1. Une innovation qui s’impose d’elle-même ?

1.1. Le télétravail ou les télé-activités

Présentées comme une innovation technologique et organisationnelle qui serait la figure originale d’une forme d’organisation répondant à toutes les contraintes imposées par l’environnement, les télé-activités remontent à John Niles, américain à qui l’on doit le terme de telecommuter. Dès 1962, on parle de télétravail quand la société F. International Ltd délocalise un certain nombre de ses programmeurs.

Lorsque l’on parcourt la littérature concernant les télé-activités, on s’aperçoit que chacun est tenté de donner sa propre définition51, le télétravail étant en particulier un concept dont les limites sont on ne peut plus floues. Comme l’écrit H. Girard, « ‘un petit tour d’horizon montre combien la notion de télétravail est élastique’ » (Girard H., p18, 1995)52. Si, étymologiquement, télétravailler signifie travailler à distance, se limiter ainsi reviendrait à peu près à parodier Molière et à écrire que tout le monde ou presque télétravaille, comme Monsieur Jourdain fait de la prose. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi d’utiliser le terme de télé-activités, car il rend mieux compte, selon nous, du potentiel que revêt cette innovation et nous permet en même temps de ne pas nous prononcer sur la question de la définition du télétravail53, mission en tout état de cause délicate54 et qui nous éloignerait de toutes façons de notre objet.

En outre, le caractère plus générique de cette appellation renvoie directement à toutes les activités que supportent55 les Technologies d’Information et de Communication contrairement au télétravail qui correspond à un mode d’organisation du travail56. Cette précision étant admise, c’est donc le terme de télé-activités que nous emploierons, ou à défaut celui de T.I.C., ou encore, dans la suite de notre développement, l’expression d’autoroutes de l’information. Il ne s’agit pas d’une imprécision sémantique mais plutôt d’un choix tactique : nous insistons sur ce point car, dans tous les cas de figure, il s’agit de montrer à notre lecteur que nous attirons son attention beaucoup plus sur l’importance du phénomène (importance caractérisée par sa généralisation et importance à laquelle une expression assez générique réfère mieux) que sur les réalités qu’il recouvre d’un point de vue pratique ou technologique.

Enfin, nous assistons depuis deux ou trois ans à un glissement du sens que revêt l’appellation T.I.C. : d’abord très englobante (étaient ainsi inclus dans la liste aussi bien le magnétoscope que le Minitel), elle désigne de plus en plus, semble-t-il, et de façon très implicite, les seules technologies qui ont trait à la nouvelle société informationnelle, entendre, Internet et ses applications variées.

Notes
51.

Le rapport de synthèse du groupe d’experts nationaux de la DGV a proposé la définition suivante : il s’agit d’un travail réalisé par un télétravailleur, principalement ou pour une bonne partie, à un ou plusieurs endroits différents du lieu traditionnel de travail pour un employé ou un client et s’appuyant sur un usage intensif des télécommunications. Voir DG V, (1996), « Consolidation report », European Community, Bruxelles.

52.

Girard H., (1995). « Comprendre le télétravail », Editions du Journal du Téléphone, Paris.

53.

D’ailleurs, les professionnels et la littérature n’ont toujours pas tranché, révélant peut-être que la définition devait rester avec des contours suffisamment flous pour suivre l’évolution des pratiques.

54.

Marco Colonna souligne dans le rapport européen 1998 sur le télétravail que ce qu’il était convenu d’appeler du télétravail « a couple of years ago » est maintenant considéré comme une pratique normale de travail et ne rentre même plus dans les définitions.

55.

Nous employons volontairement cet anglicisme qui renvoie beaucoup mieux au sens et à la place que prennent les T.I.C. dans un dispositif de travail ou d’organisation, la langue française ne disposant pas d’un terme aussi adapté.

56.

En l’espace de deux ou trois ans, un glissement très sensible s’est produit quant à la définition utilisée dans les rapports officiels, par exemple au sein de la Commission européenne. Le dernier rapport publié par cette dernière sur l’état de développement du télétravail associe de façon quasi systématique « telework » et « Internet », allant même jusqu’à qualifier certaines pratiques de « teleworking » dès lors que l’utilisation des T.I.C est avérée. Dans ce dernier cas, le télétravail ou les télé-activités viennent alors remplacer de façon totalement implicite mais néanmoins réelle « l’appellation» plus classique de «société de l’information ».