2.1. Une solution miracle

Pendant quelques années, les mérites des télé-activité sont semblé tenus pour acquis par la majeure partie des responsables d’entreprises ou hommes politiques qui s’exprimaient sur le sujet alors que quelques empêcheurs de tourner en rond (Janicaud D., p219, 1994)71 dénonçaient la plupart des expériences sur lesquelles reposaient leurs conclusions souvent hâtives : elles ne concernaient bien souvent que les grandes entreprises ou les P.M.E. dites « high-tech ». Rien ne permettait d’étendre ces conclusions à l’ensemble des organisations, des populations, et pourtant, le discours institutionnel auquel cette innovation a donné lieu n’a eu de cesse de décrire un avenir prometteur pour les télé-activités face à un public aussi riche et difficilement catégorisable que celui des futurs usagers. Bien que plus modérée, cette tendance perdure encore aujourd’hui.

Ainsi, certains72 n’hésitent pas à présenter les autoroutes de l’information et les technologies d’information et de communication qui leur sont rattachées sous forme d’applications variées comme « un nouvel eldorado », notamment pour les P.M.E., bien souvent désignées comme le nouvel acteur et partenaire dynamique du tissu économique d’une région. Les promoteurs ou offreurs de technologie mettent ainsi en avant les possibilités pour une petite entreprise de se faire connaître sur Internet par l’intermédiaire d’une page Web personnalisée avec, pourquoi pas, la possibilité de consulter un catalogue en ligne. De même, le quatrième programme-cadre de recherche et développement lancé par la Commission européenne73 pour promouvoir la télématique visait très clairement cette population. En d’autres termes, une seule voix émerge, qui annonce que les P.M.E. sont, de fait, concernées par cette innovation jugée inéluctable et dont l’adoption généralisée ne semble être qu’une affaire de temps. Le rapport Yolin remis en 1998 au Ministère de l’industrie et du développement économique74 reprend la dialectique classique et binaire du « mirage-opportunité » relativement au potentiel d’Internet, mais poursuit la logique habituelle de la confrontation offre-besoins présumés, et non celle de la demande. Le mode d’expression choisi, très opérationnel et appuyé par des chiffres précis, ne suffit pas à tempérer l’impact marketing du titre très évocateur que nous venons de mentionner. Nous avons choisi l’exemple des P.M.E. afin de ne pas nous focaliser exclusivement sur les milieux ruraux dans notre approche générique de l’environnement, mais il va de soi que la profusion d’exemples concernant ce domaine n’a rien à envier à la variété des cas que nous venons de mentionner.

Notes
71.

D. Janicaud parle du technodiscours produit par une intelligentsia, voir Janicaud D., (1994), « Critiques philosophiques des technosciences », L’Empire des techniques, Editions du Seuil, Paris.

72.

Une fois n’est pas coutume, nous utilisons volontairement une désignation aussi imprécise que celle-là, le flou de l’expression renvoyant à l’anonymat que conservent certains technocrates européens dont les idées semblent n’exister qu’à travers leur discours.

73.

Une vague d’expérimentations a été lancée à l’échelle du territoire européen en 1994.

74.

Yolin J-M., (1998), «Internet et les PME, mirage ou opportunités», rapport remis au Ministère de l’Industrie et du développement économique, également disponible sur le site web du Ministère.