2.1. Une alternative à une approche linéaire de la diffusion de l’innovation ?

La sociologie des sciences a tenté de répondre à la délicate question de la diffusion de l’innovation en avançant sur la scène le personnage du « constructeur de faits » (Latour B., p247-261, 1989)129 dont le rôle principal consiste à assurer la diffusion d’une innovation dans le temps et dans l’espace. Notre constructeur de faits s’apparente beaucoup, sous notre point de vue, au marginal sécant130 de l’analyse stratégique, situé au carrefour de plusieurs systèmes d’actions. Partant du principe que les faits sont fabriqués collectivement, c’est le concept de traduction qui permet de dénouer l’écheveau de l’innovation. Il nous paraît d’autant plus digne d’intérêt que des auteurs comme D. Boullier ont noté, après observation, que la diffusion d’un outil comme Internet semblait désormais s’opérer par capillarité et questionnait à ce titre la théorie des réseaux d’innovation (Boullier D., p335, 1997)131.

Défini comme « ‘l’interprétation donnée, par ceux qui construisent les faits, de leurs intérêts et de ceux des gens qu’ils recrutent’ » (Latour B., p260, 1989)132, le concept de traduction trouve sa force dans sa capacité à dépasser la séparation entre société et technique, telle qu’elle existe chez les diffusionnistes133.

Notes
129.

Latour B., (1989), « La science en action », Gallimard, Paris.

130.

Il s’agit « d’un acteur qui est partie prenante dans plusieurs systèmes d’action en relation les uns avec les autres et qui peut, de ce fait, jouer le rôle indispensable d’intermédiaire et d’interprète entre des logiques d’actions différentes, voire contradictoires » Crozier M., Friedberg E., (1977), « L’acteur et le système », p86, Seuil, Paris. Ce concept a été proposé d’abord par H. Jamous en 1968 dans une « Contribution à une sociologie de la décision : la réforme des études médicales et des structures hospitalières », Copédith, Paris.

131.

Boullier D., (1997), « Les usages comme ajustements », Actes du Colloque Penser les Usages, Bordeaux, mai.

132.

Latour B., (1989), op. cit.

133.

ibidem.