4.2. Un texte réglé comme du papier à musique

Dans l’Enfer, Michel Soler se contente, en fait de nourriture, du strict minimum et se consacre à un art plus reconnu : la musique. Il a été pianiste, mais l'échec de sa carrière l'a amené à la critique musicale, puis à ce livre sur Bach. Du petit Saba où il passe les Cantates à la lugubre boîte à musique dont Simon, aveugle, tourne la manivelle, en passant par la musique standardisée des grands magasins (125, 248), au paso doble du bar des Archers et aux ‘« cris de dindons affolés »’ (198) de la musique du crématorium, la musique est omniprésente dans le roman.

« Langage intersubjectif 236 », la musique évite les écueils du langage parlé, ce qui permet à Michel, si mal à l’aise, de communiquer avec d'autres mélomanes ou musiciens comme Rainer, Anne ou Michèle. Dans la dernière scène où Rainer et Soler se trouvent ensemble, le narrateur note que la musique soulage l’enquêteur et le témoin du poids des questions et du blocage qu’elles entraînent :

‘« Jouons ensemble ? La dernière fugue du premier livre. Vous ferez ma main gauche...
- Essayons. Votre index gauche ?
- Sans importance. Peut-être vous en parlerai-je plus tard.
Je regrettai ma question. Lui ne parlait plus de Simon. Il ne parlait plus de rien. Il ne m’en voulait pas, me sourit même, malicieusement. [...]
J’avais joué avec lui, Rainer Von Gottardt, nous avions joué ensemble !
Il referma le cahier, le piano.
Toute parole, tout geste, toute démonstration auraient été superflus, auraient entamé notre émotion, qui était calme et infinie » (299-300). ’

Le secret de l’entente entre les deux hommes se trouve dans cette scène unique : si Rainer regrette à plusieurs reprises de ne pas avoir connu Soler (224), c’est peut-être que ce dernier aurait pu être sa main gauche, lui permettre de ne pas déchoir en restant dans la communication idéale, la seule communication qui ne craigne pas les silences, ni les équivoques, qui les intègre au contraire naturellement. Pour Roland Barthes:

« Toute relation « réussie » - réussie en ce qu’elle parvient à dire l’implicite sans l’articuler, à passer outre l’articulation sans tomber dans la censure du désir ou la sublimation de l’indicible - une telle relation peut être dite à juste titre musicale 237 . »

C’est pourquoi le narrateur compare sa mère et Simon à deux musiciens s’accordant (134), puisqu’ils se comprennent sans parler la même langue. La communauté d’esprit permise par la musique fait vibrer à l’unisson tous les peuples, comme dans la scène du concert, « véritable petite tour de Babel » (306) ‘(« Rainer était à droite d’un vieux claveciniste tunisien, Michèle à gauche d’un jeune violoniste malien »’ (306)), où le narrateur narcissique oublie enfin le « je » éclaté pour un « nous » pleinement unitaire. Comme le dit Vladimir Jankélévitch,

« La musique ne signifie rien, mais l’homme qui chante est le lieu de rencontre des significations 238 . »

Belletto dit du chant qu’il ‘« anesthésie le sens239 ».’ L’attirance du narrateur pour la musique, comme langage supérieur, se perçoit également dans sa fascination pour le son ; il est attentif aux bruits et aux voix, mais c’est surtout le plaisir du signifiant employé gratuitement qui est fréquemment souligné, c’est-à-dire un goût pour un usage strictement musical de la langue :

« Cette musique du verbe, elle est même exacerbée dans certains jeux de langage, dans lesquels la fonction référentielle en vient à être oblitérée, suspendue. Il arrive à la langue de vouloir se donner comme pure inanité sonore, kyrielle syllabique, métalalie. On parle de musication pour désigner cette priorité donnée à l’aspect sonore du texte sur les autres aspects, notamment sur le sens 240 . »

C’est le langage de Liliane, la mère chérie de Soler, qui est décrit ici : ‘« bili fluc mil mol, Michel blac arcou ! »’ (159), ‘« chapelet de bribes verbales »’ (134) que ceux qui l’aiment comprennent. Soler recherche cette « musication » avec ses calembours et ses jeux d’allitérations et d’assonances, ses permutations dont il souligne lui-même l’absence réjouissante de sens. Ce n’est pas de l’harmonie imitative, puisque le sens est oublié, au contraire : la séquence ‘« hou, hou, hou » ’(213), réitérée si fréquemment, n’a certes aucun lien avec son signifié d’origine (le houx), il ne s’en fait que l’écho bondissant et musical. Le langage, ainsi traité, est innocent ; castré du signifié, il crée entente et joie enfantine, au coeur même du drame.

Plus généralement, l’ambiguïté profonde à l’oeuvre dans l’Enfer a sûrement quelque chose à voir avec celle de la musique ; dans ce roman, le grotesque (par exemple l’invasion des exagérations bouffonnes) côtoie le grandiose (tonalité d’ailleurs fréquemment due au motif musical, qui fait changer le registre, rend graves en les épurant certaines scènes comme le concert), le ludique le tragique, le puéril le profond, le vulgaire le raffiné, le profane le sacré, et le superficiel le caché, l’obscur. Pour Belletto, le secret est en effet contenu dans l’art musical ancien, en particulier chez Bach241. Ce mélange d’insignifiance et d’insondable vérité est ainsi une caractéristique fondamentale de la musique :

« Il y a dans la musique une double complication, génératrice de problèmes métaphysiques et de problèmes moraux, et bien faite pour entretenir notre perplexité. D’une part la musique est à la fois expressive et impressive, sérieuse et frivole, profonde et superficielle ; elle a un sens et n’a pas de sens. La musique est-elle un divertissement sans portée ? ou bien est-elle un langage chiffré et comme le hiéroglyphe d’un mystère ? Ou peut-être les deux 242  ? »

Cette capacité de la musique à exprimer l’indicible en même temps qu’à annuler le signifié explique la fascination qu’elle exerce sur Belletto, dont le vocabulaire herméneutique évoque effectivement le goût pour le mystère et le besoin de décrypter, d’aller chercher derrière les apparences ; le narrateur conçoit son existence d’une manière particulière : ‘« Mes visites obstinées au Maître se détachaient sur la toile de fond de ma vie comme une figure revient avec régularité sur une tapisserie, or à volonté je pouvais percevoir ma vie comme figure et mes visites rue de l’Eglise à Francheville comme fond [...] »’ (225). L’opposition fond/figure qui parcourt le texte (cf. 372, 394) semble faire de l’existence de Soler une portée musicale, inquiétante dans la mesure où le narrateur est ignorant, dans le récit, des notes suivantes, des mouvements décidés par « l’auteur » du « grand livre du Destin » (388) ; mais s’il restitue dans la narration son incertitude d’alors, il montre qu’il connaît la partition par l’emploi du passé et par un système récurrent d’annonces : ‘« Je devais moins rire quelques instants plus tard. Voici »’ (226). 

Au-delà de la présence thématique musicale envahissante, la musique est une nécessité pour Belletto, elle structure l’oeuvre, lui donne sa signification, et présente des analogies importantes avec l’écriture.

