1.2. La société de l’information

‘ ‘« L’ère de l’information révolutionne réellement les éléments techniques de la société industrielle ; quant à ses conséquences sociales, si elle est peut-être évolutive, en ce sens que tous les changements et avantages ne se produiront pas du jour au lendemain, elle sera révolutionnaire dans ses effets sur notre société. (...) Nous vivons un de ces rares intervalles dans l’Histoire, un intervalle que caractérise la transformation de notre culture matérielle par la mise en oeuvre d’un nouveau paradigme technologique organisé autour des technologies de l’information. L’hyperbole prophétique et la manipulation idéologique qui caractérisent la plupart des discours sur la révolution des Technologies d’Information et de Communication ne doivent pas faire sous-estimer son importance fondamentale ».’ ’

C’est ainsi que M. Castells17 appréhende la société dite de l’information dans un ouvrage qu’il lui a entièrement consacré (Castells M., p51 à p56, 1996), ouvrage dans lequel il s’attache notamment à montrer que l’un des aspects majeurs de cette nouvelle société est la logique du réseau18. Il opère une distinction entre ‘« société de l’information et société informationnelle »’ que nous souhaitons mettre en avant, non pas par coquetterie sémantique ou pour nous distinguer d’une majorité qui utiliserait cette expression trop souvent, mais bien pour insister sur la prégnance de ces technologies d’information et de communication dans notre société.

En effet, M. Castells estime que l’expression ‘« société de l’information ’ » souligne le rôle de l’information dans la société alors que le terme « informationnel » dont il qualifie cette dernière caractérise une forme particulière d’organisation sociale, dans laquelle la création, le traitement et la transmission de l’information, deviennent les sources premières de la productivité et du pouvoir19 (Castells M., p34, op. cit). Notons que cette position est déjà développée dans les travaux que N. Alter a consacré à l’informatique et à la bureautique (Alter N., 1984), ou, pour le dire plus précisément étant donné l’antériorité des travaux, que les conclusions auxquelles aboutit M. Castells sont présentes en filigrane dans le texte de N. Alter bien que traitées différemment20. Si, par commodité et convenance, nous utiliserons plus souvent la première expression tout au long de ce travail, c’est bien, en revanche, à la deuxième que nous nous référerons en termes de contenu. Elle permet, selon nous, d’insister tout particulièrement sur ce ‘« nouveau principe de rationalité21 »’ que seraient les T.I.C. et appuie cette idée selon laquelle nul ne peut se soustraire à leurs effets, sauf à courir le risque d’être, à terme, marginalisé. M. Castells parle de l’omniprésence des effets des T.I.C. et note que toute l’activité humaine22 est directement modulée par ces dernières23.

Notes
17.

Castells M., (1996), « La société en réseaux, l’ère de l’information », 1998 pour la traduction française, Fayard, Paris.

18.

Nous aurons l’occasion de traiter ce point de façon approfondie dans la suite de notre développement

19.

La définition qui figure dans le répertoire des sigles régulièrement utilisés par les experts européens désigne une société où l’information est un facteur-clef de l’activité économique et sociale et dans laquelle les citoyens, à la fois consommateurs et travailleurs utilisent de façon intensive l’information.

20.

Alter N., (1984), « Bureautique et partage du pouvoir dans l’entreprise », Revue Française de Gestion, novembre-décembre.

21.

Nous empruntons ce terme aux travaux du Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail (LEST) consacrés notamment à l’analyse sociétale de l’innovation.

22.

Cette présentation de la société informationnelle est très proche de la vision « destinale » (traduction et interprétation de D. Janicaud à propos du discours d’Heidegger sur la technique) de la technique, laquelle devient un dispositif décisif pour tous les aspects de la vie. Voir Janicaud D., (1991), « Des techniques à la technoscience », A nouveau la philosophie, Albin Michel, Paris.

23.

Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que « moduler » ne signifie en rien « déterminer ».