2.2. Le rôle de la médiation

Dès lors, compte tenu de ce que nous avons déjà dit et considérant que la demande sociale d’innovation n’existe pas ou reste inexprimée dans les milieux ruraux, dans quelle mesure peut-on dire que la diffusion massive et réussie des télé-activités dépend de l’existence d’un processus de médiation sociale capable de faire le lien entre l’innovation socio-technique et les futurs usagers, processus propre à favoriser la construction de cette demande ?

Dans la perspective que nous venons d’évoquer, la diffusion des téléactivités ne doit-elle pas être guidée, accompagnée, orchestrée pour ces cibles identifiées, et trouver son origine dans l’élaboration d’un processus de médiation technico-culturelle favorisant une appropriation collective et progressive des technologies d’information et de communication ? C’est en tout cas le sens que nous souhaitons donner à ce commentaire qu’évoque un expert européen dans le dernier rapport de la Commission européenne consacré au télétravail : « ‘where Internet use is low, the early pioneers struggle to run websites and online discussion in the absence of a critical mass of users and supporters, or to promote Information Society techniques in new ways that fit the local environment ; (...) but what is still lacking is general awareness, detailed knowledge and understanding’ »48.

Nous pensons également que le processus mis en oeuvre a à voir avec la logique de réseau évoquée par M. Castells et qu’il doit nous conduire à adopter une approche méso-sociologique de la diffusion de l’innovation où la construction d’une demande (prise comme point de départ de la diffusion) s’opère par des mouvements itératifs entre un niveau individuel et un niveau collectif. Tout l’intérêt de cette démarche consiste à rappeler que, si les télé-activités sont un facteur de mise en relation, leur diffusion ne s’opère pas, pour autant et nécessairement, ex nihilo. Ceci nous amène alors à privilégier une approche collective de la diffusion de l’innovation en prenant appui, d’une part, sur les modèles classiques de diffusion de l’innovation, de l’autre, sur la logique du réseau que M. Castells souligne, conceptualisée notamment à travers la sociologie de la traduction. Une critique de ces deux courants, fondée sur un examen approfondi de leurs concepts et sur une mise en parallèle avec la réalité de l’environnement sur lequel est bâtie notre recherche nous permet de suivre l’idée directrice suivante : la diffusion de l’innovation socio-technique relève de processus analogues à ceux qui interviennent dans un phénomène de médiation sociale. Ceci nous permet de formuler une hypothèse centrale suivant laquelle l’existence de ce processus de médiation sociale se fonde sur les jeux d’acteurs d’un territoire, nécessaires pour créer de véritables relais de la diffusion.

Notes
48.

« Dans les pays où l’usage d’Internet est faible, les premiers pionniers se démènent pour mettre en place des sites web et des forums de discussion en ligne en l’absence d’une masse critique d’usagers ou pour promouvoir les technologies de la société de l’Information dans un sens qui convienne à l’environnement local. (...) Mais ce qui fait encore défaut, c’est une prise de conscience générale, une connaissance précise ainsi que la compréhension de ces technologies ». Nous traduisons nous-même.