3.1. L’enquêteur a perdu sa langue

L’omniprésence de l’énigme, son caractère global, expliquent que le discours inquisiteur ait changé. D’abord, le langage de l’enquêteur s’avère bien différent du parler organisé et dirigé du détective classique ; en premier lieu parce que la focalisation est différente et nous fait entrer dans l’intériorité souffrante du héros, alors qu’on restait à la surface de l’enquêteur de roman policier classique. Exit l’homme d’un seul livre, souvent représenté par son discours extérieur, pontifiant et rassurant, valorisé par un narrateur relais (type Watson), prêt à s’ébahir (pour que le lecteur en fasse autant) devant ses propos. En second lieu, parce que Carvalho et Soler réagissent comme la société tout entière ; tout le monde s’interroge sur tout le monde, et le roman policier retrouve pleinement son principe narratif fondamental, d’après Jacques Dubois : le commérage. Par ailleurs, chez Belletto, le renversement de situation par rapport au roman classique est complet, puisque Soler communique difficilement et que le roman tout entier pose des questions essentielles sur le langage.