2.2.3. La littérarité comme polysémie

Il nous reste à évoquer un dernier aspect de la littérarité ; parmi ses significations variées, Jean Fabre retient uniquement celle de polysémie, dans l’optique proposée par Umberto Eco dans l’Oeuvre ouverte. On a beaucoup dit que le roman policier n’était pas littéraire, parce que téléologique et monosémique. Ce critique pose le problème du statut littéraire du roman policier, par le biais d’un affrontement entre heuristique et littérarité, la domination de l’une entraînant la disparition de l’autre988. L’heuristique amène le roman policier à répondre aux questions qu’il pose, dans une clôture forte s’opposant à l’indécision des oeuvres littéraires.

Le jeu sur les questions « qui ? » et « pourquoi ? » - plus polysémiques que les « où ? », « quand ? », « comment ? » - a pu cependant amener le virage vers le roman noir et même conduire certains auteurs aux frontières du genre, comme Simenon, ou tous ceux qui l’utilisent pour interroger l’identité, à l’instar de Belletto.

L’heuristique, fixant les limites des déviations permises, apporte cependant pour Jean Fabre la meilleure définition du genre. Là justement s’exerceront les tentatives modernes, au même titre que sur la narrativité policière, qui ne fait en somme qu’exprimer cette heuristique. C’est parce qu’il constitue un modèle heuristique que le roman policier sert de « matrice » à la littérature actuelle : elle l’utilise d’abord pour la narrativité qu’elle suppose, et aussi pour ses « qualités apéritives 989 », caractéristiques favorisant la réception. Elle la déconstruit ensuite pour se poser comme anti-heuristique, ce qui constitue l’étalon actuel du jugement de littérarité, la forme moderne du scriptible990. La vérité est alors posée comme inatteignable, de Handke à Auster, en passant par Rezvani ou Tabucchi. Dans le Nocturne Indien de ce dernier, par exemple, le héros, après avoir reconstruit minutieusement le passé, abandonne et ne dénoue pas l’énigme ; dans Cité de Verre d’Auster, les allusions intertextuelles posent nettement l’altération de la matière policière classique par l’écrivain moderne. Son détective, Quinn, expérimente sans cesse l’inadéquation entre la réalité des faits et la méthode policière :

‘« L’hypothèse sous-jacente était que le comportement humain devait être accessible à l’entendement, que sous la façade infinie des gestes, des tics et des silences, il y avait en fin de compte une cohérence, un ordre, une source de motivation. Mais après avoir lutté pour saisir tous ces effets de surface, Quinn ne se sentait pas plus proche de Stillman [le suspect] que lorsqu’il avait commencé à le suivre991. »’

L’autre possibilité consiste à sortir de la voie heuristique unique, en empruntant par exemple au genre fantastique, comme le font Belletto ou Maurice G. Dantec. L’évolution actuelle du fantastique le prête bien à exprimer l’incertitude et impose l’ouverture. Face à tout ce que la littérature contemporaine invente pour modifier de l’intérieur ou par l’extérieur l’heuristique policière, Jean Fabre évoque les hypocrisies taxinomiques, dues le plus souvent au conservatisme du jugement et des catégorisations :

« On peut d’abord partir d’une structure heuristique classique. On va du roman policier au « romanesque ». Les discours critiques réagiront alors de la façon suivante : « ceci n’est plus un roman policier ». Si, à l’inverse, on injecte de l’heuristique policière dans le romanesque, on dira : « ce roman est aussi un très bon policier » 992 . »

Il nous semble qu’effectivement, même la polysémie en tant que facteur de littérarité est à soumettre au concept de réception. Pierre Bayard accuse la critique d’être monosémique993, c’est-à-dire d’imposer une seule lecture : n’est-ce pas ce dont le genre policier, pour les raisons idéologiques précédemment évoquées, a été victime ? L’initiative de Pierre Bayard en donne un exemple, puisqu’à la lecture habituelle du Meurtre de Roger Ackroyd, lecture unique d’une oeuvre présentée comme monosémique, il substitue une lecture ouverte, qui trouble la signification apparemment univoque du roman et en montre les possibilités, faisant ainsi de ce livre (et d’autres oeuvres d’Agatha Christie) une oeuvre ouverte. Ce que la critique doit à l’individu qui la produit - individu soumis à l’idéologie ambiante - opère, comme dans le discours de l’enquêteur classique, l’écrasement de la « vérité de dévoilement » par la « vérité d’adéquation ». Le critique fait ainsi dire à l’oeuvre ce qu’il veut y voir ; son cheminement théorique emprunte les indices nécessaires à sa démonstration et efface les indices contraires par l’efficacité de sa rhétorique.

Rendre l’oeuvre à sa vérité, qui est celle du dévoilement, c’est admettre la subjectivité à l’oeuvre dans toute lecture, naïve ou professionnelle. Le roman policier rend compte de cet aspect primordial du phénomène littéraire, en ce qu’il est, avant tout, une lecture d’indices : celle que fait le détective, - de celui qui ne voit rien (Demange) à celui qui en voit trop (Soler), de celui que les indices font extravaguer (Carvalho) à celui qu’ils réveillent (« l’inspecteur ») - est l’exact équivalent de celle du lecteur.

