3.2. Se situer entre confiance primordiale et confiance sociale : une étape de la diffusion

Cette distinction opérée par G. Simmel entre confiance primordiale et confiance sociale (Tiran A., p318-319, 1997)171 peut être illustrée par cette comparaison entre la confiance qu’un enfant va accorder spontanément à ses parents et celle qu’un salarié va concéder à un responsable hiérarchique ou encore qu’un citoyen172 va placer en un élu censé le représenter. Ce qui différencie fondamentalement les deux tient dans le fait que la seconde est « ‘une hypothèse sur une conduite future, assez sûre pour qu’on fonde sur elle l’action pratique’ » (Simmel G., cité par Tiran A., p329, 1997). Il s’agit en quelque sorte d’un état intermédiaire entre le savoir et le non-savoir qui implique que l’un des deux partis n’exploitera pas la vulnérabilité qui naît de la coopération. Dans ce sens, la décision de faire confiance dépendra de l’interprétation que chacun fait des intentions de l’autre. L’apport de l’analyse stratégique pour affiner ces commentaires serait précieux, sauf si l’on considère que nous approchons ici la confiance dans sa dimension collective, comme force de synthèse de l’action collective, comme le lien qui permettra à chacun de s’engager dans l’action. En d’autres termes, il nous importe plus de savoir en quoi la confiance participe du processus de diffusion que de déterminer effectivement les conditions de sa production.

Si nous reprenons ce que dit G. Simmel – « ‘nous fondons nos décisions les plus importantes sur un système complexe de représentations dont la plupart supposent la certitude de ne pas être trompé’  » (Simmel G., cité par Tiran A., p323, 1997)173 - nous voyons que nous sommes au coeur des enjeux évoqués dans les chapitres 1 et 2 : la notion de confiance trouve ici une résonance dans la capacité qu’auront les territoires ruraux à construire une image de leur devenir associé aux télé-activités qui engage les citoyens à devenir « des constructeurs d’avenir 174 ». La confiance devient ainsi le résultat positif d’une démarche dans laquelle l’information et l’apprentissage aident à une appropriation collective réfléchie des technologies. Considérant qu’il faut une communauté d’intérêt pour qu’existe la confiance (Servet J-M., p23, 1997)175, laquelle devient un élément décisif dans une phase d’appropriation, cela confirme également la nécessité de bâtir une réponse à une demande collective et non un ajustement par les usages en réponse à des attentes individuelles. En référence aux milieux ruraux dont il est question, cela signifie bien la nécessité d’associer aux télé-activités une dimension d’intérêt collectif dans le devenir de ces territoires.

Notes
171.

Tiran A., (1997), « Confiance sociale et confiance primordiale en partant de Georg Simmel », in La construction sociale de la confiance, Montchrestien, Paris.

172.

Encore que la distinction puisse tomber compte tenu de la définition que l’on donnera de la notion de citoyenneté. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette remarque qui n’a rien d’anecdotique au regard de notre objet.

173.

Cité par A. Tiran, (1997), op.cit.

174.

L’expression fait allusion au célèbre tableau de Léger.

175.

Servet J-M, (1997), « Le chapeau ». La construction sociale de la confiance, Montchestien, Paris.