Certes, la musique ne constitue pas la clé du crime, comme dans Six crimes sans assassin de Pierre Boileau. Mais elle sert de fil d’Ariane ; les personnages principaux sont reliés par un tissu musical, étant mélomanes, musiciens amateurs ou professionnels : Soler, musicologue et ancien pianiste, Rainer, l’artiste majeur, Anne, Michèle, Isabel de Tuermas, étudiantes plus ou moins brillantes, les Dioblaníz, fidèles amis de Rainer et mécènes renommés, Jinez, ophtalmologue et pianiste amateur. Rainer a connu Ana de Tuermas, sa femme fatale, par les Dioblaníz ; ceux-ci ont rencontré Jinez grâce à leur passion pour la musique ; Michèle a été opérée par le même Jinez ‘(« on a beaucoup parlé musique »’ (245)) ; c'est parce que Michel a écrit sur Bach qu'il rencontre Rainer et, grâce à lui, Isabel, et qu'il est convié au concert des Dioblaníz. Annie a joué du hautbois, notamment pour interpréter la Cantate 82 ; Michèle s’apprête à enregistrer (elle y renoncera) les Danses Espagnoles de Granados, familières à Soler, et ce motif de l’Espagne revient constamment (voyage de Soler, vacances d’Anne, nationalité ou langue de plusieurs personnages).

La musique appartient aussi au décor de l’Enfer : parmi les nombreux objets cités page 10 (dont certains constituent des indices), sont mentionnés un diapason, qui semble donner le la au roman entier, et le livre de Soler sur les Fugues de Bach, oeuvre qu’il écoute, jouée par Rainer Von Gottardt, dès la page 16 (et pages 61 et 111) et qu’il joue avec Rainer lui-même page 300, à l’apogée de leur amitié. Ces fugues sont un motif de l’oeuvre, nous y reviendrons, et elles trouvent un écho dans les hypothèses pour expliquer la disparition de Jinez ‘(« Peut-être qu’il a fait une fugue’ » (245)).

Bach, image du génie absolu, « Christ musical 243 », d’après Yehudi Menuhin, qui ne peut que séduire Soler le mégalomane, constitue l’arrière-fond du roman, tout se rapporte à lui ; Jinez comme Rainer lui ressemblent. Michel est obsédé par certains morceaux, qui portent le sens du roman : Bach, justement, fascine Belletto, pour son « symbolisme systématique 244  ». Soler est hanté en premier lieu par la Cantate de la Purification, qu’il écoute avant (15) et après sa tentative de suicide (111), juste après avoir subi un lavage interne complet ‘(« le sang passe dans une machine qui le purifie »’ (103)), parachevé par une toilette externe minutieuse. La musique lui sert de catharsis, sublime ses désirs de mort. Cette oeuvre de Bach est au programme du concert du Temple du Change, au coeur du roman et de sa signification, concert pendant lequel meurt Rainer et « ressuscite » Jésus. Belletto traduit une partie des paroles de cette oeuvre, en en altérant la signification pour la mettre au service de son propre roman. Rappelons-nous aussi le portrait de Bach, mal scotché sur un mur de l’appartement de Soler, mentionné dès la page 12. La description qu’en fait le narrateur insiste sur les yeux ; lorsque Soler y revient, trois pages après seulement, c’est pour rappeler que Bach est mort des suites d’une opération ophtalmologique.

Dès lors, la traduction du texte allemand qui fut mis en musique par Bach va se mettre au service du motif oculaire, obsédant, de l’oeuvre : ‘« Endormez-vous, yeux fatigués »’ (307), devient ainsi le refrain de chacune des deux arias du début, ce qui n’est pas le cas dans le texte d’origine, où l’on ne note qu’une seule occurrence de cette expression, dans l’avant-dernière aria, les deux premières insistant sur le personnage tant attendu du Sauveur. Par ailleurs, on relève une autre altération, de taille celle-ci, puisqu’il ne s’agit pas de mettre l’accent sur un détail (opération, d’ailleurs, à laquelle se livre systématiquement le narrateur), mais de faire dévier le sens global de la Cantate 82 : ainsi, dans le psaume utilisé par Bach, Siméon est un vieillard comblé ; Dieu lui avait promis qu’il vivrait assez vieux pour voir le Sauveur, et Jésus lui apparaît au temple. Il exulte et montre à tous sa détermination à quitter la terre pour suivre son Seigneur. Belletto revoit le texte et en fait une apologie de la mort, un chant suicidaire : Siméon devient un homme exaspéré par l’existence et le mot « mort » revient quatre fois à la rime dans les deux arias finales, alors que Tod n’est présent qu’une fois dans la dernière aria dans le texte d’origine. Cette transformation du texte se perçoit très nettement dans le résumé que Michel ressasse au moment du plus grand découragement : ‘« J’en ai assez, [...], je n’en peux plus, je souhaite mourir, endormez-vous, yeux fatigués, fermez-vous » ’(296). Belletto procède donc à une interprétation, au sens musical, c’est-à-dire qu’il donne une intention au psaume en insistant sur l’épuisement physique et moral de Siméon ; d’un chant où l’individu s’efface derrière son Seigneur, il fait une plainte narcissique et dépressive.

De cette façon, la Cantate devient le reflet de l’âme de Rainer, Rainer épuisé par la vie, amputé de ce qui faisait son paradis, qui s’est traîné vers le Temple lui aussi, pour y vivre ses derniers instants et exhaler son dernier souffle, et dans l’attente d’un « miracle » (298) : revoir Ana. Ainsi Belletto crée-t-il un effet parfait de symétrie entre ce qui se passe sur scène et dans la salle, entre la mort de Siméon et celle de Rainer ; le développement musical suit pas à pas le déclin progressif de l’artiste, avec pour arrière-fond une transformation carnavalesque des rôles bibliques : Jésus prend les yeux de Simon, tandis que Melchior chante, dirigé par Thomas, dans le Temple du quartier Saint-Jean, et que Rainer (re-né ?) Von Gottardt, dieu de Soler, agonise: ‘« L’union de la voix, de l’orgue et du hautbois tenait de la magie ; on s’élevait, on était transporté au plus haut du ciel ! [...] On mourait »’ (307). Ce n’est plus une figure de style, puisque Rainer expire après la dernière note de la Cantate. Soler intervient pour que ne soit pas jouée la suite prévue, qui va de soi : ‘« Christ lag in Todesbanden, le Christ gisait dans les liens de la mort »’ (309).

L’interprétation, en musique, est essentielle, et elle ne constitue pas une quelconque falsification, puisqu’enfin, la musique, système de signifiants purs‘, « langage sans plan articulé du signifié245 »’, fonctionne avec l’équivoque et a le sens variable que chacun lui prête, selon l’humeur du moment et les circonstances : Soler, le narrateur, ne peut qu’entendre dans la Cantate le chant de mort de son ami (après y avoir vu le sien propre, à l’heure de son suicide), ami à qui il tient la main pendant son agonie en plein concert. Cette interprétation est d’ailleurs présente dans le livre écrit par le narrateur sur les Fugues de Bach, ‘« interprétation écrite »’ (82) dont l’éloge est fait par la voix de Rainer dans sa pseudo-autobiographie : ‘« [...] livre merveilleux, unique dans la littérature musicale par sa compréhension tout intérieure certes de l’oeuvre de Bach, par sa profondeur née d’audacieux, de subtils, à la fois secrets et fort visibles jeux de surface, de l’examen le plus immédiat des notes presque considérées dans leur impression charnelle sur la partition - j’exagère - et j’ai déjà expliqué cela - le mécanisme de cette pensée comme horizontale, analogue au jeu des doigts sur le clavier, chaque doigt ne pouvant en aucun cas s’enfoncer plus profondément que la touche - livre unique donc dans la mesure où il constitue une interprétation véritablement musicale - et quelle interprétation ! -, livre qui est appelé à un succès mondial, car aucun musicien au monde ne saurait le lire sans profit » (’286). L’interprétation serait donc une « compréhension tout intérieure », et on ne peut s’empêcher de rapporter ces propos au champ lexical utilisé pour l’enquête, où il est question régulièrement de « jeux de surface » : Soler est donc un enquêteur idéal dans la mesure où enquêter requiert les mêmes qualités que faire de la musique ; il convient dans les deux cas d’interpréter des données horizontales en les reliant pour qu’elles fassent sens.