L’indice nous semble en définitive le point essentiel dans cette approche de la polysémie de l’oeuvre, parce qu’il conditionne l’écriture - une production économique, où tout est nécessaire - et la réception - une attention, un calcul, une interprétation -, en tant que mesures de littérarité. L’indice est en effet une preuve de la littérarité du texte, puisqu’il constitue la mise en valeur préconçue d’objets tirés du quotidien, valorisés par la chaîne de signification qu’ils sont amenés à former. Il rend évident ce que dit Jean Ricardou de la description en général, qui fonde la littérarité du texte, ce dernier procédant d’un prélèvement arbitraire sur la matière donnée par le réel :

« Les objets décrits, par exemple, se trouvent investis d’une importance toute particulière. Ils deviennent notables parce que notés, et mis en étroit rapport par leur rareté essentielle 994 . »

Le détective imaginé par Paul Auster explique ce qui fait la singularité du genre policier au début de Cité de verre, comme un appel au lecteur et à sa vigilance :

‘« Ce qui lui plaisait, dans ces livres, c’était leur sens de l’abondance et de l’économie. Dans un bon roman policier rien n’est perdu, il n’y a pas de phrase ni de mot qui ne soient pas significatifs. Et même s’ils ne le sont pas en fait, ils le sont potentiellement, cela revient à la même chose. Le monde du livre foisonne de possibilités, de secrets et de contradictions. Comme tout chose vue ou dite, même la plus petite, la plus banale, peut influer sur le dénouement de l’histoire, rien ne doit être négligé. Tout devient essentiel ; le centre du livre se déplace avec chaque événement qui le pousse en avant. Le centre est donc partout et on ne peut en dessiner la circonférence avant que le livre n’ait pris fin995. » ’

Le roman policier propose ainsi la lecture la plus mouvante qui soit : non seulement le point de vue diverge entre le détective et le lecteur, mais toutes les lectures sont possibles en fonction de la subjectivité du lecteur ; tel ou tel aspect du texte pouvant encore entraîner des modifications à l’intérieur de chaque lecture individuelle, amenant à donner un nouveau sens au texte. Ainsi, quand on parle de monosémie du genre policier, c’est à travers le prisme de la fin. A ce stade, dans le roman policier classique, une lecture unique du reste s’impose ; mais durant tout le texte toutes sortes de lectures et de délires interprétatifs, émanant des personnages comme du lecteur et portant sur le criminel, le crime, les circonstances, entrent en concurrence.

Ces lectures sont prolongées jusque dans l’après-texte par le roman policier moderne. C’est donc essentiellement par le travail sur l’indice et sur sa polysémie potentielle que ce type de roman exprime une ouverture, polysémie qui tient à sa nature duelle‘, « parce qu’il contient aussi bien l’énigme que sa résolution’ 996  ». Altérer la fin classique est un moyen sûr de renouveler le genre - en fait, de le rendre à sa vérité. Par exemple, Piège pour Cendrillon de Sébastien Japrisot maintient à la clôture du texte les indices menant à deux solutions s’excluant pourtant absolument l’une l’autre ; tout simplement parce que les deux identités criminelles envisagées sont jusqu’au bout de l’ordre du possible.

La déception expérimentée par certains à la lecture du roman policier classique tiendrait alors à ce passage d’un sens très ouvert à un sens très fermé. Mais on pourrait trouver bien des oeuvres littéraires, de Zola à Balzac, où les propos du narrateur équivalent en force de frappe et en réduction au discours d’un enquêteur classique qui lui aussi relie/relit l’histoire racontée à sa manière. L’avantage que peut apporter le roman policier au lecteur, c’est qu’il lui enseigne une méfiance - ou, mieux, une distance - essentielle par rapport à tout narrateur, distance qui, s’il la transfère au roman littéraire, lui ouvre des mondes interprétatifs nouveaux. Il prend ainsi conscience que tout point de vue narratif pose un choix dans ce qui est raconté, par volonté consciente (mensonge, sélection) ou inconsciente (oubli, refoulement) et par les limites imposées à la subjectivité de l’écriture. Cette perspective ouverte par le genre policier est évidemment précieuse pour notre littérature actuelle, celle du soupçon généralisé. Belletto et Amette traduisent admirablement cet aspect : chez l’un, le lecteur se rend compte qu’il est embarqué dans une perspective délirante sur les choses et les gens, qu’il lui faut ouvrir l’oeil pour ne pas subir passivement le prisme déformant imposé par le héros/narrateur ; chez l’autre, le lecteur est confronté aux points de vue divergents d’un détective également délirant et d’une narration qui contredit et aplatit sa vision.

