Section II : Des pratiques aux logiques d’acteurs :fonctionnement et régulation du système

Jusqu’au milieu des années 1990, les personnes à faibles ressources bénéficiant d’une aide de l’Etat sont encore plus souvent et plus nombreux dans le parc privé à vocation sociale que dans le logement social public, même si l’on assiste à une paupérisation réelle de l’occupation de ce dernier. L’évolution des modes d’intervention des pouvoirs publics tendant vers un bouclage progressif de la gamme de segments accessibles aux ménages modestes par le biais de la captation de logements privés par des opérateurs publics (voir les caractéristiques des logements et leurs destinations) permet toutefois de relativiser ce constat.

Les changements de statut ainsi opérés peuvent certes quelque peu modifier la structure de répartition des populations défavorisées dans l’espace urbain, mais des interrogations subsistent quant à la nature de ces mutations : le parc ainsi capté est-il au centre ou en périphérie ? Dans quel état ? S’agit-il réellement d’une action de développement de l’offre sociale ou plutôt d’un transfert de charge du privé vers le public ?

Par ailleurs, non seulement la saturation du parc social constitue un réel frein à l’accès des plus démunis, mais en plus on voit s’affirmer, dans les nouvelles pratiques de production de logements spécifiques, notamment en PLA-TS, une attitude de défiance par rapport aux bénéficiaires désignés de ces logements, caractérisée par un excès de précaution et des réserves nombreuses de la part des opérateurs tout autant que des autres acteurs. Si l’imputation de la crise du logement social aux pratiques des bailleurs sociaux a des fondements certains, ces derniers en ont pris leur parti et veulent désormais remplir leur mission sociale dans de meilleures conditions. Et c’est en ce sens que l’arrivée potentielle d’une demande supplémentaire nombreuse et insolvable est d’abord appréhendée en termes de risques dont ils voudraient, avant même tout engagement, maîtriser les contours et les caractères.