La dernière occurrence de la Cantate 82 intervient alors que Michel se rend sur les lieux du sacrifice de Simon, et le narrateur rappelle encore la signification de cette oeuvre ‘: « [...] et je sifflais le thème de la dernière aria de la Cantate n° 82, pour la Fête de la Purification, tandis que le monde s’apprêtait à sa grimace la plus hideuse [...] »’ (372). Le sujet de la Purification recoupe pleinement ce que nous avons dit de la signification sacrificielle du roman (cf. 3.3.2). Simon est symboliquement immolé et la tension violente retombe. La Cantate constitue donc bien le thème du roman, tant au sens littéraire qu’au sens musical, puisqu’elle ponctue le récit et lui donne sa forme :

‘« La forme, c’est la manière dont une oeuvre [musicale] s’efforce d’atteindre l’unité. Plus grande est la diversité que cette manière met en jeu, plus la forme est riche ; plus les éléments introduits se coordonnent en un tout homogène, plus la forme est parfaite 246. »’

Cette définition d’André Hodeir de la forme musicale semble faite pour l’Enfer, roman hyperstructuré où chaque élément prend sens à partir d’un autre ou de sa propre récurrence. En fait, la musique, lorsqu’elle est la passion des écrivains, comme c’est le cas pour Belletto (« Bach ne m’a pas quitté 247»), leur donne la nostalgie de la forme la plus structurée qui soit. Nombreux sont ceux qui ont fait une tentative pour s’inspirer d’une structure musicale dans leurs romans, que ce soit André Gide (les Faux-Monnayeurs) ou Balzac (César Birotteau), ou encore Alejo Carpentier (Chasse à l’homme) ; ce sont les exemples étudiés par Françoise Escal dans la première partie de son ouvrage intitulé Contrepoints, et elle rappelle l’idée de Claude Lévi-Strauss : au départ unies, la musique et la littérature se sont scindées ; l’une a pris la forme du mythe, et l’autre son contenu :

« l’une faite de constructions formelles toujours en mal de sens, l’autre faite d’un sens tendant vers la pluralité, mais se désagrégeant lui-même par le dedans à mesure qu’il prolifère au dehors, en raison du manque de plus en plus évident d’une charpente interne, à quoi le Nouveau Roman tente de remédier par un étaiement externe, mais qui n’a plus rien à supporter 248 . »

Françoise Escal évoque ici en particulier l’écriture de Robbe-Grillet, dont elle rappelle qu’il a, dans sa quête d’une armature formelle, emprunté à la structure solide du roman policier. C’est en effet la même nécessité qui a poussé Belletto à trouver une charpente interne, proche de la musique, dans la composition forte du roman policier classique, avec lequel son roman a tant d’affinités ; dans ce genre en effet, rien n’est laissé au hasard, tous les éléments sont scrupuleusement reliés, comme les personnages, tous les indices convergent vers une même signification, et on a vu par quel réseau de coïncidences et de champs lexicaux obsédants Belletto rassemble son récit, par exemple dans l’image des yeux qui parcourt le texte de bout en bout, du nom d’une rue (du Regard) au portrait d’un passant (l’« oeil noir » (243) du dessinateur), d’un détail architectural (oeil-de-boeuf) à une expression courante (faire les gros yeux). La ressemblance entre le genre policier et la structure musicale a été soulignée par de nombreux critiques249, parmi lesquels François Fosca, dès 1937 :

« Le roman policier a donc de grandes ressemblances avec l’oeuvre musicale. Une pièce de musique peut être considérée comme une série de variations mélodiques et d’accords qui suspendent le moment où se produira la cadence finale [...] Dans ces trois cas, roman policier, pièce musicale, amour, l’oeuvre résulte de la composante de deux forces : d’une part, le désir d’arriver au but (solution du problème, cadence finale, aveu) et de l’autre le désir de prolonger le trajet 250

Dans l’Enfer, Soler affirme que l’écriture ne lui a été nécessaire que parce qu’il ne pouvait plus jouer du piano : ‘« Une interprétation écrite ! Quand on n’est plus capable d’une interprétation jouée [...] »’ (82). Tâchons d’éclairer cette ressemblance entre deux systèmes par ailleurs si différents : la musique se construit à partir d’un thème, aisément repérable à l’inverse du thème littéraire (qui se déduit par une étude), en ce que, dit Françoise Escal, il apparaît, à l’instar du thème linguistique, au début d’une oeuvre ; l’Enfer applique cette caractéristique musicale, si l’on admet pour thème du roman la Cantate de la Purification, puisque les références à la musique sont installées dès l’ouverture : ‘« Deux feuillets et quart d’un discours et d’une écriture d’outre-tombe, mais assez soutenus’ ‘, allants’ ‘, compacts, ’ ‘quasi-allegro’ ‘*251, à leur façon, au début j’eus envie de pleurer, au milieu beaucoup, je faillis poser mon front sur mes bras repliés et m’abandonner à des sanglots, de ceux qui font trépider l’abdomen et l’endolorissent » ’(7). Il écoute la Cantate 82 dès la page 15, et la dernière fugue du livre premier du Clavier bien tempéré, dès la page 16 : le matériel thématique est rapidement exposé, et il est clair que pour ce qui est du roman policier en général, il consiste en un ensemble d’indices et de leurres systématiquement étalé sous les yeux du lecteur.

Après l’exposition vient le développement où est utilisé ce matériel, et où le thème se repère parfaitement, en musique comme dans l’Enfer, par l’utilisation de la répétition :

« On peut rapprocher du thème, en musique, comme unité de contenu, le Leitmotiv [...] Cela consiste à accoler à chaque personnage, à chaque objet important (l’épée de Siegfried), à chaque thème (l’amour, la mort), un thème mélodique qui réapparaît en même temps que ce qu’il indexe. Si le drame le demande, il peut être modifié. Il nous renseigne 252 . »