L’indice, c’est donc d’abord un point de vue, qui en élimine d’autres. Les « fausses pistes » constituent ces traces de polysémie que la fin classique élude. Annie Combes expose la multiplicité des indices, « matériels », « circonstanciels » (liés à ce qu’on sait des personnages), et « linguistiques »997. Ainsi, comme le détective d’Auster le remarquait, les indices sont partout, et, ce qui est remarquable, c’est qu’ils le sont « potentiellement » : d’une part, un élément peut ou non signifier quelque chose, mais il est également ce qu’Annie Combes nomme un « détectande », c’est-à-dire un indice ou un leurre. Cette double dualité donne le vertige, par toutes les lectures qu’elle peut entraîner : un élément signifiant peut être négligé par le lecteur à tort, ou mener à une fausse piste ou à un égarement interprétatif s’il est sélectionné, etc.998

Le texte est donc polysémique en ce sens que tout peut signifier quelque chose (et même plusieurs choses en concurrence). Cette démarche utilise, tout en la subvertissant, - ce qui explique son succès chez les nouveaux romanciers d’hier et d’aujourd’hui - la catégorie classique des effets de réel. En effet, les aspects matériels et psychologiques (« circonstanciels ») du texte contribuent à l’illusion référentielle, si on les lit comme tels, et partant ils endorment la vigilance du lecteur - c’est la stratégie de l’auteur policier. Mais, s’ils sont lus comme indices potentiels, la littérarité reprend le dessus sur la littéralité ; la méfiance sur la crédulité, et la polysémie foisonne. Le tissu est si serré que l’on peut suivre de multiples fils sans tenir le « bon », celui de Poirot ou de Holmes. Et l’illusion référentielle ne s’est jamais autant montrée pour ce qu’elle est : une arme narrative, propre à envoûter le lecteur. Ainsi l’indice, chez Belletto par exemple, montre pleinement l’ambiguïté s’attachant à la volonté apparente de réalisme du roman policier :

« Cette conception mimétique du langage qui devient un clair miroir du réel se heurte à l’ambiguïté propre au genre policier. En effet, à la lecture d’un roman policier, ce qui est effet de réel est susceptible d’être interprété comme un indice essentiel 999 . »

Bien entendu, la troisième catégorie d’indices, linguistiques ceux-là, fait triompher la littérarité : le texte se lit comme tel, et pas seulement comme une histoire. La polysémie du texte policier, en tant qu’il joue plus ou moins sur ces aspects, tient donc aussi à la duplicité du roman à la fois texte et histoire, qui permet, encourage, deux lectures simultanées. Cette « textualité de l’indice » marque pour Benoît Peeters l’apport essentiel du genre policier à la littérature, à partir d’Agatha Christie - il omet ici la contribution du roman policier archaïque avec ses jeux verbaux, ses énigmes langagières. Cette innovation a pour ce romancier changé l’attitude du lecteur, lui permettant de passer d’une fascination résignée à une vigilance efficace1000.

Cependant, un roman comme L’Enfer donne tort à ceux qui penseraient que littérarité et littéralité ne font pas bon ménage1001, ce qui obligerait l’auteur policier à choisir entre « détectandes matériels et circonstanciels » d’une part, et « détectandes linguistiques » d’autre part. Or l’association des deux types de « détectandes » renforce la puissance du roman, dans la mesure où la narrativité est forte. Belletto le démontre assez, qui n’hésite pas à mettre en évidence les indices, à accentuer les signifiants (comme oeil), sachant que de toutes façons la construction romanesque policière et la forte narrativité nous entraînent dans son histoire, sans réserve ; ainsi, la lecture, comme le texte, reste polysémique, plurielle et ouverte.

De la sorte, Belletto nous montre que rien n’est interdit au roman policier, ni les monologues intérieurs, ni les descriptions, ni les digressions, jalousement détenus par les auteurs reconnus littérairement : au contraire, dans une description par exemple, les indices potentiels, souvent linguistiques, fourmillent, l’auteur noyant dans un pur et simple - apparemment - effet de réel ce qui est à interpréter ; le roman novateur a largement utilisé cette possibilité. Il ne s’agit donc pas de faire du « polar-chapon » (Jean Fabre), mais d’utiliser toutes les armes de la narrativité pour développer la polysémie et l’efficacité du texte. Ce qui ne donne pas lieu à une nécessaire confusion : le roman de Belletto utilise descriptions et portraits pour que se détache mieux un seul signifiant, (les yeux) qui trouve ainsi tellement d’occasions de transparaître qu’il devient un indice évident. Chez Marsé aussi, les descriptions donnent des occasions multiples au lecteur de deviner la fin ; Amette quant à lui utilise toutes les digressions comme indice de l’évitement conclusif, tandis que les paysages décrits annoncent l’enlisement de l’enquête, et les portraits l’effondrement de l’illusion référentielle.

Les descriptions jouent donc un rôle déterminant pour la richesse et la disposition des indices, en mêlant étroitement effet de réel et littérarité. Le jeu sur le signifiant active l’imagination du lecteur. L’exclusion de la description par tous les théoriciens du roman policier nous paraît donc extrêmement curieuse, puisqu’elle n’est de la sorte jamais perçue comme un outil supplémentaire de mystification et de dissimulation. Ce qu’on lui reproche - « dispers[er] l’attention 1002» - peut constituer précisément un moyen particulièrement habile de perdre le lecteur. Il semble évident que la stratégie classique - vue par les critiques - se prive de tout ce que le texte lui-même peut apporter, comme si l’énigme était purement extratextuelle et pouvait s’abstraire du moyen par lequel elle s’exprime. Les auteurs modernes ont pris conscience de l’importance de l’énigme textuelle, ce qui les amène naturellement à ne plus dissocier roman policier et écriture  littéraire.

