2.2.2. Le rôle de l’Etat à la croisée des chemins

Le développement des technologies d’information et de communication a soulevé de nombreuses interrogations sur la nature de l’intervention publique (Affichard J., 1997)77, beaucoup plus que sur son principe même, et a été suivi (plus qu’accompagné) par la montée en puissance des collectivités territoriales et locales comme acteur nouveau dans la sphère de la communication : ce nouveau rôle que l’Etat s’est attribué parce qu’il faisait du développement des télé-activités un projet politico-économique est, de fait, aujourd’hui entériné. En effet, dans ce jeu qui ne peut être qu’à somme positive (Miléo T., p110-121, 1996)78 et qui engage79 l’avenir de notre nation, les collectivités locales et plus haut l’Etat ne pouvaient rester cantonnées à un rôle consultatif. Ces dernières sont donc devenues des acteurs de fait du changement technologique et assument, chacune dans leur domaine de compétences, un rôle de sensibilisation et de promotion auprès des populations locales qu’elles représentent, avec des convictions assez inégales, et, en toute logique, des résultats assez inégaux, mais, et c’est leur point commun, toujours avec le souci de ne pas être en reste dans la dynamique créée sur le plan local. Si la légitimité de l’intervention étatique n’a guère été remise en cause, l’impératif d’un changement dans les modes d’intervention, souhaités moins directifs, plus innovants et variés, a été souligné par le Commissariat au Plan lui-même.

Pourquoi traiter ici la question80 de la place de l’Etat ? Peut-être parce que dans l’accompagnement de cette société de l’Information, ce dernier ne sert pas seulement à alimenter des débats de société : bien au contraire, c’est en suivant ce souhait de créativité évoqué par les rapporteurs du Commissariat au Plan, voire en s’appuyant sur lui, que des institutions peuvent effectivement participer au phénomène de montée en puissance des T.I.C., mondialement attendu et annoncé. Si nous prolongeons ce point de vue évoqué par le Commissariat Général au Plan, ceci nous conduit à mentionner et également valider la remarque de M. Castells qui estime que « ‘si la société ne détermine pas la technique, elle peut, essentiellement par le biais de l’Etat, en étouffer le développement ou au contraire, à l’initiative de l’Etat, s’engager dans un processus accéléré de modernisation’  » (Castells M., p27, 1996)81.

En résumé, la profusion de travaux auxquels donne lieu cette innovation, le discours politique obligé de se prononcer sur son devenir, la richesse de la littérature produite sur le sujet contribuent à alimenter l’imaginaire collectif et génèrent une dynamique et une mobilisation des énergies qui ne peuvent que servir à amplifier l’importance et la puissance de cette innovation. Il devient à peu près impossible de s’en tenir à l’écart et le seul mot Internet suscite, parfois, sans que cela ne soit forcément justifié, des réactions, des prises de position, qui n’ont parfois que peu à voir avec la réalité technique de l’objet, mais qui prouvent au moins qu’il ne laisse personne indifférent. Finalement, si l’on considère que la plupart des sociétés occidentales, pour ne parler que d’elles, se reconnaissent de nouveau dans une idéologie de progrès associée aux technologies de l’information et de la communication, on comprend aisément qu’aucune personne en charge, à quelque niveau que ce soit, de l’avenir de la société, ne peut se permettre de faire l’impasse sur la question. Beaucoup plus que l’innovation elle-même, encore peu utilisée, en France, en comparaison avec d’autres nations de rang économique égal, c’est donc tout l’imaginaire collectif qui explique, en partie, un tel déploiement d’énergies : à l’aube de l’an 2000, personne n’aurait le droit, semble-t-il, d’ignorer les télé-activités. Leur diffusion massive en un minimum de temps devient une question et une priorité d’intérêt national, mais donne lieu à une approche de la révolution informationnelle qui n’est pas sans incidence sur les possibilités d’en tirer parti.

Notes
77.

Affichard J., (1997), sous la direction de, « Décentralisation des organisations et problèmes de coordination, les principaux cadres d’analyse », Logiques sociales, L’Harmattan, Paris.

78.

Crespin G., Miléo T., Schaefer A. et Tronc J-N., (1996), « Les réseaux de la société de l’information », Commissariat général du Plan, collection Rapports officiels, ESKA, Paris.

79.

C’est cette idée d’engagement qui nous conduit à parler de jeu nécessairement à somme positive : d’abord, parce que l’Etat a au moins une obligation de moyen, à défaut de résultat, vis à vis des citoyens que nous sommes, ensuite, parce qu’il joue également sa réputation, sa crédibilité, en prenant des décisions qui conditionnent pour partie le devenir de notre société et le visage qu’elle prendra dans dix ou vingt ans.

80.

Compte tenu d’un contexte de mondialisation des économies, de l’interdépendance croissante qui existe entre les nations, et enfin du processus de construction européenne qui lie les devenirs des différents membres de l’Union, on peut se demander si l’Etat a encore le choix vis-à-vis de cette innovation.

81.

Castells M., (1996), op.cit.