Cette qualification fixe des personnages dans la musique trouve pleinement son équivalent dans le système prédicatif de Belletto : Rainer est l’artiste mutilé, Liliane, la « mère adoptive » ; Michèle est toujours caractérisée par l’« angoisse » (237, 279, 280, 283, 293, 297, 327, 362, etc.), Simon, « petit lapin d’enfer » (170), est constamment perçu comme maléfique malgré son charme (118, 119, 135, 137, 163, 175, 278, etc.) jusqu’à son énucléation qui le transforme purement et simplement en « petit lapin » (386, 389) ; son père est sempiternellement accompagné de la phrase nominale « un corps, rien qu’un corps » (73, 115, 211, 385) ou de l’apposition « mort-vivant » (183, 377, 390), transmise à son fils page 392 ; ce qui est vraiment significatif de la ressemblance de ce procédé avec celui de la caractérisation musicale, c’est qu’elle n’est pas le fait d’un seul personnage, mais de plusieurs : « un corps, rien qu’un corps », est répété par Soler, qui l’a entendu dire par l’acolyte de Lichem, et l’étiquette collée aux Dioblaníz, « ces deux fous - surtout elle » (83, 166, 284, 297, 368, 384), est employée aussi bien par Rainer que par Soler ou le commissaire. Françoise Escal appelle ces informations quasi invariantes des « indices 253», constitutifs du leitmotiv ; dans l’Enfer, dont le narrateur imite toujours et se fait l’écho des autres, Belletto adapte le procédé au genre romanesque, d’une part, puisque la répétition devient à son tour une manière de caractériser le personnage de Soler, et d’autre part, au genre policier, en créant un nouveau style d’indice, indice itératif, insistant, qui se laisse percevoir par le lecteur par imprégnation. Le système de prédication va ainsi toucher tous les acteurs, chargés de véhiculer le leitmotiv oculaire qui circule dans le texte, motif indicial puissant : simples figures anonymes  (l’employé de Carrefour à « l’oeil de verre » (41), la cliente au ‘« blanc de l’oeil tout visible »’ (42), des vieillards au ‘« blanc de l’oeil tout apparent’ » (19), le passant à l’« oeil exorbité, prêt à jaillir » (71), le douanier qui ‘« clignait des yeux sans cesse »’ (313)) ou personnages principaux : Simon, l’enfant à la « vue exceptionnelle » (383, par ex.), Jésus, l’enfant aveugle, ‘les « yeux extrêmement écartés »’  (68) de Torbjörn, Michèle qui louche ‘(« j’y vois à peine de cet oeil »’ (154)), les « yeux fous » (50) des Dioblaníz, l’« oeil clos » (211) du colonel de Klef, les « yeux striés de motifs sanglants » (299) de Rainer, les « lignes convergentes de [l’]iris » (319) d’Isabel de Tuermas.

Le motif rayonne, il a une fonction distributionnelle dans l’oeuvre entière, provoquant constamment des rappels, des échos d’une partie à l’autre, même quand il semble être question d’autre chose. Le thème musical, procédé qui trouve ici un équivalent littéraire, ne constitue donc pas seulement une répétition, il est toujours « thème-en-vue-de-quelque chose 254 ». Appelé autrefois « idée musicale », il peut faire l’objet d’une répétition obsédante, comme dans l’écriture de Belletto. Cette « maladie de la répétition 255», appelée « palilalie  », il l’a utilisée pour donner à son récit cette structure dont nous parlions, et le retour entêtant de l’indice nous permet non seulement de percevoir insensiblement la clé du mystère (l’énucléation), mais aussi de situer ce moment dans la chaîne de l’énoncé : il devient évident, vu le nombre de références à la musique, en général, et au concert du 15 août, en particulier (billet, affiches, discussions, disques), que Jésus sera opéré ce jour-là, d’où l’exultation suspecte de sa mère à la fin du concert : ‘« Ses larmes, me dis-je avec une stupéfaction qui me glaça le sang dans les veines, mystérieusement, et malgré la chaleur qui menaçait de nous décomposer vifs, nous tous, les vivants de ce temple, ses larmes étaient des larmes de joie ! Certes, une mélomane passionnée ! Réputation non usurpée !’ » (310).

Nous avons par ailleurs constaté combien l’enquête sur la disparition de Simon paraissait être menée distraitement, constamment éclipsée par les histoires d’amour de Michel et sa longue interview de Rainer... Cette mise entre parenthèses de l’intérêt policier prend son sens dans une lecture musicale du roman : en effet le thème est une matrice générant des transformations successives, appelées variations, qui semblent obscurcir le fil conducteur :

« Pour déjouer la monotonie et prévenir l’ennui, la musique classique se fait, elle, jeu subtil de rappel et d’oubli, de réminiscences et de surprises : balance du connu et de l’inconnu. L’attente d’une satisfaction s’accompagne d’émotion inhibée. La variation, le développement, c’est cette tension qui provoque l’attention, et la dialectique du thème et de ses transformations, c’est celle des attentes et des prévisions d’une part, des crises, des solutions différées d’autre part 244 . »

Ce propos de Françoise Escal sur le thème musical et ses variations semble illustrer parfaitement la structure herméneutique en général, et celle de l’Enfer en particulier :

« Il y a des liens d'ailleurs entre le flamenco, Bach et l'écriture telle que je la conçois : des variations sur un même thème 256 . »

les « oublis » successifs de Soler suspendent régulièrement les efforts du lecteur pour y voir clair ; le suspense du livre découle de ces déviations narratives. Cependant, en parlant d’autre chose, par exemple en interrogeant Rainer sur sa vie (brouillage musical), Soler parle en fait de la même chose, ce qu’on ne perçoit qu’à la deuxième lecture : Rainer a été complice du premier enlèvement de Simon, il a un secret qu’il faudrait mettre au jour pour retrouver l’enfant, et c’est ce à quoi s’emploie souterrainement (thème musical) Soler. Françoise Escal rapproche cette structure du contrepoint :

« Motifs et figures servent de fondement pour le développement de la narration, en ce qu’ils apparaissent, se perdent, réapparaissent, se répondent et se combinent, tissant un réseau de rappels, de reprises, de symétries, de parallélismes ou de bifurcations qui évoquent le contrepoint 257 . »

Pour le reste, le choix musical de Belletto, s’il procède d’un goût personnel, n’en est pas moins lourd de conséquences au plan narratif. L’Enfer est un roman rythmé par les mêmes musiques : la Romanza du Concertine en la mineur de Salvador Bacarisse au « mouvement lent » (125), précède à deux reprises (125, 248) le déchaînement de catastrophes (double enlèvement de Simon, scène de la rue du Soleil) ; la chanson créée par Anne (59-60), mise en abyme de la rencontre amoureuse entre Michel et Michèle, agit comme un signe prémonitoire : ‘« [...] une nuit de carnaval, les gens dansent, un homme est amoureux d’une femme mais elle feint l’indifférence, elle danse sans s’occuper de lui, et même cherche à le rendre jaloux » ’(60). Le paso doble du Bar des Archers traduit pleinement la multiplication des figures du double dans le roman : ‘« Le juke-box diffusait un paso doble (rythme pour lequel, du fait sans doute de mes origines et du nombre infini de paso doble entendus depuis l’enfance, je n ’étais pas sans avoir du goût) endiablé, agressif, tenace, taraudant, qui forçait l’écoute, il fallait se faire une violence plus grande pour ne pas marcher en mesure coudes au corps, jambes fléchies, derrière pointé, lèvres fermées contrôlant mal un sourire idiot, pour avancer à son propre rythme intérieur [...] » ’(140). Ce type de musique très cadencée exerce une force telle sur l’individu qu’elle le dédouble, le corps devenant autonome et cédant à la violence du rythme « endiablé ».