En contrepartie, comme le texte de Marsé le montre, la description bénéficie de la lecture soupçonneuse et attentive propre au genre policier, de sa tension ; elle court donc moins le risque d’être survolée ou sacrifiée par le lecteur. Annie Combes a montré que dans un roman policier classique, économique, l’apparition d’une description - fait notable - appelle automatiquement la vigilance du lecteur. La poésie descriptive prend ainsi toute son ampleur dans les romans de Montalbán, d’Amette et de Marsé. Il nous semble même qu’à ce titre, l’altération du contrat de lecture générique, rapidement perçue par le lecteur, le rend encore plus vigilant : ayant perdu ses repères habituels, il exerce partout son observation. Le roman d’Amette en est la démonstration : si la première partie met le lecteur dans une situation connue, le récit respectant les étapes attendues et les clichés accentuant la lisibilité, à partir de la seconde partie, les attendus se dérobent, la lecture s’affole, le lecteur se trouvant devant un jeu différent de celui auquel il croyait avoir affaire. Il peut alors s’accrocher aux détails du texte, en suivre attentivement les digressions descriptives ou autres (qui alors se multiplient), en espérant encore que ce récit déliquescent reprenne la forme identifiable. A l’inverse, dans une oeuvre reconnue comme classique, le lecteur un peu expérimenté connaît intuitivement le rythme du roman - surtout dans le cas de séries1003 - et pressent les passages porteurs d’indices, relâchant son attention ailleurs, à tort parfois, selon la stratégie de l’auteur.

D’une manière plus générale, le roman policier, bien loin d’être l’objet de consommation rapide à usage unique, peut devenir s’il est ainsi pensé, un texte engageant le lecteur à une lecture lente et appliquée, qui ne néglige aucune ligne, aucun fait stylistique, aucun choix d’écriture. Il semble bien que c’est ce que des écrivains comme Auster ont trouvé dans le roman policier ; le romancier new-yorkais met l’accent sur ce point dans Revenants (1986) : son détective y lit un ouvrage publié par l’homme qu’il surveille. Par l’apprentissage de la lecture effectué par son personnage, Auster donne le mode d’emploi de son livre :

« Dans le troisième chapitre, il tombe sur une phrase qui lui dit enfin quelque chose :  « Les livres doivent être lus avec autant de considération et de réserve qu'on a mis à les écrire ». Alors, soudain, il comprend que le secret c’est d’aller lentement, plus lentement qu’il ne l’a jamais fait jusqu’alors quand il s’agit de mots.[...] Ce qu’il ne sait pas, c’est que s’il arrivait à avoir la patience de lire ce livre dans l’esprit que sa lecture exige, sa vie entière commencerait à changer et petit à petit il parviendrait à une compréhension pleine et entière de sa situation [...] 1004 . »

Le lecteur comprend ici que le texte signifie de part en part, que sa structure elle-même est éclairante, que les mots ne sont pas transparents ou accidentels. La technique de l’indice fait donc naître la polysémie : le signifiant signifie deux fois au moins. Le lecteur le devine par la perception, inconsciente ou pas, de résonances à l’intérieur du texte, c’est-à-dire de champs lexicaux, ou sémantiques, finissant par constituer une sphère de sens qui se superpose à l’histoire. Denis Meillier, comme Pierre Bayard, s’oppose à l’idée répandue que le roman policier ne serait fait que pour une seule lecture ; il suggère alors que la relecture rend le texte à sa nature polysémique, puisqu’à l’aide de sa connaissance de la fin, le lecteur est à même de reconstituer ces réseaux et de repérer les discours à double entente. Cette relecture est pour lui intratextuelle et intertextuelle (« relecture endogénérique »), et elle amène également à lire le texte en tant que tel, et non plus comme roman policier (« relecture exogénérique ») :

« Relire un roman policier, c’est toujours passer dans les coulisses d’une littérature, à propos de laquelle le discours critique ainsi que celui des auteurs ne cessent d’analyser les procédés et les trucages et d’en souligner la nature rhétorique et combinatoire. Relire c’est vouer le texte à l’expérience spéculaire du miroir et contempler, en son envers, la scène de l’écriture que l’énigme et l’enquête avaient pu masquer jusqu’alors 1005 . » 

C’est donc la relecture qui enseignera la distance au lecteur, expérience qu’il pourra réutiliser dans tout texte ; il aura alors notamment conscience de la présence d’un narrateur, du choix que constitue tout point de vue narratif, même si la voix narrative est d’une discrétion exemplaire, comme c’est le cas, stratégiquement, dans Boulevard du Guinardo. Aucun livre ne dit tout, et en cela tous reprennent d’une certaine façon à leur compte le « mensonge par omission » (P. Bayard) du narrateur de roman policier. La narration à la première personne, monologique, qu’elle soit le fait du criminel comme dans Le Meurtre de Roger Ackroyd, ou le fait de l’enquêteur comme dans l’Enfer, est évidemment l’exemple le plus probant de cette manipulation : on a vu comment Soler sélectionne ce qui le valorise, fait oublier ses instincts criminels, orientant l’histoire comme il lui plaît de le faire. Le lecteur est pris au piège de sa confiance dans le narrateur extérieur à l’histoire, de type Watson ou conforme au modèle balzacien ; il ne mesure pas l’implication réelle de ce narrateur-personnage. Mais la première personne ne fait que mettre en évidence ce qui se passe dans tout texte, et le roman policier peut rendre le lecteur sensible à la « fragilité originelle de l’énonciation 1006». La troisième personne utilisée par Marsé ou par Amette dissimule habilement l’orientation et la direction du texte, les narrateurs se gommant, jusqu’à utiliser le monologue intérieur.

