaines et du logement dont il définit les objectifs et les moyens mais dont il laisse la définition des modalités de mise en oeuvre à l’initiative des acteurs locaux.

C’est dans ce schéma que s’inscrit la mise en oeuvre du PDA dont l’élaboration conjointe par l’Etat et le Département doit être avalisée par de nombreuses conventions passées entre les acteurs de terrain. Sensibilisés de longue date à ces problématiques, ceux-ci y ont trouvé non seulement de nouvelles procédures et opportunités mais également une redéfinition des enjeux ainsi que de nouvelles modalités de coopération et de partenariat.

Le système qui se constitue ainsi de l’Etat et des acteurs locaux (du Département aux opérateurs) autour de cet enjeu peut être appréhendé comme une forme de ’gouvernement local’ au sens de ’système d’actions ou d’acteurs qui se constituent pour la gestion des divers services publics, l’élaboration et/ou l’application de politiques urbaines’296.

La participation à ce système recouvre pour les acteurs des enjeux en termes de légitimité qui nécessitent des stratégies pour faire reconnaître, dans le concert des recompositions institutionnelles, leurs compétences ou encore délimiter leur domaine d’intervention.

Les collectivités territoriales, notamment les communes sur le sol desquelles s’inscrivent ces logements, apparaissent également comme des acteurs à part entière qui prennent d’ailleurs plus que tout autre la mesure des enjeux (économiques, sociaux et électoraux) de cette nouvelle production. Là aussi des régulations ont lieu entre les acteurs-producteurs dans leurs logiques organisationnelles et les entités territoriales, avec des stratégies de part et d’autre, soit pour lever des protectionnismes locaux et développer une intercommunalité sociale, soit au contraire pour bloquer le système et limiter l’installation de populations démunies sur telle ou telle commune.

La communauté urbaine de Lyon représentait déjà une certaine forme de régulation anticipant parfois les évolutions législatives, mais la production de logements très sociaux institue une nouvelle forme de coopération et introduit de nouveaux acteurs dans la mise en oeuvre de la politique du logement. De leur capacité à susciter des approches globales, partenariales et intercommunales dépend sans doute le succès, car il apparaît évident aujourd’hui que ce sont les systèmes locaux qui, dans leur relecture et leur adaptation des politiques nationales, mais aussi dans leur capacité à se structurer et à s’approprier les outils d’intervention, sont les véritables acteurs de ces politiques.

D’ailleurs, la mobilisation de ce système local sur la base du partenariat est un des paris de la loi Besson. L’esprit de partenariat qu’invoque le texte de loi ne va en effet pas sans susciter des questionnements, d’autant que chaque acteur y est positionné en fonction de la reconnaissance de sa légitimité dans un domaine de compétences spécifique : aux divers acteurs locaux intervenant dans le domaine du logement s’ajoutent ceux de l’action sociale non moins éclatée ; la présence de l’Etat étant assurée à travers la participation de ses services et représentants locaux.

Mais au-delà des spécificités institutionnelles, il existe des logiques et des références différenciées qui fondent réellement les clivages observables et expliquent certaines difficultés dans la réalisation de ce partenariat. La figure emblématique de ces clivages, que l’on retrouve dans les processus d’élaboration de la plupart des politiques publiques est celle qui oppose les logiques techniques et les logiques politiques297.

Notes
296.

Gouvernement local et politiques urbaines, Actes du colloque de Grenoble 2-3 février 1993, CERAT

297.

cf. J-P. Gaudin, 1989