Quant à la composition pour violon d’Anne, elle présente une équivalence parfaite avec la citation précédente de Françoise Escal et avec la structure du roman à énigme, avec ce que Belletto recherche dans ce genre de tension et de mystère : ‘« Le thème était splendide, d’une séduction à la fois immédiate et ’ ‘cachée’ ‘. Chaque mesure, chaque note allait de soi et étonnait. Et l’invention d’Anne [...] dans la variété des développements, la manière évidente et surprenante dont elle revenait parfois au thème tout nu, la manière non moins évidente et surprenante dont elle le faisait ’ ‘renaître’ ‘ le métamorphosait, alors qu’on pouvait’ croire à sa ‘belle mort, la manière enfin [...] dont ’ ‘la résolution des attentes’ ‘ qu’elle savait susciter par les jeux de mélodie et de rythme satisfaisait, mais sans entamer comme une attente plus profonde, ’ ‘quelque secret plus enfoui’ ‘*258 qu’on avait pourtant l’impression délicieuse d’approcher, attente et secret qui semblaient survivre à la fin du morceau, aux dernières notes laissant alors l’esprit apaisé et avide allègre et douloureux, me mirent l’intérieur de l’être à feu et à sang ! » (361). La musique est comme une langue étrangère, elle dissimule le sens.’

Mais au niveau de la structuration du récit, et même sans doute de l’écriture, il faut se rapporter à la référence dominante, Bach, représenté par deux de ses oeuvres : les Préludes et Fugues du Clavier bien tempéré (sur lequel porte le livre maudit de Soler) et les Cantates (la 4 - utilisée pour son titre -, et surtout la 82). Auteur essentiel pour Belletto ‘(« D’une certaine manière, je n’ai jamais vraiment aimé un autre compositeur que Bach 259»),’ il influence la conduite du récit au-delà de la démarche thématique, et la façon dont Belletto le définit dans son livre sur Dickens montre à quel point le génie de la musique l’a influencé ‘: « Obsessions monomathématiques, répétitions, imitations, symétries, parallélismes, renversements, parodies, ricercar (« recherche »), fugue (« fuite ») [...] 260»’. Commençons par la fascination de Belletto pour une construction arachnéenne, « cocon 261» qui ne laisse rien au hasard.

Bach est en effet connu pour son contrôle absolu de la construction, son exigence d’une structure étudiée au millimètre, avec une passion mathématique que l’on retrouve dans l’Enfer, roman dont on a vu qu’il offre le même foisonnement ordonné, agencé, cimenté qu’une oeuvre de Bach. En relevant quelques-uns des procédés de ce musicien, étudiés par Françoise Escal, nous trouverons une autre explication à plusieurs aspects du roman.

Tout d’abord, ce foisonnement correspond au goût baroque de Bach pour les ornements. Les ornements, en musique, sont ce qui dissimule le secret. Rappelons-nous aussi ceux de l’hôtel de la rue du Soleil, totalement « incongrus » (252) sur un Hôtel Renaissance. Or, Soler l’explique dans son livre : chez Bach, les ornements sont essentiels pour saisir le sens262 ; dans le roman policier, ce sont les multiples détails qui créeront la trace. Structure musicale et démarche inquisitrice sont ainsi rapprochées par Rainer lui-même, lorsqu’il conseille à Michel de noter des détails intimes pour sa biographie : ‘« Nous adorons tous les détails. L’esprit se complaît à les relier entre eux. Je pense, par association lointaine, à ce que vous dites des ornements dans votre livre [...] Vous parlez des ornements si nombreux et excessifs de certaines interprétations qu’on n’entend plus qu’eux. Et qu’ils finissent par être perçus en tant que l’âme même de la musique. » ’(162-163).

Effectivement, la trame de l’Enfer n’est pas simple, puisque de multiples événements interfèrent d’une manière totalement maîtrisée, malgré la manière incohérente dont Michel/Belletto semble craindre qu’un confident/lecteur puisse les percevoir :  ‘« en une semaine, sept jours, je m’étais fait passer auprès d’un inconnu pour un ravisseur et un tueur professionnel et en avais reçu trente mille francs d’acompte, je m’étais suicidé, j’avais interviewé à plusieurs reprises un pianiste de renommée internationale, enlevé un enfant, séquestré la soeur de cet enfant dans l’intention plus ou moins de la violer, enterré ma mère, tuée on peut le dire par l’un des vrais ravisseurs, filé quelques heures de parfait amour partagé avec la soeur, [...] l’enfant avait été enlevé au premier ravisseur par un deuxième ravisseur, lequel avait tué le détective qui venait de tuer le premier ravisseur, et m’avait blessé [...], blessé dans un hôtel Renaissance du vieux Lyon dont il existait une copie conforme à Berlin, un bâtiment identique dans lequel trois ans plus tôt le même enfant avait déjà été séquestré ainsi que son père et où le pianiste de renommée internationale dont je vous parlais à l’instant... »’ (262-263). Tout est là (et encore, c’est un résumé !) : la prédilection toute baroque pour le foisonnement (tout devant partir de l’unique), pour le dédoublement (dédoublement et redoublement des enlèvements, des lieux), pour la dualité (amour et haine, héros criminel), pour la répétition, et, au niveau thématique, pour la forte opposition de la vie et de la mort (la cantate 4 présente ce duel, ce point de bascule permanent) et entre la résignation et l’espoir, entre la réalité ‘(« l’un des vrais ravisseurs »)’ et l’apparence ‘(« je m’étais fait passer »),’ et pour cet intense sentiment de la fragilité des choses qui transparaît ici dans l’éphémère du sentiment amoureux, le plus intense soit-il : ‘« quelques heures de parfait amour partagé » :’

« Le baroque apparaît lorsque la musique cesse de transcrire ce qu’on pourrait appeler le repos de l’âme dans l’harmonie, lorsqu’elle cesse même de vouloir le susciter par le moyen des sons, pour tenter au contraire de traduire le tourment, l’émoi, l’insatisfaction, l’agitation de l’âme par le moyen des mouvements harmoniques et mélodiques tourmentés, brisés, désagrégés. Non qu’elle refuse d’exprimer le repos et parfois l’extase, la foi et parfois la béatitude, mais elle le fait comme un sentiment passager, instable, menacé 263 . »

Les moments d’extase de Michel avec les femmes ou avec Rainer sont comme suspendus dans le flot des événements, ils forment une digression qui peut du reste correspondre à un ralentissement de la narration (largo, andante), comme c’est toujours le cas pour les entrevues avec Rainer (« la parenthèse hors du monde que constitua cette fois comme les autres ma visite au Grand Interprète » (274)). Ces pauses sont par ailleurs présentes lorsque l’enquête est au point mort et que nul événement ne survient, d’ordre amoureux ou policier : par exemple, au chapitre 8, qui succède à un chapitre très mouvementé (prestissimo), correspondant à l’enlèvement de Simon, à la mort tragique de Liliane et à la rencontre avec Lichem, rien de violent ne se passe (enterrement de Liliane, discussions, visite à Rainer) jusqu’à la page 226, où Michel surprend Lossaire et Michèle ensemble et où sa violence intérieure se déchaîne, cultivant l’antithèse baroque, et son attrait pour l’irrationnel : « Et une chaleur si forte et si égale ressembla soudain au froid de l’hiver » (228). La structure globale du roman suit donc des mouvements alternés et contrastés, mêlant les périodes calmes aux séquences tumultueuses, correspondant aux différents mouvements de la cantate. D’après Milan Kundera, dans un roman,