Ce mensonge romanesque forme la matière même du Boulevard du Guinardo de Marsé, puisque les personnages mentent constamment et que même la mort tend à être masquée, conformément à l’idéologie dominante. Le récit ment sur sa nature même, dissimulant son énigme, notamment en désactivant toute polysémie sur le sujet principal : comme la vérité est posée au début, les signes ne devraient pas être ambigus. Or ils le sont, et la polysémie garantissant l’énigme est portée par la duplicité des personnages (Rosita Ste Eulalie et prostituée, l’« inspecteur » ancien tortionnaire, le mort violeur/victime, le jeune charbonnier/adulte proxénète et trafiquant). Le lecteur doit donc rétablir les liens entre les signes doubles qu’il observe et ne pas se laisser abuser par le discours de chacun. Les indices sont d’ailleurs visibles à la surface des choses, dès lors qu’on ne les recouvre pas (le drap sur le mort, le masque de charbon sur le souteneur) - à moins que ce masque apparent ne soit justement perçu comme indice. Ce qui se passe à l’échelle du récit et des personnages renvoie à la stratégie narrative, mensongère et dissimulatrice, faisant oublier sa littérarité en accentuant sa littéralité - notamment en cultivant l’effacement du narrateur1007 ; c’est pourquoi le texte de Marsé se fait si lisible, jusqu’à risquer la banalité en donnant la solution à l’initiale du récit. En cela, Marsé exprime la perversité du discours politique dictatorial : se méfier de la voix narrative, c’est remettre en question la façon dont le pouvoir présente la réalité ; l’explication simple et plausible1008 que donne l’inspecteur à la mort de l’inconnu participe en fait d’une intoxication idéologique. A ce titre d’ailleurs, le roman de Marsé répond parfaitement à la définition du récit par Jean Ricardou :

« Bien fonctionner, pour lui, c’est savoir passer inaperçu. [...] S’il veut que son récit ne soit pas trop voyant, le roman doit ainsi refuser ses penchants pour la sophistication, contredire sa tendance à être trop beau pour être vrai : coïncidences trop voulues, constructions trop calculées 1009 . » 

A l’inverse, le « récit excessif » serait donc excellemment représenté dans notre corpus par l’Enfer. Cette disparité prouve encore à quel point le roman policier permet tous les choix narratifs.

Le principe d’indécidabilité gangrène ainsi également l’énonciation, que le lecteur perçoit alors nettement en la distinguant de l’énoncé, de l’histoire. Ce n’est donc plus seulement ce qui est dit par le texte (policier) qui est chargé de plusieurs significations (indices ou leurres), c’est aussi l’immensité de ce qui n’est pas dit, et sur lequel repose la stratégie consciente et inconsciente du romancier (auteur de roman policier, parmi d’autres). On perçoit mieux encore par ce biais ce qui attire les auteurs novateurs dans le genre policier, en tant qu’il leur permet, par l’importance qu’il accorde à la narration, de jouer avec le point de vue narratif dans une perspective moderne analysée par Thomas Pavel :

« Les narrateurs modernes, peu dignes de foi, cachent intentionnellement des renseignements importants, ou se contredisent de la manière la plus déconcertante. Beaucoup de textes contemporains plus ou moins proches des techniques d’avant-garde se développent autour de l’absence d’informations ; dans les cas les plus intéressants, les faits cachés ne sont pas simplement inaccessibles par hasard, ils se dérobent activement, ou n’existent même pas 1010 . »

Par ailleurs, ce « mensonge », inhérent au roman1011, amplifie la potentialité polysémique du texte à l’infini, permettant à l’imaginaire du lecteur de s’exercer, pour finir le texte, comme il doit le faire chez Marsé et Amette :

‘ ‘« En effet, si des lignes de points peuvent être rajoutées n’importe où - y compris à l’intérieur des phrases -, alors ce que nous lisions jusqu’alors comme une totalité finie et cohérente n’est qu’une partie incomplète arrachée à un texte plus vaste, et il risque de ne plus exister de limite à la lecture et à l’interprétation1012. »’ ’

Cette vision elliptique du roman à énigme entraîne également la remise en cause de la fin fermée, caractéristique traditionnelle du roman policier : puisque la narration n’est pas fiable, la fin qu’elle impose doit être remise en cause ; pourquoi croire celui qui nous a manipulés, celui qui a menti tout au long du texte ? La clôture est donc illusoire et ne contente que celui qui veut l’être ou le lecteur naïf. Il suffit de donner une permanence aux autres interprétations que le texte avait fait naître et de les confronter à celle que le détective a choisie, en utilisant les indices écartés par ce dernier, sacrifiés au couperet de son interprétation. La tentative de Pierre Bayard, s’opposant au « guidage interprétatif 1013», est intéressante en ce qu’elle propose une réponse à la frustration du lecteur de roman policier. La déception finale de ce dernier nous semble venir de la confrontation entre sa propre démarche, déductive, qui va de la sélection des indices à l’interprétation, ou de la non-sélection et de l’existence d’hypothèses concurrentielles, et la démarche du détective, abductive (Eco), selon le principe de finalisation. C’est-à-dire que tout le texte étant construit à partir de sa fin, les indices sont choisis après-coup, artificiellement ; le lecteur a donc souvent la sensation qu’on lui ferme la porte au nez.

La polysémie du texte policier, perçue à travers le prisme de l’indice, est alors liée à la prise de conscience de la subjectivité : celle du lecteur, celle du critique, celle du narrateur, celle des auteurs, celle des personnages. L’indice, c’est la trace de l’effort herméneutique ; dans sa variabilité, il renvoie à une indécidabilité fondamentale. Le roman policier sert alors admirablement les fins d’une littérature qui, depuis James, exprime l’indécision, le refus de fixer un sens :

« Il n’est plus permis de considérer le sens uniquement sous l’angle de l’immanence (le sens logeant dans la forme comme le dieu dans l’idole) ; ni sous l’angle de la transcendance (comme ce matériel précieux de la religion qui, selon la théorie de Suger, devait permettre au spectateur d’approcher le divin par un lien nécessaire). Le sens ressemble aussi désormais à une onde, qui ricoche sans fin entre des formes sans valeur, insignifiantes, prismatiques, arbitraires 1014 . »

Le roman policier est d’autant plus précieux pour cette esthétique qu’il peut à la fois exprimer l’absence de sens, par une forme creuse qui ne débouche sur rien, une structure asignifiante et fossilisée qui tourne à vide, et la multiplicité des sens possibles, empêchant une instance quelconque de déterminer une signification fiable. L’ambiguïté de l’oeuvre moderne la valorise, en tant qu’elle garantit l’impossibilité pour le lecteur de « manquer de sens » (S. Bouyer, souligné par l’auteur), une abondance de significations interchangeables. Or, dans le roman policier, comme dans la paralittérature dans laquelle il s’inscrit, « tout signifie 1015». Cette particularité est sans doute à relier en premier lieu à ce qui fonde le genre, le crime :

« Inclassable, se dérobant aux catégories rassurantes de l’esprit, le meurtre non élucidé apparaît comme un excès de signifiant 1016 . »

 Belletto utilise cette caractéristique d’une manière vertigineuse, durant presque quatre cents pages. Même l’insignifiant signifie, puisqu’il a la charge de perdre le lecteur dans une direction, qui ne sera finalement pas retenue. Sauf dans les romans les plus perturbants, où la fin garde actives toutes les significations potentielles.

La notion de polysémie se substitue donc à celle de vérité1017, impossible à atteindre puisqu’ainsi constamment médiatisée. Le sens est pluriel, car produire du sens est pour Pierre Bayard un effort individuel et vital,

« Travail incessant d’adaptation psychique aux menaces intérieures et extérieures, son essence même 1018 . »

Le Michel Soler de Belletto en fait la démonstration : la fin du roman le montre guéri de ses envies suicidaires, tonifié par sa recherche, et en même temps totalement incertain et ignorant. Michel Picard montrait que ce « travail » est celui de la lecture. Si celle-ci trouve un épanouissement dans le roman policier - et, plus généralement, dans tout texte à énigme - c’est que, sur le modèle d’Oedipe, cette recherche de sens prend la forme littéraire de la quête et de la résolution d’énigme1019, dans un sens réducteur ou rassurant (devinettes, textes classiques fermés) ou indécidable (textes ouverts, romans policiers modernes), laissant la place à la recherche individuelle, à la subjectivité.

L’indécidabilité liée à l’indice, le soupçon touchant la narrativité, et cette tendance à ne pas clore, signes de la littérature (policière) actuelle, peuvent toutefois altérer la lisibilité, soit dans le cours même du récit, soit à sa clôture. Dans ce dernier cas, le lecteur voit, d’abord - et d’autant plus avec l’intertexte policier - qu’on le prive de la révélation à laquelle il pense que le texte est voué, lui-même étant là pour la recevoir par définition ; Denis Ferraris explique qu’alors le lecteur soupçonne le texte d’être « calyptophile 1020  », sans attribuer à cette rétention du secret une quelconque légitimité, un quelconque charme. Ce soupçon peut aller jusqu’au dépit et la frustration jusqu’à la révolte, faisant par là même identifier la nature du besoin qui s’exprime dans l’acte de lire, et la force du contrat de lecture. Le roman policier se confronte alors à son propre code, qui l’oblige théoriquement à satisfaire l’attente du lecteur : le jeu sur la déception acquiert dès lors une force tout à fait remarquable. Pour le genre, c’est sans doute l’occasion d’affirmer sa littérarité, en s’excluant de sa vocation marchande, qui le destinait à délivrer un produit (une information). Par là, il peut également manifester une écriture personnelle, c’est-à-dire échapper à la répétition1021, dans ce qu’elle a de fossilisant. La polysémie se substitue alors à la « pansémie  1022» paralittéraire dont parle Daniel Couégnas.