« Une partie, c’est un mouvement. Les chapitres sont des mesures 264 . »

L’allant, premier terme musical employé dans l’Enfer, caractérise cette exigence de la musique baroque, indissociable de l’ornementation ; Philippe Beaussant, cherchant à retrouver le sens du mot « baroque », insiste sur cette caractéristique :

« Toutes les formes de la musique baroque sont des formes en mouvement [...] elle cache les lignes sous la profusion de l’ornement 265 [...] »

C’est cette exigence de mouvement qui fait que Belletto a préféré la forme policière à suspense à la forme classique ; en déplaçant le moment criminel, il crée une tension qui n’existe pas dans le roman à énigme classique, pur discours, inscrit dans le moment de réflexion qui suit le crime. Cette tension est présente dans le mouvement de la poursuite, Michel s’aventurant jusqu’en Espagne. Or, cette forme de roman d’action croise la forme de la Fugue, motif de l’Enfer, ‘« partie de chasse, caccia 266»’, qui donne ainsi sa structure au roman ; Etienne Souriau décrit ainsi les fugues de Bach :

« L’entrée du premier motif, du sujet, puis quelque temps après du contre-sujet ; leur alternance (il semble qu’ils jouent à cache-cache) ; leurs courses l’un après l’autre ; leur pourchas effréné dans la strette ; leur arrêt et leur réconciliation finale dans la conclusion ; tout ce petit drame qui les transforme en choses ou en personnages, appartient bien à une sorte de fabulation représentative 267 ... »

Le sujet (l’enlèvement de Simon) croise sans cesse et se mêle au contre-sujet (l’interview de Rainer), d’une manière complexe, et la fugue se termine par la strette, c’est-à-dire par une accélération où les différents acteurs entrent en scène rapidement et successivement, accélération normale dans un roman d’action, perceptible dans le dénouement du roman, avant le ralentissement de l’épilogue.

La structure globalement cyclique du roman (cf. 2.4.1.) peut également découler de cette construction musicale : Bach a renforcé l’usage qui veut qu’on redise le thème à la fin, en en faisant ‘un « effet de clôture, d’achèvement, de retour au point de départ’ 268». A la fin du récit, Michel se retrouve seul à nouveau, et il doute que septembre vienne ; malgré ce qui a été acquis pendant le développement, le roman semble oublier le voyage et ne fait que s’arrêter sur une dernière note étrangement semblable à la première dans son incertitude. De surcroît, la musique donne au roman une structure en chiasme : Soler écoute seul la Cantate 82 (15) et la fugue BWV 869 (16), à l’ouverture du roman, et ces deux pièces vont clore successivement le roman : il joue avec Rainer la même fugue (300) et l’orchestre du Temple joue la Cantate pendant l’agonie de Rainer (307). Les multiples résurgences de ces pièces musicales dans le cours du roman, qui ne sont qu’un exemple parmi d’innombrables autres de la manie répétitive de la narration, sont dans la droite ligne du goût baroque pour la réitération, visible chez Bach, à l’inverse de l’exigence moderne d’originalité : tout n’est jamais assez dit, il faut toujours redire.

Par ailleurs, le processus d’intertextualité est un procédé essentiel pour l’écriture musicale. La réécriture, c’est l’esprit même de la musique baroque, à travers le concept fondamental d’oeuvre ouverte : en premier lieu, cette musique n’existe pas sans cette réappropriation souhaitée par le créateur et opérée par celui qui interprète la partition (ajouts, transformation de rythme, reprises, ornementation, etc.), ce qui constitue un premier niveau de réécriture. Par ailleurs, l’époque baroque voit une généralisation de la pratique de la parodie, caractérisée par une réécriture encore plus libre : ajouts d’airs d’un autre compositeur, changement de paroles, de ton, adaptation de pièces dans un registre différent, pasticcio (mélange d’oeuvres diverses), travestissements burlesques, etc.

Bach y recourt très souvent, intégrant parodiquement dans ses partitions des « objets trouvés 269 », des chansons populaires par exemple, dans le domaine du sacré. Cette pratique nous semble très proche de l’intertextualité appliquée dans l’Enfer, où non seulement la musique populaire trouve sa place à côté des airs sacrés, mais où le genre policier, populaire, est utilisé, intégré dans la structure d’un roman différent. Etablissant un parallèle entre la musique et une certaine écriture, qui cultive l’intertextualité, Jean-Claude Vareille dit à propos de Butor :

« Constructions fuguées, polyphonie, contrepoint, reprises, variations, canon, ont émergé dans l’écriture butorienne bien avant son abandon du roman, car ce sont des figures de l’intertexte [...] De façon générale, on assiste, dans ces années du demi-siècle, à un événement capital que l’on pourrait nommer musicalisation de la narration - lié au dédoublement et à l’éclatement du sujet sans doute, à une philosophie de la relativité peut-être, lié aussi à la prégnance de l’intertexte - elle-même conséquence, elle, des deux phénomènes précédents 270 . »

Ainsi, une fois encore, la musique nous offre une piste fondamentale pour synthétiser certains aspects fondamentaux du texte : le narrateur si incertain de lui-même, si partagé, attiré vers autrui comme vers son double, les dédoublements multiples (personnages, lieux, situations, coïncidences) et la présence de l’hypotexte policier consécutive à cette dispersion du moi. « La malédiction de Babel est vaincue », dit encore Jean-Claude Vareille, recoupant ce que nous disions du pouvoir unificateur de la musique : celle-ci n’est donc pas seulement un langage commun en ce qu’elle permet la compréhension universelle, elle l’est aussi parce qu’elle est polyphonie, présence de plusieurs voix et de plusieurs substrats culturels - le profane et le sacré chez Bach comme chez Belletto -, intertextualité évidente.

Pour finir, il serait sans doute très éclairant de comparer le style de Belletto, propre à cet ouvrage, avec l’écriture de Bach. Chez ce dernier, la phrase musicale ne quitte pas la phrase littéraire qu’elle utilise, celle du psaume, par exemple, pour la cantate ; en général, nous dit Françoise Escal, à l’époque baroque, la musique est un discours. Cependant, elle ne croit pas vraiment que deux systèmes d’écriture aussi hétérogènes que ceux de la musique et de la littérature puissent produire des analogies réelles ; nous ne nous risquerons pas à cette étude, n’ayant pas les connaissances musicales nécessaires. Néanmoins, nous lançons quelques pistes, car ce rapprochement ne nous semble nullement négligeable, vu la spécificité du style de l’Enfer dans l’oeuvre de Belletto.

Les phrases les plus typiques du romans sont longues et composées comme une partition musicale, avec des envolées, des chutes, des reprises du mouvement : « Je mis la fugue en si mineur du premier livre, dans le bref silence intermédiaire on entendit : tsplokh ! un bout de scotch se décollant, et aussitôt droeoeoeoennn, le vrombissement d’insecte du téléphone de l’appartement voisin, il sonna pendant le premier sixième de la fugue, j’avais pris Anne par l’épaule pour revenir au canapé et nous restâmes ainsi, mon bras autour de ses épaules, quand le téléphone se tut elle posa la tête sur ma poitrine, ne la releva que pour me faire un baiser sur la joue, la reposa, mon Dieu que j’allais mal, un pied déjà dans la tombe, n’allais-je pas faire l’amour pour la dernière fois, un pied dans la tombe et l’autre dans un piège à loups, on conçoit alors combien il est malaisé d’avancer avec élan et harmonie sur les chemins de l’existence, on est retenu, on trébuche » (61). 