« Et sans la répétition il se peut que la communication bredouille, s’atténue jusqu’à disparaître presque complètement. Souvent le signifiant se retrouvera seul en cause. C’est tout ce qui reste, semble-t-il, dans un texte illisible où l’on essaie en vain de repérer un signifié fixe ou un référent à peu près stable 1023 . »

Par cette mutation, le roman policier peut vraiment entrer dans une esthétique du secret, chargée d’érotisme. Reprenons l’image du strip-tease, dont parle Philippe Hamon1024 : il ne s’agit plus de couvrir puis de dévoiler progressivement, mais d’exprimer une ambiguïté à tout instant, une tension interprétative, et de ne pas révéler le secret essentiel - comme le fait d’ailleurs le strip-tease. Ne pas le révéler, c’est choisir d’en dire ainsi l’aspect insondable, alors que lever cet ultime voile rendrait la démarche de dévoilement monosémique en ne faisant que montrer l’objet du mystère en surface, ce qui correspondrait sans doute à une désexualisation1025, c’est-à-dire à une perte irrémédiable du caractère érotique de la lecture. L’attention aux signes, qui caractérise le lecteur, le rapproche, on l’a dit souvent et nos textes l’expriment très fortement, du voyeur. La femme nue, comme la vérité dans l’énigme classique, se présente simplement comme un « objet déguisé » (Barthes), recouvert artificiellement - par la narration elle-même. En effet, selon la définition de Claude-François Ménestrier, cette énigme ne consiste qu’en un « mystère ingénieux » en lieu et place de tout ce qui constitue les secrets réellement obscurs de l’existence humaine, ‘qui « ne peut être matière des énigmes ’ 1026». Jacques Dubois voit là la raison de la compulsion répétitive du passionné de roman policier :

« Tel est bien le secret de tout secret - et, après tout, la jouissance est aussi affaire de dévoilement et de mystère. Il promet de combler un vide par la mise à jour d’un sens mais ce sens n’est lui-même précieux et en quelque sorte caché que tant qu’il est tu et caché. Dès qu’il se dévoile, il se banalise 1027 . »

La tristesse du lecteur de roman policier classique en fin de lecture en dit long sur cette désexualisation, évitée par le roman moderne qui maintient ainsi la charge érotique du secret et de ses résonances profondes.

Notes
988.

J. Fabre, art. cit., p. 115. L’heuristique désigne pour J. Fabre l’« ensemble des questions et des réponses posées dans et par le texte ». 

989.

Ibid., p. 120.

990.

Et J. Fabre de conclure, op. cit., p. 123 : « En profondeur, au plan des structures idéologiques et socio-culturelles, de la vision du monde, le roman policier offre au roman, dans le mariage qu’on voit aujourd’hui s’opérer, un double avantage : d’abord la forme même de l’ordre périmé et qu’il faut subvertir. Un creux donc, une matrice. Ensuite les moyens de sa propre subversion : une heuristique qu’il s’agit d’ouvrir pour faire non seulement de la littérature, mais encore de la littérature de son temps, scriptible, celle qui traduit l’épistémè désaccordée et vertigineuse de la post-modernité, et son caractère d’ironie tragique. »

991.

P. Auster, Cité de verre, p. 91.

992.

P. Fabre, art. cit., p. 119.

993.

P. Bayard, op. cit., pp. 126-127. Cet essai a guidé la réflexion qui occupe ces pages.

994.

J. Ricardou, Problèmes du Nouveau Roman, p. 113.

995.

P. Auster, Cité de verre, p. 13.

996.

Cl. Amey, op. cit., p. 66.

997.

A. Combes, art. cit., pp. 82-86.

998.

T. Todorov, in Figures III, pp. 113-114, évoque la capacité variable du lecteur à repérer ce qui va être signifiant : « C’est d’ailleurs sur cette compétence même que l’auteur se fonde pour tromper le lecteur en lui proposant parfois de fausses amorces, ou leurres - bien connus des amateurs de romans policiers - quitte, une fois acquise chez le lecteur cette compétence au second degré qu’est l’aptitude à détecter, et donc à déjouer le leurre, à lui proposer de faux leurres (qui sont de véritables amorces) et ainsi de suite. »

999.

F. Evrard, Lire le roman policier, p. 82.

1000.

B. Peeters, art. cit., p. 159. Cette « textualité de l’indice » (ibid., p. 163) explique sans doute la multiplication des énigmes reposant sur l’écriture et la littérature, d’A. Christie à Leblanc, de Rezvani (dans l’Enigme, l’enquête est menée par un « théseur » à partir de manuscrits) à Eco : « Que se donnant par la lecture, la solution ait fréquemment à voir avec le livre et ses emblèmes, c’est ce que toute pratique un peu régulière du roman d’énigme enseigne à qui veut bien l’entendre. ». Cf. notre 1ère partie, 2.4.3.

1001.

A. Combes craint ainsi les détectandes linguistiques, qui menaceraient d’après elle l’illusion référentielle ; quant à J. Fabre, art. cit., p. 120, il n’envisage pas non plus la conjugaison des deux plans, l’indice ne devenant un outil littéraire que s’il constitue « [...] un détail gratuit au plan syntaxique mais non au plan sémantique, réduit jusqu’à sa fonctionnalité. Là sans doute commence la littérature. »

1002.

Cf., par exemple, Boileau-Narcejac, citant la règle 16 de Van Dine, in le Roman policier, 1964, pp. 110-111 : « Elles retardent l’action et dispersent l’attention, détournant le lecteur du but principal qui consiste à poser un problème, à l’analyser et à lui trouver une solution satisfaisante. Bien entendu, il est certaines descriptions qu’on ne saurait éliminer et il est indispensable de camper, ne fût-ce que sommairement, les personnages, afin d’obtenir la vraisemblance du récit. Je pense, cependant, que, lorsque l’auteur est parvenu à donner l’impression du réel et à capter l’intérêt et la sympathie du lecteur aussi bien pour les personnages que pour le problème, il a fait suffisamment de concessions à la technique purement littéraire. »

1003.

D. Couégnas, op. cit., pp. 72-73 (à propos de la paralittérature) : « Ce qui frappe, c’est sans doute d’abord la répétition inlassable de structures narratives élémentaires qui créent une espèce de rythme de lecture, presque un rythme respiratoire. »

1004.

P. Auster, Revenants, pp. 44-45.

1005.

D. Meillier, « Le miroir policier ou la question de la relecture dans Le Meurtre de Roger Ackroyd d’Agatha Christie », in Les Cahiers des Paralittératures, pp. 56-57. Cf. aussi P. Bayard, op. cit., p. 55.

1006.

P. Bayard, op. cit., p. 73.

1007.

Cf. D. Couégnas, op. cit., p. 90 : « La « littéralité » dont parlait Ricardou se rappelle au bon souvenir du lecteur, l’illusion référentielle s’estompe nécessairement chaque fois que l’instance énonciatrice intervient [...] ». Le texte de Marsé doit donc être lisible par lui-même, afin de ne pas rendre nécessaires des interventions clarifiantes du narrateur.

1008.

Cf. P. Casanova, op. cit., p. 273, sur l’utilisation du réalisme par les régimes autoritaires, « seule technique qui donne l’illusion de la coïncidence entre la chose écrite et le réel. L’effet de réel produit ainsi une croyance qui explique, pour une grande part, son utilisation politique, soit comme instrument de pouvoir, soit comme instrument critique. »

1009.

J. Ricardou, le Nouveau Roman, pp. 31-32. 

1010.

Th. Pavel, op. cit., p. 135.

1011.

Cf. J.C. Vareille, « Emile Gaboriau ou l’insoutenable légèreté des signes », in Les Cahiers des Paralittératures, « Agatha Christie et le roman policier d’énigme », p. 26 : « Le romanesque se situe du côté du mensonge, du faux ».

1012.

P. Bayard, op. cit., p. 59.

1013.

D. Couégnas, op. cit., p. 123. On peut dire que P. Bayard s’oppose autant à un « guidage interprétatif » de la part du détective/auteur qu’à celui exercé par la critique, réduisant la signification de l’oeuvre.

1014.

S. Bouyer, « L’Art de l’ambiguïté », in Littérature n°111, Ambiguïté et fiction, p. 85.

1015.

Tel est le titre d’un chapitre de D. Couégnas, op. cit., pp. 105-125. Cf. notamment p. 108 : « Le contrat de lecture paralittéraire, cet accord tacite que le lecteur entend voir respecté de l’auteur, porte en effet sur l’exclusion de l’«inutile », c’est-à-dire du non-fonctionnel au plan narratif (en paralittérature, la narrativité est dominante) ».

1016.

F. Evrard, Fait divers et littérature, p. 62.

1017.

Cf. J.C. Vareille, art. cit., p. 28 : « Or l’inflation des sens supprime l’essence. Trop de sens c’est une lacune dans le sens et l’essence - une victoire du paraître, du masque. »

1018.

P. Bayard, op. cit., p. 121.

1019.

Cf. ibid., p. 104.

1020.

D. Ferraris, « Quaestio de legibilibus aut legendis scriptis », in Poétique n° 43, p. 292.

1021.

Cf. M. Riffaterre, La Production du texte, p. 8 : « Le texte est toujours unique en son genre. Et cette unicité est, me semble-t-il, la définition la plus simple que nous puissions donner de la littérarité. »

1022.

D. Couégnas, op. cit., p. 115.

1023.

D. Ferraris, art. cit., p. 290.

1024.

Cf. Ph. Hamon, « Clausules », in Poétique n° 24, p. 501.

1025.

Cf. R. Barthes, « Strip-tease », in Mythologies, Seuil, Points, 1957, p. 147 : « Le strip-tease - du moins le strip-tease parisien - est fondé sur une contradiction : désexualiser la femme dans le moment même où on la dénude. » R. Barthes parle d’un procédé « qui efface la chair aussi sûrement que le vaccin ou le tabou fixent et contiennent la maladie ou la faute. » Ce qui n’est pas sans évoquer la stratégie idéologique du roman policier conventionnel.

1026.

C. F. Ménestrier, « Poétique de l’énigme », in Poétique n° 45, p. 40.

1027.

J. Dubois, op. cit., p. 145.