Cette phrase, à l’exemple de bien d’autres, prouve l’intérêt de Belletto pour les bruits (corporels, mécaniques, etc.), et sa tentative pour montrer leur superposition dans la même portée phrastique tend à rendre la polyphonie à l’oeuvre dans la réalité, à chaque instant. De plus, Belletto utilise souvent la ponctuation de façon personnelle, notamment pour mettre en valeur les différents rythmes de la phrase : il place fréquemment moins de pauses que dans un discours ordinaire, aussi bien fortes (la phrase est longue) que faibles (très souvent les virgules manquent) et n’emploie pas de ponctuation intermédiaire comme le point-virgule. L’utilisation chronique de l’interjection par Belletto, ici sous la forme d’onomatopée, rompt le premier mouvement, perturbation du rythme appelée anacrouse en musique, souvent placée en début de phrase musicale, et fréquente chez Bach271. Les mouvements se succèdent ensuite, autour d’un octosyllabe, longs, lents (19-13-21-8-16-15), correspondant à un moment calme, rompu par quatre syllabes détachées : « la reposa », qui relance un double mouvement symétrique, progressif (6-7-12-13-21), puis sur les deux derniers segments, brutalement régressif (5-3). Cette façon de détacher un fragment court en fin de période est très typique du style de Belletto dans ce roman, et traduit l’épuisement : ‘« C’est en tout cas un espoir qu’il est permis de nourrir, me dis-je (ma jolie passagère faisait glisser sa main ouverte sur son autre jambe bien qu’il n’y eût pas la le moindre pli), un espoir qu’il est permis de nourrir, cramponnons-nous-y.
Cramponnons-nous-y »’ (31). 

Dans cet exemple, deux autres procédés récurrents chez Belletto nous semblent assimiler son écriture à de la musique : d’abord l’usage extensif de la parenthèse, qui permet de transcrire littérairement le contrepoint musical‘, « technique de composition qui consiste à superposer des lignes mélodiques 272» ’; au lieu de rompre la phrase et de faire se succéder la description et le monologue intérieur, la parenthèse juxtapose les deux informations, les entremêle, et les voix se chevauchent273.

Deuxième caractéristique, très présente chez Bach, la répétition, chronique dans l’Enfer : « Je fus tiré du sommeil à plusieurs reprises par l’infirmière qui venait prendre ma tension, mais je me rendormais paisiblement, ce fut une nuit de paix, l’infirmière était si douce qu’on aurait dit qu’elle me caressait le bras, et même, à l’aube, elle posa sa main sur mon front, c’était doux et agréable, cette infirmière était douce et agréable » (105). La musique est une métaphore de l'écriture, éternel retour sur elle-même. Cette réitération peut aussi créer un effet de clôture, par exemple lors du passage de Soler en Espagne. A l’arrivée, Michel rencontre l’hôtelière : ‘« Elle eut un grand sourire niais, moi un grand sourire idiot’ » (317). Lors de son départ, il note : ‘« Elle m’adressa un sourire plus niais que la dernière fois, moi un sourire plus idiot »’ (344). La répétition, comme le refrain, d’après Françoise Escal274, est la marque de la peur des hommes de l’irréversible, elle instaure une forme en boucle qui rompt la linéarité du temps et assure la résurgence.

Chez Bach, comme dans l’Enfer, la répétition s’accompagne souvent d’un effet d’opposition :

« Il ne se contente plus de juxtaposer deux thèmes complémentaires, il dédouble le mouvement et installe la dualité à l’intérieur de chaque phrase 275 . »

Le roman de Belletto présente un nombre impressionnant de phrases au rythme binaire qui opposent deux termes, qui joignent deux antonymes, un sentiment et son contraire par exemple, amour et haine, gentillesse et « mauvaiseté », beauté et laideur (le « corps si parfait et si imparfait » (233) de Michèle, ses ‘« yeux sombres et clairs’ » (231)) : ‘« Je ne pensais pas à Michèle, pourtant la pensée de Michèle m’habitait tout entier »’ (169). ‘« J’étais vivant, complètement heureux et complètement malheureux » ’(109). ‘« C’était vrai et c’était faux »’ (311).

Dernière caractéristique, mais non des moindres, puisque c’est principalement ce qui oppose Belletto à beaucoup d’auteurs de roman noir, y compris Montalbán : le goût de l’ornementation, que nous avons dégagé à propos de la structure, est évident à l’échelle de la phrase. Les quelques exemples de phrases longues que nous avons donnés le montrent aisément ; la phrase est souvent surchargée, et notamment par un emploi envahissant de l’exagération fréquemment imagée, images très souvent dominées par le monde animal : ‘« L’infirmière moins douce revint avec trois feuilles de papier, un imprimé à remplir, pour qu’on pût m’envoyer la note plus tard, la décharge donc, je soussigné, au cas où je me jetterais tête contre une façade à peine hors de l’hôpital, m’étendant pour le compte, ou m’enfoncerais de force dans la bouche d’égout la plus proche et me noierais dans les eaux fétides et souterraines, avec les rats »’ (105). Le discours intérieur est rempli de délires hyperboliques comme celui-ci, qui allongent considérablement la phrase et lui assurent une chute retentissante.

Notre dernier exemple visera à montrer, rassemblées, toutes les caractéristiques musicales de la phrase typique de l’Enfer : longueur démesurée, ponctuation musicale, mouvements contrastés, accumulations, antithèse, alternance de segments courts et longs, phrase au rythme régressif qui s’essouffle peu à peu, ornements (exagérations, comparaisons), onomatopées, polyphonie : ‘« Le chauffeur de taxi alors enclenchait à nouveau la vitesse, craaaaaac, et dans le même temps reniflait à s’en nouer les bronches, un pauvre hère, quoi, vitesses, moteur emballé, reniflements et toux faisaient croire à un orage s’abattant sur la ville, nul orage libérateur hélas, mais soleil, inconfort, anxiété, je guettais Fiat Uno et Ford Scorpio, la Ford que j’avais semée par jeu avec Simon mais peut-être me suivait-elle et l’avais-je semée pour de vrai, et un autre jour m’avait-elle suivi invisiblement, je guettais, et ruminais de noires pensées, Michèle, mon amour incompréhensible et désastreux, Liliane, ma mère disparue pour l’éternité, Simon, pauvre enfant que j’aurais tant souhaité retrouver et sauver, une chance : le chauffeur enrhumé appartenait à cette espèce bénie qui ne l’ouvrent pas de toute la course et ne vous lorgnent pas une fois dans le rétroviseur, vous laissant à votre aise suer de désespoir et tordre vos mains sur le siège arrière sans vous accabler de remarques et de questions si vaines qu’on préférerait alors une humanité muette, toutes langues coupées, boulevard Laurent-Bonnevay, autoroute » (’195-196). 

La musique, langage supérieur, a donc chez Belletto un rôle thématique essentiel, notamment à travers la signification symbolique conférée à la Cantate 82 de Bach, Cantate de la Purification ; la fascination que la langue musicale exerce sur le scripteur est également due à sa grande plasticité et au mystère qu’elle semble receler, en particulier chez Bach, qui a beaucoup utilisé, d’après Belletto, la structure question/réponse, faisant de ses portées musicales le lieu d’un secret à percer.

Mais surtout, et c’est ce qui en fait à nos yeux un collage structurant, la musique apparaît comme le moyen de charpenter le roman d’une façon incomparablement serrée, non seulement par le réseau de liens qu’elle tisse entre les personnages et les différents éléments en tant que thème, mais encore davantage par ses lois constitutives que Belletto a tenté d’adapter à la matière romanesque, en partant de la plus petite unité thématique, afin d’atteindre cet absolu d’« intégration formelle 276 » dont parle Françoise Escal à propos de la musique. Le romancier s’est notamment inspiré du système d’indices musicaux, matériel prédicatif fixe qui détermine le rôle des différents acteurs ; il a construit son récit avec différents mouvements au rythme variable et en reprenant dans une certaine mesure le schéma de la fugue (alternance du sujet et du contre-sujet), permettant de renforcer encore, par la résurgence d’un véritable motif central et récurrent, l’architecture interne du roman, déjà solide par nature puisqu’il s’agit du roman policier, mais d’autant plus nécessaire que Belletto a repris de l’écriture de Bach (et plus largement, du style baroque) le goût de l’ornement, d’où une intrigue particulièrement complexe. Cette surcharge est également perceptible dans la phrase bellettienne, vraiment hors-normes, dont les aspects musicaux restent à étudier en profondeur. Insistons enfin sur l’influence musicale, notamment de Bach, dans la conception d’un genre intertextuel qui intègre tout, qui fonde ensemble substrats populaire et noble, selon le mode parodique. La parodie se redouble ici, puisque c’est l’instigateur même de cette esthétique qui est utilisé, Belletto reprenant une matière noble (la musique de Bach), lui faisant subir transformations et arrangements multiples, pour parvenir à l’adapter au monde romanesque, et singulièrement à ce monde si mal famé du genre policier.

Mais la musique n’obéit pas, le plus souvent, à un schéma préétabli et porteur de sens ; dans le cas contraire, Françoise Escal nous précise qu’il faut l’appeler « musique inductive », en effet, alors,

« la structure formelle s’adapte, s’identifie au développement d’une idée 277  ».

Le roman policier ne pourrait dès lors s’inscrire que dans ce cadre-là, puisqu’il est récit à rebours et que le récit tout entier se développe à partir de l’idée finale. Le lecteur fait le chemin inverse de l’auteur dans tous les cas, réalisant à son tour une « interprétation », un déchiffrement, qui unit pour Michael Riffaterre l’auteur à son lecteur :

« Le contact est assuré, non par une réception passive, mais par l’exécution (dans le sens musical du mot), l’exécution active de la partition que représente le texte 278 . »
Notes
236.

F. Escal, Contrepoints, Musique et Littérature, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990, p. 35.

237.

R. Barthes, la Musique, la voix, la langue, cité par F. Escal, op. cit., p. 76.

238.

V. Jankélévitch, la Musique et l’Ineffable, Seuil, 1983, p. 94.

239.

R. Belletto, les grandes Espérances de Charles Dickens, p. 177. Nous citons la fin de cette phrase : « et les mots libèrent alors leur pur et plein pouvoir, indépendamment de ce qu’ils veulent dire et au profit d’un élément incantatoire et rituel. »

240.

F. Escal, op. cit., pp. 112-113.

241.

Dans les grandes Espérances de Charles Dickens, Belletto explique à de multiples reprises son goût pour la musique, pour Bach en particulier et pour la guitare, en ce qu’elle contient un secret, (comme le roman policier) : cf. pp. 340-344, p. 474, p. 486.

242.

V. Jankélévitch, op. cit., introduction.

243.

Y. Menuhin, cité par R. Belletto, op. cit., p. 513.

244.

R. Belletto, op. cit., p. 344.

245.

F. Escal, op. cit., p. 15.

246.

A. Hodeir, les Formes de la musique, PUF, Que Sais-je n° 478, 1951, p. 18.

247.

R. Belletto, interview à Ecrivain magazine, p. 42.

248.

F. Escal, op. cit., p. 17.

249.

Y compris la ressemblance entre la musique et le genre romanesque tout entier ; cf G. Larroux, op. cit., pp. 146-147 : « Il est à peu près sûr que l’art de la composition romanesque, où il est question d’ « ouverture » , de « finale », de « crescendo », etc., entretient avec celui de la composition musicale des relations régulières, qui, le plus souvent, ne sont mentionnées qu’à des fins de comparaison. » R. Barthes, quant à lui, restreint cette ressemblance aux romans à structure herméneutique : « Le développement d’une énigme est bien celui d’une fugue. » S/Z, p. 36. Cf. aussi l’analyse intéressante du tempo narratif, par Th. Pavel, in Univers de la fiction, Paris, Seuil, Poétique, 1988 (éd. orig. 1986), p. 130.

250.

F. Fosca, op. cit., p.124.

251.

souligné par nous.

252.

F. Escal, op. cit., p. 26.

253.

Ibid., p. 27.

254.

Ibid., p. 27.

255.

Ibid., p. 29.

256.

R. Belletto, interview au magazine Lire, déc. 1986, p. 17.

257.

F. Escal, op. cit., p. 68.

258.

souligné par nous.

259.

R. Belletto, interview au magazine Ecrivain, p. 42.

260.

R. Belletto, les grandes Espérances de Charles Dickens, p. 340.

261.

Ibid., p. 344.

262.

Ibid., p. 489 : Belletto met en correspondance les ornements de Bach avec les « melismas du chant flamenco, ces interminables « ornements » qui sont l’essentiel, qui sont l’image même de la vie et du destin, de la tentative d’évasion qui ramène impitoyablement au point de départ. » 

263.

Ph. Beaussant, « Vous avez dit baroque ? », Actes Sud, coll. Musique du Passé, Pratiques d’aujourd’hui, 1988, p. 84.

264.

M. Kundera, cité par G. Larroux, op. cit., p. 148.

265.

Ph. Beaussant, op. cit., p. 88.

266.

F. Escal, op. cit., p. 154.

267.

E. Souriau, cité par F. Escal, op. cit., p. 286.

268.

F. Escal, op. cit., p 34.

269.

Ibid., p. 33.

270.

J.C. Vareille, « Butor ou l’intertextualité généralisée », in Plaisirs de l’intertexte, p. 287 et p. 293.

271.

F. Escal, op. cit., p. 131.

272.

Ibid., p. 170.

273.

Ce qui est sans doute une manière de remédier à l’insupportable « successivité » du langage. Cf. l’opposition établie par J. Ricardou, in Problèmes du Nouveau Roman, Seuil, coll. Tel Quel, 1967, p. 19, entre « l’arbre du réel » et « l’arbre des livres ».

274.

F. Escal, op. cit., p. 163.

275.

Ph. Beaussant, op. cit., p. 91.

276.

F. Escal, op. cit., p. 289.

277.

Ibid., p. 23.

278.

M. Riffaterre, la Production du texte, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1979, p. 10. On peut aussi citer P. Ricoeur, Du texte à l’action, p. 153 : « la lecture est comme l’exécution d’une partition musicale ; elle marque l’effectuation, la venue à l’acte, des possibles sémantiques du texte. »